Le château du Plessis (autrefois connu sous le nom de Montils-lez-Tours), situé dans la commune de La Riche (Indre-et-Loire), fait l’objet de nombreuses discussions dont les médias locaux se sont fait l’écho récemment. Propriété de la Ville de Tours depuis 1932, acquis avec l’aide de la Demeure Historique pour la somme de 150 000 francs de l’époque, l’édifice aura connu plusieurs destinations.
Bien avant de devenir une résidence royale, s’élevait sur une butte au XIe siècle une forteresse le long de la Loire, les Montils. Louis XI, ayant séjourné dans cette demeure pendant son enfance, se porte acquéreur de la seigneurie en 1463, avant de changer son nom en Plessis-du-Parc, puis en Plessis-lès-Tours. Les historiens, s’appuyant sur les comptes de l’hôtel des rois de France, s’accordent à penser que la campagne de transformations commandée par le roi se situe entre 1478 et 1480. Elle donne naissance à une demeure de plaisance de plan quadrangulaire en briques et pierre, entourée de nombreuses dépendances.
Le logis est de taille modeste pour une résidence royale. Néanmoins, le soin apporté aux décors sculptés donne une idée de l’importance du chantier et de son commanditaire, que ce soient les éléments de l’architecture extérieure comme les lucarnes à gâble, les encadrements des baies, ou les manteaux de cheminée intérieurs encore en place. Des artistes, tel le peintre tourangeau Jean Bourdichon pour les décors peints de la chapelle castrale, sont chargés des commandes royales.
Ne subsistent malheureusement aujourd’hui que le corps de logis oriental et son escalier en vis polygonale hors œuvre et des fragments de son enceinte. La qualité architecturale et la distribution des pièces dans le logis ont été particulièrement bien décrits dans les travaux d’Alain Salamagne, notamment dans le bulletin n°60 de la SAT (voir remarquable synthèse de l’université de Tours à qui nous empruntions l’essentiel des illustrations de cet article).
Demeure de plaisance, le Plessis-lès-Tours est également le siège du pouvoir puisqu’il sert un temps de prison à Jacques Cœur en 1452 avant son procès, puis au Cardinal de la Balue en 1469. L’ordonnance de Montils-lès-Tours (Ordonnance pour la réformation de la coutume) est promulguée par le roi Charles VII (1422-1461) le 15 avril 1454. Elle impose la mise par écrit des coutumes, premier pas vers un droit moderne et unifié. Louis XI (1423-1483) y reçoit également les ambassadeurs et y meurt.
Les États Généraux y sont alors convoqués en 1484 afin de statuer sur la Régence. Pour la première fois, ces États rassemblent des députés de tout le royaume mais aussi des représentants de tous les ordres, noblesse, clergé et tiers État (incluant des paysans). Tours est alors la capitale du royaume et le Plessis la demeure du roi. Charles VIII (1470-1498) et Anne de Bretagne y séjournent à de fréquentes reprises.
Une assemblée de notables y sera par la suite réunie en mai 1506, proclamant le roi Louis XII (1462-1515) « Père du Peuple ». Annulant le traité de Blois (1504) à la demande du roi, elle sera décisive pour l’union de la Bretagne à la France.
En septembre 1580, le traité de Montils-lès-Tours, par lequel duc d’Anjou, frère du roi Henri III (1551-1589), accepte de devenir souverain des Pays-Bas en remplacement du roi d’Espagne Philippe II, y est signé.
La souveraineté s’est ainsi pleinement exercée au château (fait célébré jusqu’au XIXe siècle dans des décors réalisés au Louvre comme à Versailles). Les monarques délaissèrent cependant par la suite de plus en plus le Plessis pour des résidences royales plus ostentatoires, mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que le déclin menace véritablement la demeure.
Devenue dépôt de mendicité en 1781, prison puis dépôt militaire, elle est vendue comme bien national en 1798. Elle devient alors successivement une fabrique de plombs de chasse, puis une entreprise de vidanges et enfin l’institut vaccinal du château du Plessis, fournisseur du vaccin de la variole, suite à l’achat des lieux par le Docteur Edmond Chaumier.
Le Plessis est inscrit en totalité à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1927. Malgré cette mesure, son environnement s’est considérablement dégradé, y compris récemment.
Acquéreur en 1932, la municipalité de Tours y crée un musée historique, réservant une large part à l’industrie de la soie en Touraine. Depuis 1998, c’est une troupe de théâtre, la compagnie Cano Lopez, qui a investi les lieux.
Pour mémoire, en 2016, la ville avait déjà tenté de s’en dessaisir, mais sans succès, tentative qui n’avait pas fait l’unanimité. Les nouvelles tractations avec la commune de La Riche devraient cette fois-ci aboutir, si les conseils municipaux des deux communes valident le transfert de propriété. Espérons que l’histoire de ce lieu incroyable pourra être enfin être valorisée.
On peut cependant s’interroger sur l’application à ce patrimoine important historiquement et symboliquement du statut de domaine national créé par la loi LCAP de 2016 (régime applicable à des biens partiellement propriété de collectivités territoriales et même de particuliers). Le château de Plessis-lès-Tours n’entretient-il pas un "lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation", même s’il n’est plus, "au moins pour partie", propriété de l’État, comme l’exige l’article L. 621-34 du code du patrimoine ? L’analogie avec le château de Villiers-Cotterêts, autre domaine royal oublié, lui aussi cadre d’une fameuse ordonnance, puis transformé en dépôt de mendicité, est en tous les cas frappante.
Les avantages du statut de domaine national ne sont plus à démontrer. Il subsiste en effet une partie du château et de son parc, faisant l’objet d’une propriété publique, alors que le long bâtiment de communs du château est aujourd’hui en mains privées. Sa préemption pourrait être rendue possible, c’est l’une des vertus du classement comme domaine national (voir code du patrimoine), pour un projet de valorisation globale du domaine.
Sandra Berthélemot, déléguée-adjointe de Sites & Monuments pour l’Indre-et-Loire
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments