Le Pays d’Ouche, vaste plateau drainé par la Risle et ses affluents, déploie ses paysages verdoyants sur trois départements normands : l’Eure, l’Orne et le Calvados.
Pour son malheur, le Pays d’Ouche constitue la zone d’implantation n° 2 du schéma régional éolien de Normandie, laquelle est étalée sur les trois départements précités. Les projets de parcs éoliens, présentés par des opérateurs concurrents qui ne se concertent pas entre eux, sont donc examinés par trois préfectures, qui manquent de recul et d’éléments pour avoir une vision d’ensemble.
Quatre champs éoliens sont déjà actuellement en service dans la zone, dont celui d’Echauffour (Orne), qui a beaucoup fait parler de lui. Un autre a déjà été autorisé et un autre encore, celui d’Anceins / Bois Seigneur, est à l’instruction. Plusieurs autres sont à l’étude ou en projet, de sorte que les habitants de la région commencent à ressentir un véritable sentiment d’« encerclement ». Si tous les projets se réalisent, le pays d’Ouche sera marqué, d’est en ouest, par une « barre » de trente kilomètres de long et d’une quinzaine de kilomètres de large.
Le projet du Bois Seigneur, situé sur le territoire de la commune déléguée d’Anceins (La Ferté-en-Ouche), est porté par une société d’exploitation ad hoc, appartenant à la société allemande ENERCON, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d’éoliennes. Il prévoit l’implantation de 4 éoliennes, avec des mâts de 130 m de hauteur et des pales culminant à près de 200 m. Ce projet est en cours d’instruction et la consultation publique, ouverte le 13 septembre 2021, a été clôturée le 13 octobre 2021.
La hauteur des éoliennes rend évidemment impossible leur intégration paysagère. Alors que l’impact paysager du projet est minoré par l’étude d’impact, les photomontages montrent une influence majeure des éoliennes sur le paysage local. Des bâtiments historiques d’un grand intérêt patrimonial se trouveront à quelques centaines de mètres des éoliennes, donc dans leur périmètre de visibilité : la château de Resly, datant de 1633, le manoir de Glatigny classé monument historique en 1929 et le château de Bois-Hibou.
A noter que ces demeures risquent également d’être très impactées par le projet de parc de Notre-Dame-du-Hamel, situé plus à l’est dans le département de l’Eure, projet actuellement à l’étude.
Le dossier de demande d’autorisation environnementale (DDAE) soumis à la consultation publique ne fait pas mention de ces demeures : il ne cite que le château de Villers-en-Ouche, classé monument historique en 2005 et qui offre dans son écrin de verdure un exemple parfait d’ensemble monumental d’époque Louis XIII. Situé à 1 700 m seulement de la zone d’implantation des éoliennes, sa valeur esthétique serait à l’évidence fortement diminuée.
Il faut ajouter que le site du projet est proche des vallées inscrites de la Guiel et de la Charentonne. Le dossier de DAE reconnaît d’ailleurs que « D’un point de vue paysager, le projet se situe dans un site présentant une valeur patrimoniale et touristique, notamment en raison de sa localisation entre la vallée de la Guiel et celle de la Charentonne. »
Les éoliennes seront également visibles au sein des vallées précitées et génèrera par endroits « des impacts modérés à forts, en lien avec les effets de surplomb et de rupture d’échelle » (voir Les Mottes féodales de Pont d’Echanfray).
A noter que, selon le DDAE, « le projet de parc est situé dans un secteur favorable au développement éolien et les plateaux du Pays d’Ouche constituent un pôle qui est appelé à se développer » : les habitants du Pays d’Ouche sont prévenus…
Sans même parler des nombreuses nuisances avérées qu’entraînent les éoliennes pour les habitants (et les animaux) vivant dans leur périmètre, ou encore des impacts environnementaux négatifs (notamment pour la faune : une zone Natura 2000 se situe à 1 km seulement du site du projet), on ne peut envisager sereinement qu’un paysage rural jusqu’à présent préservé soit pollué par des engins métalliques mesurant les deux tiers de la Tour Eiffel.
Une pollution qui remettrait gravement en cause l’attractivité du Pays d’Ouche auprès des touristes et des citadins des métropoles et réduirait à néant les efforts entrepris pour redonner au Pays d’Ouche un dynamisme économique et démographique.
Et cette course à l’éolien n’est même pas justifiée par l’impératif climatique et la réduction des émissions de carbone. En effet, la production française d’électricité est déjà largement décarbonée, grâce au nucléaire et à l’hydro-électricité et le caractère intermittent de la production des éoliennes nécessite de faire appel à des centrales à gaz pour assurer une alimentation régulière aux consommateurs.
Luc Domergue, président de l’Association de Protection du Pays d’Ouche (APPO), adhérente de Sites & Monuments