Dans le ruisseau de la Bonne Chère, qui se jette dans la Sarre à Niziau, sur la commune de Guern, vit la plus importante population de Mulettes (moules) perlières d’eau douce dont les perles étaient choisies, dit-on, par la duchesse Anne de Bretagne pour ses colliers et ceux de ses dames de compagnie.
Cette espèce emblématique de la qualité de l’eau, est menacée de disparition et une partie du ruisseau est classée Natura 2000 sur la commune de Guern.
La conservation des milieux naturels nécessaire à la survie de cette espèce emblématique a fait l’objet d’un arrêté du préfet du Morbihan le 17 novembre 2021. Cet arrêté de protection de biotope de la mulette perlière de Bonne Chère porte plus précisément sur la conservation des haies, des prairies, des espaces boisés, des ripisylves.
Certes, on se réjouit de cet arrêté, même si on sait que les dérogations ne manqueront pas pour un autre projet de business vert, mais on ne peut s’empêcher de maudire ceux qui ont permis de dévaster la vallée pour implanter des installations industrielles de production d’électricité !
Le combat juridique mené par l’ACPEG (Association contre le projet éolien de Gern) dure depuis plus de quinze ans : depuis que le préfet du Morbihan, par un arrêté en date du 8 avril 2005, accorde à la société ZJN Grundstucks-Verwaltungs GmbH un permis d’implantation de quatre éoliennes de 140 mètres en bout de pale et un poste de livraison à Niziau (commune de Guern).
Le site retenu se prête très mal à ce type d’installation : la vallée de la Sarre est protégée par une ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique) de types 1 et 2 et proche d’un site Natura 2000.
Historique du combat
Le 3 décembre 2007, le permis accordé à la société ZJN Grundstucks-Verwaltungs GmbH est transféré à la SNC Parc éolien.
Trois éoliennes sont mises en service le 23 décembre 2008. En l’absence de réglementation, le porteur de projet s’est bien moqué de l’impact sur l’habitat : l’une des machines se trouve à 380 mètres d’une habitation et à 450 mètres d’une autre. Concernant la qualité de l’environnement, il a fait preuve de la même désinvolture : l’implantation de l’éolienne E2 a nécessité un remblai important en zone humide. Les défenseurs des rivières de Bretagne ont fermé les yeux sur ce scandale. De même, la fuite des loutres de la Sarre apeurées par le bruit sourd des machines en fonctionnement a été ignorée par les écologistes locaux. Même chez les meilleurs naturalistes, le part-pris pro-éolien rend aveugle, muet et sourd.
Le 30 janvier 2009 la SNC Parc éolien modifie le projet.
En février 2009, saisi par l’ACPEG, le juge des référés ordonne l’arrêt de la construction de l’éolienne E3, (qui n’avait pas encore débuté) mais seulement « jusqu’à ce que le tribunal se soit prononcé sur les conclusions tendant à son annulation. Sachant que les travaux d’édification des éoliennes E1 et E4 sont totalement achevés et ceux de l’éolienne E2 pratiquement terminés, il n’y a pas d’urgence à statuer ».
Le 5 février 2009, le tribunal administratif de Rennes annule la totalité de ces actes administratifs.
Le 7 avril 2010, ce jugement est confirmé par la Cour administrative d’appel de Nantes. « Le site d’implantation des éoliennes, qui est traversé par la rivière Sarre, constitue un écosystème d’une grande valeur écologique, caractéristique des zones humides. De plus, les éoliennes présentent des risques de destruction […] en cas de vents très violents. Il n’est pas contesté que la région est soumise à des vents […] pouvant atteindre plus de 130 km/h. Plusieurs habitations sont situées dans une zone directement exposée aux risques de destruction et de projection de pales » assurait la Cour.
Au printemps 2010, un accident endommage une pale sur l’une des éoliennes.
Le 15 juillet, le maire prend un arrêté pour réglementer la circulation près de la machine et la pale est changée malgré les protestations des riverains et des associations.
Le 28 septembre 2012, le Conseil d’État confirme l’annulation des permis.
Le 17 décembre 2012, la SNC Parc éolien dépose une nouvelle demande de permis de construire afin de régulariser son installation. Cette demande est rejetée le 28 novembre 2013.
Le 23 décembre 2016, la société pétitionnaire conteste cet arrêté devant les juridictions administratives (Tribunal administratif de Rennes le 23 décembre 2016, Cour administrative d’appel de Nantes le 11 janvier 2019 et Conseil d’Etat le 18 décembre 2019). Ces trois juridictions rejettent la demande.
Le 15 avril 2020, en l’absence de permis de construire régulièrement obtenu, un arrêté de la préfecture du Morbihan met en demeure la SNC Parc éolien de « déposer soit un dossier de cessation d’activité, soit un dossier de demande d’autorisation environnementale (art. L. 181-1 2 du code de l’environnement) afin d’exploiter une installation de production d’électricité. Dans cette seconde hypothèse, le dossier devra exposer les modalités d’acquisition des constructions situées à moins de 500m des éoliennes [...] Faute pour l’exploitant de se conformer à la mise en demeure, il sera fait application des sanctions administratives prévues aux art. L. 171-7 et 171-8 du code de l’environnement ».
Le 24 février 2021, l’inspection des installations classées constate le mauvais état des éoliennes.
Un second arrêté est pris par le préfet du Morbihan le 21 mai 2021 qui rend la SNC Parc éolien redevable d’une astreinte journalière de 1 000 euros. De nouveau, la société pétitionnaire attaque ces deux arrêtés.
Si les instances au fond n’ont pas été jugées, une ordonnance de référé a rejeté la demande de suspension de l’exécution du 15 avril 2020. Mais les éoliennes tournent toujours : la société SNC Parc éolien n’a pas respecté la mise en demeure !
L’ACPEG se voit contrainte de demander au préfet d’ordonner la cessation ou la suspension prévue à l’article L. 171-8 du code de l’environnement. A défaut, l’ACPEG se verra contrainte de contester cette décision de refus avec le soutien de Sites & Monuments.
Anne-Marie Robic, déléguée de Sites & Monuments pour le Morbihan