Le séisme de 2019 en Ardèche a malmené le patrimoine religieux. Trois bâtiments ont été ébranlés sur le territoire de la commune du Teil, les églises de Saint-Étienne-de-Mélas et du Sacré-Cœur de Frayol ainsi que l’enclos paroissial Notre-Dame-de-l’Assomption, église, cure et jardin. Un quatrième est situé sur le territoire de la commune de Viviers, la chapelle Saint-Victor de la cité Blanche construite en 1922. L’église de Mélas, classée au titre des Monuments historiques depuis 1875, en cours de restauration, bénéficie de fonds du Loto du Patrimoine ; la chapelle Saint-Victor, propriété privée inscrite au titre des Monuments historiques depuis 1995, sera restaurée.
Ce patrimoine religieux n’a pas été malmené par le seul séisme, il l’a été après lui et il l’est encore.
L’église du Sacré-Cœur, propriété du diocèse, désaffectée depuis une bonne trentaine d’années, faisait l’objet d’une étude pour inscription au titre des Monuments historiques qui allait être présentée en commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA d’Auvergne-Rhône-Alpes) en septembre 2022. Elle a été démolie en août, peu avant son centenaire.
Le sort de l’ensemble Notre-Dame-de-l’Assomption, propriété de la commune, est en suspens. Il est entre les mains du conseil municipal, de la compagnie d’assurances qui financerait seule les travaux de restauration ou de démolition liée à la construction d’un nouveau bâtiment, et du diocèse de Viviers, affectataire de cette église d’une paroisse catholique. Néanmoins, son avenir concerne un large public et pas uniquement en Ardèche.
Tout d’abord la présence dominante de ce bâtiment dans le paysage urbain depuis 1897 en a fait un symbole de la ville sur de nombreuses cartes postales multi-vues. Du fait qu’il côtoie le monument aux morts, déplacé du centre de la place, à eux deux, ces monuments concentrent une grande part des souvenirs de générations d’habitants du Teil depuis leur jeunesse puisque les écoles bordent la place dont l’église est comme le mur de scène, à l’image de celui du théâtre d’Orange. La disparition de ce qui a tous les atouts d’un monument historique serait comme un nouveau séisme pour la mémoire du Teil en effaçant une trace de son histoire tant urbaine, économique, sociale que culturelle aux XIXe et XXe siècles.
Ensuite, son sort relève aussi de la connaissance de la place à laquelle peut prétendre ce monument dans l’ensemble du patrimoine religieux français hérité de la fin du XIXe siècle. La notice rédigée, en 1977, par le service de l’inventaire et consultable en ligne, rend compte de la richesse de cette histoire que porte en lui l’ensemble de Notre-Dame-de-l’Assomption. Il s’agit d’une réalisation permise et soutenue par les Lafarge, donc inséparable de la place de Lafarge dans la vie du Teil ; œuvre de Siméon Baussan et de Joseph Baussan, son fils, issus d’une lignée de maçons de Bourg-Saint-Andéol, tous deux architectes diocésains (puis architectes des Monuments historiques à la suite de la séparation de l’Église et de l’État) dont l’un Joseph a réalisé aussi, à Viviers, la chapelle Saint-Victor et le monument aux morts. L’ensemble du Teil est une réalisation emblématique de leur œuvre.
Que Notre-Dame-de-l’Assomption soit à la fois un emblème du Teil et du dynamisme de l’architecture religieuse à la veille du siècle dernier, incite à appeler à l’aide afin que cet ensemble ne subisse pas le sort de l’église du Sacré-Cœur, sa cadette d’un quart de siècle.
Philippe Romain, référent patrimoine religieux Sites & Monuments
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