Le dossier de Bernagues, à Lunas, dans l’Hérault, est le plus avancé de ceux relatifs au démantèlement d’un parc éolien mal planté (dans le massif de l’Escandorgue, au sein du PNR du Haut Languedoc, en zone Natura 2000, dans une ZNIEFF, etc). De nombreux rapaces protégés y évoluent, fait qui avait été omis par l’étude d’impact du projet et a provoqué la mort, après celle d’un vautour moine, d’un aigle royal en janvier 2023, malgré le ralentissement de ses pales par un "système de détection de l’avifaune" (SDA).
Après les juridictions administratives (l’annulation des permis ayant été confirmée par trois arrêts du Conseil d’Etat des 16 juillet 2010, 7 novembre 2012 et 26 janvier 2017), une décision de la Cour de cassation du 11 janvier 2023 avait donné raison aux associations. Elle annulait un arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 3 juin 2021 en confirmant le démantèlement du parc et la remise en état des lieux dans les quatre mois, sous astreinte de 9000 euros par jour de retard, comme ordonné par le tribunal judiciaire de Montpellier le 19 février 2021.
Dans ce cadre civil, la loi pour la croissance d’août 2015 (dite « loi Macron », alors ministre des finances) impose en effet (voir son article 111) la démonstration de l’appartenance des constructions à certaines zones du territoire (nouvel article L. 480-13 du code de l’urbanisme), ce qui est très contestable sur le principe. Chance pour l’Escandorgue, nous avons pu démontrer, malgré les affirmations contraires du promoteur, son appartenance aux « paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ». La « méconnaissance d’une règle d’urbanisme », autre condition pour une démolition effective, a en outre été reconnue.
C’est sur renvoi de la Cour de cassation (qui ne tranche que les questions de droit) que la cour d’appel de Nîmes vient de se prononcer par arrêt du 7 décembre 2023. La cour prévoit, "qu’à défaut d’exécution dans le délai de 15 mois à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, la société Energie renouvelable du Languedoc [détenue par le groupe allemand VALECO] sera tenue de payer 3000 € au total par jour de retard pendant un délai de 180 jours, après quoi il sera à nouveau statué".
Sites & Monuments, qui finance ce contentieux exploratoire, et deux associations locales (l’association Vigilance patrimoine paysager et naturel - VPPN - et l’association Protection des paysages et ressources de l’Escandorgue et du Lodévois - APPREL), se partageront cette astreinte à parts égales. La cour a, en outre, octroyé la somme de 2000 euros à chaque association, soit 6000 euros au total, au titre des frais d’avocat.
Il va sans dire que cette décision est une immense victoire, même si le délai de démontage des éoliennes est augmenté et le montant de l’astreinte réduit.
Le promoteur a cependant formé un nouveau pourvoi en cassation contre cet arrêt, déjà rendu sur renvoi de la juridiction judiciaire suprême ! Les associations sont ainsi entrainées dans de nouveaux frais et de nouveaux délais puisque devant à nouveau se défendre devant la cour de cassation. Sites & Monuments maintiendra son action et son financement pour mener à son terme ce contentieux emblématique et pouvoir en tirer tous les enseignements.
Notre détermination est intacte pour sauvegarder les paysages du massif de l’Escandorgue, comme la faune qui y est établie. La cour d’appel de Nîmes rappelle, à ce propos, que "le bureau d’études Altifaune a évalué, au titre du suivi environnemental de l’année 2020 et à partir d’un calcul d’extension, compte tenu de la disparition des cadavres et de la fréquence des visites sur place, une mortalité de 147 oiseaux et 10 chiroptères par éolienne, soit, pour l’ensemble du parc, qui compte 7 éoliennes, une mortalité de 1099 sujets, cette situation étant notée en augmentation par rapport à 2019 où les visites s’étaient arrêtées en juillet, mais cohérentes avec celles de 2017 et 2018."
La mortalité annuelle issue de l’exploitation du parc éolien de Bernagues est donc de 1030 oiseaux et de 70 chiroptères environ ! Son démantèlement - les procédures ayant débuté il y a vingt ans - n’a que trop tardé !
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Consulter l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 7 décembre 2023
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