Actu Paris du 11 juin 2024 - "Domaines nationaux des Hauts-de-Seine : des associations de défense du patrimoine ont fait plier l’État"

Contrairement à ce qu’affirme l’article, le Conseil d’Etat ne considère pas que la Caserne Sully, ou tout autre élément dont l’inclusion a été demandée par les associations, "n’ont pas d’intérêt à entrer dans le giron des domaines nationaux", mais que l’Etat n’a pas commis d’erreur manifeste en ne les y incluant pas. Le gouvernement, libre de sa politique, peut, par conséquent, parfaitement les y inclure par un décret complémentaire.
JL

Actu Paris - Rédaction Hauts-de-Seine du 11 juin 2024
Parmi les défaites des associations de protection du patrimoine, celle de la caserne Sully, à Saint-Cloud, qui doit accueillir le musée du Grand Siècle.
Le Conseil d’État considère qu’elle n’a pas d’intérêt à entrer dans le giron des domaines nationaux. ©archives/capture d’écran/Google Maps

Plusieurs associations ont contraint l’État à revoir sa carte des "domaines nationaux" de Meudon et de Saint-Cloud. Tour d’horizon des victoires, associées à quelques défaites.

Le Conseil d’État a en partie donné gain de cause aux associations Sites et Monuments, Vivre à Meudon et au Comité de sauvegarde des sites de Meudon en censurant en partie le décret qui avait délimité le périmètre du domaine national de Meudon (Hauts-de-Seine). La plus haute juridiction française a aussi rendu d’autres décisions concernant le patrimoine des Hauts-de-Seine.

Une parcelle « exclue » à tort à Meudon

« Les domaines nationaux sont des ensembles immobiliers présentant un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation et dont l’État est, au moins pour partie, propriétaire, explique le Code du patrimoine. Ces biens ont vocation à être conservés et restaurés par l’État. »

« Il appartient au Conseil d’État (…) de vérifier que l’autorité compétente n’a pas exclu des parcelles (…) dont l’omission affecterait la cohérence de la protection que ce décret entend instituer », précise de façon générale la plus haute juridiction administrative française, dans un arrêt en date du 31 mai 2024, qui vient d’être rendu public.

En l’occurrence, à Meudon, une « entrave trapézoïdale » de 4 784 m² au nord-ouest de l’étang de Chalais avait été exclue de ce périmètre de protection : des « autorisations d’urbanisme » ont en effet été délivrées et des « travaux engagés » pour « la construction d’un restaurant et d’un pavillon », justifiaient les services de l’État…

Mais « la circonstance que l’intégration de cet espace aurait conduit à le rendre potentiellement inconstructible est inopérante, balaie le Conseil d’État. Il en est de même de la circonstance alléguée par les ministres selon laquelle cette intégration [au domaine national de Meudon] pourrait être envisagée dans le futur. »

À Saint-Cloud, le pavillon de Breteuil préservé

Connue sous son ancien nom de Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF), habituée au combat judiciaire contre les éoliennes, Sites et Monuments a aussi obtenu gain de cause – seule cette fois-ci – contre la délimitation du domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Elle s’était en effet inquiétée de l’exclusion du pavillon de Breteuil, « l’un des premiers trianons construits après celui de Versailles » et qui est « depuis 1875 » le siège du Bureau international des poids et mesures (BIPM).

« En ce qu’il symbolise la place que la France a occupée dans la construction d’un système international d’unités de mesure basé sur le mètre (…), ce bâtiment présente par lui-même un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation, argumentait Sites et Monuments. Sa dissociation du reste du domaine national entraîne la formation d’une enclave substantielle. »

« Les ministres se contentent de soutenir que l’intégration de l’ensemble de la parcelle entraînerait la méconnaissance par la France de ses engagements résultant de l’accord de siège [du BIPM] (…) dès lors que la règle interdisant toute construction serait incompatible avec les stipulations de cet accord, évacue là encore le Conseil d’État. Or, il ne résulte d’aucune de ces stipulations que le BIPM tiendrait de cet accord un droit à construire autre que celui conféré (…) par les règles en vigueur. »

Les étangs de Ville-d’Avray indissociables du domaine de Saint-Cloud

L’État devra également intégrer dans le domaine national les étangs de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine), qui « servent depuis le XVIIe siècle de réservoir pour l’approvisionnement en eaux du domaine de Saint-Cloud et l’alimentation des bassins et cascades du parc », selon Sites et Monuments. « Ces étangs, qui ont d’ailleurs constitué au XIXe siècle une source d’inspiration pour le peintre Jean-Baptiste Corot, sont indissociables du domaine de Saint-Cloud pour des raisons à la fois historiques, artistiques et écologiques », martelait-elle.

« Nonobstant l’absence d’achèvement (…) des travaux programmés afin de garantir la rétention des eaux en cas d’intempéries exceptionnelles, en n’intégrant pas ces étangs l’autorité compétente s’est abstenue de classer un espace qui n’est pas dissociable du reste du domaine national malgré son éloignement géographique », confirme le Conseil d’État. Pour toutes ces raisons, l’administration devra donc verser 2 000 euros à l’ex-SPPEF, à l’association Vivre à Meudon et au Comité de sauvegarde des sites de Meudon pour leurs frais d’avocat.

Des revers pour les associations malgré tout

Les associations n’ont toutefois pas eu gain de cause sur toute la ligne : sur le domaine national de Meudon, les juges n’ont rien trouvé à redire à l’exclusion des parcelles occupées par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) du ministère des Armées.

Sur le domaine national de Saint-Cloud, la caserne « des Gardes du Corps » de Charles X n’a pas non plus ému les juges suprêmes parisiens : construite entre 1825 et 1827, elle a aujourd’hui « vocation d’accueillir le futur musée du Grand Siècle » . « Si l’association soutient que ce domaine constitue l’une des rares dépendances du domaine (…) à ne pas avoir été incendiée lors de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, elle ne présente pas d’intérêt patrimonial en tant que tel », juge le Conseil d’État.

Même chose pour l’ancien couvent des Ursulines, qui avait pourtant « servi de commun au château de Saint-Cloud » et où a été conservé « pendant près d’un siècle » le « Double du Grand livre de la dette publique », selon les défenseurs du patrimoine.

Enfin, le Conseil d’État a également validé en tous points la délimitation retenue pour le domaine national de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), bien que la « rivière anglaise » à l’extérieur du parc, le parc naturel des Gallicourts et le bois de Saint-Cucufa en aient été exclus.

/GF (PressPepper)

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