Nous avons montré, notamment par un article de septembre 2020 et de décembre 2023 (nombreuses illustrations), l’importance pour le patrimoine naturel et bâti de Paris du monastère de la Visitation, transformation, à partir de 1820, pour l’ordre cloitré des Visitandines, d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle et de son vaste jardin.
Pas moins de six associations (SOS Paris, FNE Paris, Paris Historique, GNSA Paris, A.R.B.R.E.S., Sites & Monuments), soutenues par le "G7 Patrimoine" (groupe des sept associations nationales de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique), se sont mobilisées pour sa défense.
Une lettre du 18 décembre 2023, adressée par le cabinet de la ministre de la Culture Rima Abdul Malack à notre association, était plutôt encourageante sur le sort du monastère :
« À la suite des demandes de protection au titre des monuments historiques qu’elle a reçues, la ministre a demandé à l’inspection des patrimoines et à la direction régionale des affaires culturelles de se rendre sur place et de solliciter du diocèse une présentation du projet. Cette visite, prévue à la mi-décembre, doit permettre d’évaluer l’intérêt patrimonial du site et, le cas échéant, d’identifier les outils ou les évolutions du projet qui permettront de ne pas y porter atteinte. »
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Sans nouvelle de cette mission d’inspection, nous nous sommes adressés, le 15 janvier 2024, à Madame Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture, afin de lui rappeler les possibilités de conciliation d’une grande partie du projet de l’archevêché avec l’achat au profit des Parisiens d’un jardin de 5500 m2 et des bâtiments de sa ferme urbaine, dent creuse conférant sa "bonhomie provinciale" (Emile Zola) à la rue du Cherche-Midi.
Après la déconvenue du pavillon des Sources, il s’agit plus que jamais un "dossier test" pour la ministre et future candidate à la mairie de Paris. L’intérêt patrimonial incontestable du site, joint à son importance environnementale pour les Parisiens, à l’heure du réchauffement climatique, en font un cas d’école.
Il ne s’agit pas d’un dossier politique puisque le projet est soutenu par la mairie centrale (qui a délivré les autorisations et refuse de répondre depuis des années aux demandes des associations), comme par le maire LR du 6e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, qui a pris fait et cause pour le projet (malgré la courageuse opposition des élus EELV de l’arrondissement) et soutient aujourd’hui la ministre transfuge. Interrogé par BFM TV, il explique, assez paradoxalement, que, "plus que jamais, sur le plan culturel comme sur le plan patrimonial, nous avons besoin d’un ministère puissant, qui sache s’imposer dans les dossiers". Y compris concernant le monastère de la Visitation ?
La nouvelle ministre de la Culture saura-t-elle s’emparer de ce dossier d’intérêt général, au-delà des considérations politiciennes et d’influence ? Nous lui avons rappelé que son intervention était attendue par les associations de défense du patrimoine :
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Redisons que le projet de l’archevêché peut être réalisé dans sa partie principale, rue du Vaugirard, même si nous regrettons sa trop grande densité et son esthétique. Nous ne nous opposons qu’aux bâtiments, plus modestes, devant ceinturer le jardin, en détruisant ferme urbaine et anciens oratoires.
Le programme de l’archevêché rue du Cherche-Midi (porté par l’association Simon de Cyrène), auquel nous adhérons totalement, n’est pas en cause. Il doit simplement être réalisé sur un autre site, avec les fruits de l’expropriation du jardin et des bâtiments de sa ferme urbaine.
L’Église a la responsabilité de participer au bien commun, notamment en permettant la création d’un nouveau jardin public à Paris, sous la forme d’une ferme pédagogique de plus d’un demi hectare (et non d’un minuscule square). Ce que rappelle d’ailleurs le diocèse de Paris dans une page de son site internet dédiée à l’écologie, comme la mairie de Paris, qui souhaite faire passer la surface d’espaces verts accessibles de 8,6 mètres carrés à 10 mètres carrés par habitant, d’ici à 2040...
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments