En Haute-Marne, dans un rayon de 15 kilomètres autour d’Épizon, une centaine d’éoliennes sont déjà implantées. Malgré la saturation de cette région, la société Calycé Développement projette l’installation du parc Éole de la Joux, composé de sept nouveaux aérogénérateurs.
L’Association pour la Protection de Pautaines (APP52), les propriétaires du château de Brouthières, l’association La Demeure Historique et Sites & Monument mènent un combat contre ce nouveau projet.
Une enquête publique a été organisée du 15 juin au 16 juillet 2020 et grâce à la mobilisation de l’APP52 et à l’opposition de la commune, le promoteur a renoncé à trois des sept éoliennes prévues. (E5, E6 et E7).
Le dossier transmis à la préfecture de la Haute-Marne a donné lieu à un arrêté en date du 21 décembre 2020 qui rejette le projet dans son intégralité pour les motifs suivants :
- Avis défavorable de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP), estimant que le projet est "de nature à porter atteinte au caractère des lieux, aux monuments historiques, aux sites et aux paysages avec un risque de dénaturations des vues lointaines depuis des promontoires et des monuments historiques" ;
- La saturation car "le parc éolien viendra s’ajouter à un paysage éolien déjà chargé, sera de nature à créer un encerclement de la commune associée de Pautaines et accentuera de façon significative la perception des éoliennes dans l’environnement et, par ses effets cumulés à ceux des éoliennes déjà construites, contribuera à la saturation visuelle du paysage par les éoliennes" ;
- Avis défavorable de la Commission Départementale Nature, Paysage et Sites (CDNPS) ;
- l’absence de concertation (aucune réunion d’information publique organisée) et l’opposition répétée du conseil municipal de la commune ;
- la présence d’espèces protégées à proximité, notamment le milan royal et la cigogne noire.
Le promoteur éolien a fait appel de l’arrêté préfectoral. L’APP52 et les propriétaires du château de Brouthières se sont constitués en tant qu’intervenants volontaires auprès de la Cour administrative d’appel de Nancy, pour soutenir la décision du Préfet de la Haute-Marne et ont fait appel aux services de Maître Echezar, aux motifs suivants :
- Un tel arrêté de refus est exceptionnel vu les pressions exercées par le Ministère de la Transition Écologique pour doubler le nombre d’éoliennes en France, et il est donc impératif que la décision ne soit pas cassée par les juges sinon le préfet ne prendra plus d’arrêté de refus ;
- Le mémoire en défense de l’Etat est certes un bon début, mais il ne bénéficie pas de la connaissance étroite du dossier qu’en ont les membres de l’association ;
- Les projets nouveaux continuent de se multiplier dans le secteur, notamment le projet dit du Moulinet avec onze éoliennes situées à 2-3 km de Pautaines, et il est indispensable d’avoir une décision de justice reconnaissant enfin la saturation du secteur.
Selon l’UDAP, le projet Éole de la Joux est situé à une vingtaine de kilomètres de quatre sites patrimoniaux remarquables (SPR) :
- L’aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) de Bourmont ;
- La Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) de Chaumont ;
- L’Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) de Joinville ;
- L’Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) de Vignory.
Une étude commandée par la Préfecture de Haute-Marne et réalisée en 2005 avait défini le secteur en sensibilité paysagère forte : le parc éolien Éole de la Joux est à proximité de sept sites naturels protégés :
- Bayard-sur-Marne (colline boisée du château, vestige de l’ancienne ville de Gourzon) ;
- Bourdons-sur-Rognon (restes de l’abbaye et de ses abords à Bourdons) ;
- Bourmont (parc des Roches et la Promenade du Cona) ;
- Joinville (château du Grand Jardin et Parc) ;
- Orquevaux (site naturel dit du “Cul du Cerf”) ;
- Reynel (village) ;
- Vignory (ruines de la tour du château).
Au sein de l’étude d’impact, il est recensé pas moins de 61 monuments historiques (publics et privés) dans la zone d’étude. Ce nouveau projet éolien aboutit notamment à des co-visibilités incompatibles avec la protection des monuments historiques présents dans le périmètre rapproché et intermédiaire, notamment :
- l’église Saint-Pierre d’Annonville, classée Monument historique depuis 1925 ;
- l’église Saint-Martin de Thonnance-les-Moulins dont les peintures sont classées depuis 1965 ;
- le château de Brouthières et son pigeonnier, tous deux du XVIIIe siècle,inscrits Monument historique en 1988.
Sur la carte suivante extraite de l’étude d’impact, les zones en bleu foncé sont celles où l’on voit plus de 51 éoliennes à la ronde, impactant les monuments historiques illustrés par des repères jaunes.
Le rejet de ce projet par le Préfet de la Haute-Marne est un fait devenu très rare et nous souhaitons que la Cour administrative d’appel de Nancy soutienne cette décision.
l’APP52 et les propriétaires du château de Brouthières remercient l’association La Demeure Historique et Sites & Monuments pour leur soutien dans ce combat.
Xavier Larnaudie de Ferrand