Aucune éolienne n’est encore construite en Indre-et-Loire mais la pression est de plus en plus forte, en particulier en Sud Touraine.
Après l’annulation de l’autorisation à Vou - La chapelle Blanche Saint-Martin (recours pendant devant le Conseil d’Etat) et l’autorisation de machines de 200 mètres de haut au Petit Pressigny (recours devant la cour administrative d’appel), la préfète d’Indre-et-Loire a signé mi-juillet 2022 une autorisation pour une centrale de cinq éoliennes d’une hauteur totale de 164,50 mètres et une puissance de 3,6 mégawatts chacune sur la commune de Sepmes, au lieu-dit les Maisons Rouges, en limite des communes de Bossée et Bournan.
La demande d’autorisation est portée par les sociétés David Energie (qui est aurait déjà cédé ses parts) et RWE, conglomérat allemand, deuxième producteur d’électricité en Allemagne, essentiellement avec des centrales à charbon.
Les premiers contacts avaient été pris par le promoteur en 2015 avec la municipalité de Sepmes ; le dossier de demande d’autorisation a été déposé en 2020, avec l’accord de la municipalité et d’agriculteurs locaux.
Le lieu d’implantation est situé à la limite du plateau de Sainte-Maure-de-Touraine et de la « Boutonnière de Ligueil ».
Le pays de Ligueil est une petite région naturelle très vallonnée qui s’étend sur une dizaine de commune., déterminée par une spécificité géomorphologique, un dôme anticlinal évidé par l’érosion de deux rivières parallèles : l’Esves et la Ligoire séparées par un bombement médian : le Bray ou « boutonnière ».
Avec leurs affluents l’Estrigueil et la Riolle, elles ont dessiné de larges ondulations au niveau du relief. Les collines sont ainsi soulignées par des vallées plus ou moins larges et enfoncées. Les rivières sont très sinueuses dessinant un paysage vallonné, verdoyant au cœur duquel affleurent les sables du Crétacé.
Le site est traversé par la voie gallo-romaine qui reliait Poitiers à Amboise, près de laquelle diverses découvertes archéologiques ont été faites notamment villa gallo-romaine du Besland à Bossée, site de Chemely à Bournan.
Le nom de Sepmes signifierait que c’était le lieu de la septième borne milliaire. Pas très loin de là les restes d’une pile romaine à Marcé sur Esves, inscrite au titre des monument historique le 8 mars 1938. On peut craindre un risque de dégradation ou destruction de sites par les gros engins de chantier utilisés pour la construction qui nécessitent un « renforcement » d’une partie de la voie gallo-romaine.
Le site d’implantation du projet est situé au cœur de la Trame verte en tant que corridor de boisement entre les bois à l’est de Sainte Maure et la forêt de Loches puis la forêt de Verneuil.
Au niveau de la sous-trame humide le projet est également présent à proximité de la Trame bleue constituée par la vallée de la Manse, à 350 m de l’éolienne E1, deux étangs à environ 600 m de l’éolienne E1 et plusieurs autres plans d’eau et mares à proximité.
Le parc projeté s’implanterait sur des parcelles agricoles de nature hydromorphe, à proximité de deux étangs, de boisements et de bosquets. Une partie de la zone répond à la définition règlementaire des zones humides. Le réseau hydrographique à proximité est dense. Le projet se trouve au niveau de la zone de partage de trois têtes de bassin versants : Manse et Réveillon (affluents de la Vienne), Esves (affluent de la Creuse). Une pollution accidentelle ou par usure des machines se répandrait facilement dans l’environnement.
Le site possède une large gamme d’espèces grâce à la mosaïque des habitats : cultures, prairies, haies, friches, milieux humides, plans d’eau. Des passages d’oiseaux migrateurs sont observés dans le territoire : cigognes blanches, grues cendrées, martin-pêcheur etc. L’espèce la plus critique est la cigogne noire, considérée comme en danger, qui niche tous les ans dans les bois de Grillemont à La Chapelle Blanche Saint Martin et dont l’aire de nourrissage comprend les cours d’eau et les étangs voisins.
De même le site est fréquenté par les chiroptères, sur les 24 espèces présentes en région Centre-Val de Loire, au moins 14 espèces ont été recensées (photos prises sur le domaine des Etangs).
Le développement du tourisme est un cheval de bataille du territoire à travers ses investissements. Pour les 14 communes situées dans un rayon de 6 km, la perte d’attractivité touristique constituerait une menace sur 5 hôtels, 25 restaurants, 700 places de lieux de réception, 556 places d’hébergements (en gites, chambres d’hôtes ou airbnb) et 705 places de camping. Il existe aussi une crainte de gène pour l’importante base de vol à voile au Louroux, à moins de 7 km.
L’aire étudiée par le promoteur au plan patrimonial d’un rayon de 17 à 18 km répertorie 87 édifices inscrits ou classés monuments historiques. Pour avoir un panorama plus représentatif, il suffirait d’élargir un peu ce rayon pour trouver la citadelle de Loches distante de 22km.
Les plus proches monuments protégés sont le château ISMH du XVe siècle des Etangs (entre Bossée et Bournan, à 1100 m du projet éolien ; le château ISMH du XVe siècle de Bagneux (entre Bournan, Sepmes et Civray) situé à une distance de 1900 m) et le château Renaissance classé monument historique de Sepmes, situé également à une distance de 1900 m).
L’ancien château des Etangs a appartenu à l’abbaye bénédictine de Cormery jusqu’à la Révolution. Il a été vendu comme bien national en 1791 et est resté dans la même famille depuis 1792.
C’est l’abbé de Cormery Jean du Puy qui fit construire en 1492 un château en ce lieu. En 1707, un autre abbé décida de sa démolition en raison de sa vétusté et des coûts d’entretien ; la vente des matériaux était destinée à réparer la ferme et l’abbaye. Dans cette terre marécageuse cinq étangs ont été aménagés, au plus tard au moment de la construction du château ; deux sont encore en eau.
Du logis il ne reste aujourd’hui qu’une grosse tour arasée, qui possède encore ses fenêtres à meneaux et deux cheminées d’origine. Les autres bâtiments datent également de la fin du XVe siècle ; ils entourent une cour close, elle-même entourée de douves ; des canonnières sont présentes sur trois côtés. Une fuie existait à l’origine qui a disparu, ainsi qu’une chapelle dont il ne reste qu’un mur pignon. Le domaine est encore aujourd’hui un bon exemple d’architecture militaire du XVe siècle.
Laissé à l’abandon depuis plusieurs années, de gros travaux de réparation conduits en 2006 ont reçu le prix René Fontaine des Maisons Paysannes.
Colette Jourdanne, présidente de l’ADEB 37, association adhérente de Sites & Monuments
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