Sites & Monuments avait contribué défavorablement à l’enquête publique sur le futur Site Patrimonial remarquable (SPR) de la cité-jardin de la Butte Rouge, dont nous avions expliqué que le périmètre, proposé par la municipalité de Chatenay-Malabry, était incohérent.
Le commissaire enquêteur a rendu son rapport sur l’enquête publique, assorti de conclusions motivées, le 27 mai 2024.
Remarquons, en préambule, que la municipalité de Chatenay-Malabry persiste à mentir - au sein même du rapport de l’enquête publique - sur la portée de l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) : "En reconnaissant à l’unanimité l’intérêt du classement et le caractère atypique du projet, la commission entérine la valeur patrimoniale du site de la Cité Jardin châtenaisienne et le périmètre proposé pour le SPR, ce qui est l’objet de la présente enquête publique." (p. 28/51). Comme nous l’avons montré, la CNPA a, au contraire, refusé d’entériner le projet de périmètre de SPR proposé par les collectivités, ce qui est sans précédent devant sa 1ère section.
Le commissaire enquêteur signale, tout d’abord, l’ampleur des désaccords avec la proposition municipale. Ainsi, " 42% des contributions déposées sont défavorables au périmètre proposé" (p. 8/12), tandis que " 78% des associations et 70% des professionnels de l’architecture, du patrimoine, des jardins et du paysage sont défavorables au projet de périmètre du SPR" (p. 9/12).
Parmi ces associations, le commissaire enquêteur note que "2 sont reconnues d’utilité publique, appartiennent au G7 Patrimoine et siègent à la CNPA : la Fédération Patrimoine Environnement et Sites et Monuments. Ces 2 associations sont également entendues en mai/juin 2024 par le Sénat sur la Mission Information sur les Architectes des Bâtiments de France" (p. 8/12)
Il indique, par ailleurs, avoir "reçu de nombreux témoignages pendant l’enquête sur des années heureuses passées dans la cité. Les habitants d’aujourd’hui souhaitent que le quartier évolue et que leur habitat soit modernisé, mais, pour l’essentiel, ils sont attachés à l’esprit du lieu. Le nombre important de contributions sur le projet de classement en SPR parle de lui-même : la cité-jardin joue un rôle important dans la préservation de l’identité culturelle chatenaisienne et de la mémoire collective du logement social. L’intérêt public est indiscutable." (p. 10/12)
Selon le commissaire, "Les détracteurs indiquent que, d’un point de vue de la perception urbaine et de l’histoire, c’est l’entité Butte-Rouge qui porte, en tant que quartier, une valeur patrimoniale. La cité ne doit pas être morcelée et le classement en SPR doit la couvrir en totalité, en limitant les démolitions. La demande est de classer également la cité des Peintres." (p. 11/12)
Il précise que "Le périmètre exact du SPR proposé n’est pas connu sans ambiguïté, à ce stade. Les limites actuelles encore floues (entre 2 immeubles, au milieu de la voie publique, etc..), nécessitent certaines divisions parcellaires, et ne vont pas faciliter la gestion opérationnelle des demandes de travaux. En conséquence, dans cette période d’incertitudes, je vois un intérêt à protéger la globalité du site en élargissant le périmètre du SPR. Ainsi, les travaux sur toutes les parcelles y compris les espaces verts nécessiteront un accord de l’Architecte des Bâtiments de France." (p. 11/12)
"Pour ces raisons, je propose que le périmètre du SPR soit au moins étendu à toute la partie de la cité-jardin enclose entre le Boulevard de la Division Leclerc et la forêt de Verrières (la totalité des 7 tranches de construction entre 1931 et 1958)" (p. 11/12). Le commissaire enquêteur n’est ainsi pas hostile à la protection de la cité des Peintres (6e tranche de construction située au nord de l’avenue de la Division Leclerc).
La conclusion du commissaire enquêteur est ainsi formulée :
L’avis "favorable" du commissaire enquêteur sera requalifié en "défavorable" si les "réserves" émises ne sont pas prises en compte. La collectivité pourra, en vertu de l’article L. 123-16 du code de l’environnement, soit modifier son projet de délimitation du SPR pour lever ces réserves, soit passer outre cet avis défavorable en prenant une nouvelle délibération confirmant son projet.
La ministre de la Culture devra, pour sa part, désormais tenir compte, après l’absence d’avis favorable de la CNPA, de la réserve du commissaire enquêteur tendant à inclure l’ensemble de la cité-jardin dans le SPR. A défaut d’accord de la municipalité, la cité-jardin pourra être classée par décret pris en conseil d’Etat.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Consulter le rapport de l’enquête publique
Consulter les conclusions motivées du rapporteur public