Alors que les premières éoliennes de Saint Nazaire viennent tout juste de commencer à injecter leur électricité intermittente dans le réseau, nous avons hélas le sentiment que les choses s’accélèrent pour le projet d’éoliennes en mer entre Yeu et Noirmoutier, joyaux du littoral français et de la biodiversité.
L’association NENY (Non aux Éoliennes entre Noirmoutier et Yeu) a en effet appris que RTE allait anticiper les résultats des recours en débutant de manière scandaleuse les travaux de raccordement terrestre dans le marais de Monts, avec le calendrier suivant :
- création de la ligne électrique souterraine : à partir de juin 2022 ;
- construction du poste électrique de Soullans : à partir de juin 2022 ;
- travaux d’atterrage au niveau de la plage de la Grande Côte (à Fromentine) : à partir de l’automne 2022.
Il faut en effet bien comprendre que le projet est scindé très artificiellement en deux parties, avec chacune leurs autorisations propres : d’un côté le parc éolien (EMYN) et, de l’autre, le raccordement terrestre et maritime (réalisé par RTE).
Les autorisations délivrées à RTE concernant le raccordement sont libres de recours, car nous avions été déboutés sur ce point du dossier par la Cour d’appel administrative et nous avions décidé de ne pas faire appel sur le conseil de notre avocat.
Par ailleurs, une audience publique au Conseil d’Etat aura lieu le 22 juin prochain. Le rapporteur public donnera le sens de ses conclusions vis-à-vis de notre plus important recours, celui contestant l’arrêté délivré à EMYN dérogeant à l’interdiction de destruction et de perturbation intentionnelle d’espèces protégées.
Il est vrai que la procédure aura été particulièrement longue, puisqu’elle aura duré deux ans (nous avons été déboutés par la Cour d’Appel administrative le 3 juillet 2020). Entre temps, nous avons échangé avec la partie adverse plusieurs mémoires complémentaires alimentés par les nombreuses notes de synthèse rédigées par l’association.
Rappelons ce point de droit :
Un projet « susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »
C’est donc bien la raison impérative "d’intérêt public majeur" du projet qui est l’enjeu essentiel de ce pourvoi.
Pour mémoire, cet arrêté passe outre l’avis très défavorable du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) qui aura constitué une des pièces maîtresses de notre argumentation. Cette instance, rattachée au ministère de l’Ecologie, a d’ailleurs réitéré ses critiques dans son autosaisine en date du 6 juillet 2021.
L’avis du CNPN pour le parc de Yeu-Noirmoutier dénonce aussi « une sous-estimation volontaire de l’impact sur le Puffin des Baléares en danger critique d’extinction, avec absence de demande de dérogation de destruction d’espèce protégée, alors que la zone du projet et ses environs abritait jusqu’à 90% des effectifs estivaux mondiaux du Puffin des Baléares dans les années 1980-90 […] »
N’oublions pas enfin que deux autres recours restent toujours pendants devant le Conseil d’Etat :
- Dans le recours contre l’arrêté ministériel acceptant l’offre améliorée déposé le 3 juillet 2020, nous contestons notamment la prétendue baisse du tarif de rachat du MWh (en fait le transfert des frais de raccordement à RTE) qui aurait dû constituer une modification substantielle du projet et donner lieu à un nouvel appel d’offres.
- Nous avons également déposé un recours tardif en août 2021 contestant le caractère prétendument non substantiel des modifications apportées in extremis au projet, à savoir le remplacement des fondations jacket par des fondations de type monopieu XXL, ainsi que le remplacement des enrochements par des coques (coquilles) acier lestées.
Ces pourvois ne sont en théorie pas suspensifs. Mais, en pratique, les exploitants attendent d’avoir purgé les autorisations de tout recours. Nous sommes également en cours de réflexion pour déposer un ultime pourvoi.
Gardons espoir !
Emmanuel Vrignaud,
président de l’association NENY (Non aux Éoliennes entre Noirmoutier et Yeu)
Tél : 06 26 35 57 11