La Ville d’Autun, située située dans le parc naturel régional du Morvan en Saône-et-Loire, fut fondée en 16 av. J.C. par l’empereur Auguste. Vitrine de la conquête de la Gaule par les Romains, Augustodunum [1], était surnommée « sœur et émule de Rome ». Devenue un évêché dès le Ve siècle, Autun fut un centre florissant de l’Église et du commerce au Moyen-Âge. Cette longue histoire s’illustre par une épaisseur patrimoniale toute particulière dans cette cité, allant de la Gaule romaine aux XVIIe et XVIIIe siècle.
De la cité gallo-romaine, surélevée grâce à ses remparts qui constituent probablement l’enceinte romaine la mieux préservée au monde, subsistent le plan d’urbanisme originel et de nombreux monuments [2]. Maîtres en la matière, les Romains avaient devancé les problèmes d’alimentation en eau et d’assainissement avec le plus grand soin. L’un des objectifs étant de préserver le système défensif des remparts.
De même, à la création de la cathédrale Saint-Lazare, classée Monument historique en 1840, chef-d’œuvre du style roman bourguignon édifiée au XIIe siècle, le système d’évacuation des eaux de pluie du toit avait été soigneusement pensé par les bâtisseurs :
- une moitié du toit de la cathédrale s’évacuait par le réseau de la ville pour s’écouler en contrebas ;
- l’autre moitié, celle la plus proche des remparts, était absorbée verticalement par le sol d’un terrain attenant au monument et préservé de toute construction à cet effet.
C’est ainsi que le rempart romain, en partie classé au titre des Monuments historiques depuis 1937, put être préservé des attaques de l’eau pendant plus de 2 000 ans et subsister fièrement.
Des inondations qui sapent les soubassements et détruisent les remparts.
1. La cause des inondations.
Or en 2007, à l’initiative de la municipalité et de l’État, propriétaire du terrain, a été entreprise la création d’un jardin public, le jardin Gislebertus, dont il a résulté l’artificialisation d’une grande partie du sol. Ces travaux, partie d’un ensemble plus vaste de réaménagement des abords de la cathédrale, ont été menés sous maîtrise d’ouvrage du Maire d’Autun et sous maîtrise d’œuvre de l’Architecte en Chef des Monuments historiques en charge de la cathédrale d’Autun.
Ils ont eu pour effet de briser l’équilibre que les Romains avaient créé et que les bâtisseurs de la cathédrale romane avaient soigneusement préservé : l’eau d’un demi-toit de la cathédrale et celle du jardin Gislebertus, au lieu d’être absorbées, ont été concentrées avant de se déverser sur la voie publique, suivant la pente naturelle de la rue Notre-Dame puis de l’impasse du Jeu de Paume.
Simultanément, le réseau d’évacuation des eaux pluviales [3], établi derrière les remparts et passant sous le jardin de l’Hôtel particulier d’Eguilly (celui-ci situé au fond de l’impasse du Jeu de Paume), se rompit. Il n’est toujours pas réparé à ce jour.
L’eau trouve ainsi son chemin en surface et se dirige vers la seule voie qui lui est ouverte : la terrasse de l’Hôtel d’Eguilly.
2. L’hôtel d’Eguilly
L’hôtel d’Eguilly, inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, est un des plus beaux hôtels particuliers de la ville. Bâti au XVIe siècle, il reçut au XVIIIe siècle une nouvelle façade, dans le plus pur style français. Il eût au long des siècles d’éminents propriétaires [4]. En 1973, la propriétaire Madame Schneider a entrepris la rénovation complète de l’hôtel avec l’aide de Michel Berry, Architecte en Chef des Monuments historiques. En 1982, à la mort de celle-ci, l’hôtel d’Eguilly est vendu par ses héritiers et acheté par Monsieur et Madame Abord de Châtillon, acquisition qui s’est révélée être un sacerdoce.
En effet, dès 2008, à chaque grosse pluie, des torrents d’eau se mirent à dévaler vers l’hôtel d’Eguilly et inonder régulièrement sa terrasse.
Immédiatement, et par l’intermédiaire de Monsieur Caudin, architecte autunois, la municipalité autunoise fut prévenue par écrit le 9 juillet afin qu’elle agisse en vue de faire cesser ces inondations (au demeurant contraires à la loi et aux articles 640 et suivants du Code Civil. La réponse est parvenue le 25 juillet 2008.
3. Ravages sur les remparts antiques
En l’absence de réaction de la mairie, un premier effondrement du rempart eût lieu au mois de décembre 2010. Dès lors, s’ensuivirent :
- Une expertise judiciaire dont les conclusions sont rendues le 28 mai 2015 avec, comme cause principale, les inondations provenant de la cathédrale et du jardin Gislebertus à la suite des travaux de 2007.
- Une exonération totale de responsabilité de Monsieur de Châtillon, qu’il soit ou non propriétaire du rempart dans le sinistre de l’effondrement (jugement devenu définitif de la Cour d’Appel de Paris en date du 07/02/2020).
- Un long débat judiciaire - non tranché à ce jour - pour connaître le « vrai propriétaire » du rempart.
Si Renaud de Châtillon est reconnu propriétaire, une indemnité correspondant à la valeur du rempart détruit lui sera due (sans qu’il ait d’ailleurs l’obligation de le reconstruire, conformément à la doctrine française sur les Monuments historiques détruits). Si au contraire la Ville d’Autun est reconnue propriétaire, elle devra à l’Hôtel d’Eguilly le service public d’une infrastructure publique : reconstruire le rempart et le consolider.
En dépit de l’expertise judiciaire de 2015, ni la mairie ni l’État, qui est propriétaire de la cathédrale, n’ont agi pour mettre fin aux inondations.
En mars 2020, sous les coups de boutoir de l’eau, la situation s’aggrave : un deuxième effondrement du rempart romain survient. La chose était malheureusement prévisible, mais rien n’avait été fait pour l’éviter.
4. L’hôtel ISMH se détériore.
À la suite de l’effondrement du rempart, apparaissent des fentes et des lézardes sur l’hôtel d’Eguilly attaqué par les inondations, directement (l’eau coule au pied de la façade) et indirectement (le sol sous l’effet des inondations n’a plus de liant). Le bâtiment menace de s’effondrer. Il n’est plus habitable, les propriétaires et le couple de gardiens doivent évacuer les lieux.
Quel gâchis ! Bien que les inondations continuent sans qu’il y soit mis fin, face à la gravité de la situation, des actions de dernier recours sont mises en place. L’État sécurise le rempart écroulé (à l’aide de butons, alors qu’il était plutôt souhaitable de le clouer avec des tirants d’acier - ce que l’Etat n’était pas prêt à subventionner.)
L’État a également commandé à Madame Hubert, Présidente des Architectes en Chef des Monuments historiques, un rapport portant sur la recherche des causes du sinistre et sur les conditions à remplir pour « reconstruire le rempart romain ». Ce rapport a été remis en mars 2021 et a eu pour effet positif que le rempart encore non écroulé et le plus proche de l’hôtel d’Eguilly soit conforté par la pose de butons. C’est une heureuse anticipation : dans sa chute, qui était hautement probable, il aurait entrainé l’effondrement de l’hôtel.
Le Directeur Général du Patrimoine, Monsieur Jean-François Hebert, a bien précisé « qu’il n’autoriserait pas la reconstruction du rempart tant que les inondations se poursuivraient » (Si demandeur pour reconstruction il y a, ce qui est une autre affaire.)
Enfin, Renaud de Châtillon a lui fait « étrésillonner » les fenêtres les plus menacées de l’hôtel afin d’éviter un écroulement.
Aujourd’hui en 2023, il n’a toujours pas été mis fin aux inondations alors même que le remède est connu : il convient de faire un réservoir sous le jardin Gislebertus (Il se remplit quand il pleut pour être vidé/utilisé par temps sec) et de réparer le tuyau existant d’évacuation des eau, d’un diamètre de 30 centimètres.
Un courrier a été adressé au chef de l’Etat, Emmanuel Macron, en décembre 2021. Le Président de la République a alors donné l’instruction à sa conseillère culturelle, Madame Rima Abdul Malak, de recevoir Monsieur de Châtillon le 7 juin 2022. Mais cette dernière a été entre-temps nommée ministre de la Culture, et le rendez-vous fut annulé. Renaud de Châtillon a réitéré sa demande d’audience auprès du Président de la République et celui-ci lui a répondu qu’il chargeait la ministre de la Culture d’instruire le dossier de l’hôtel d’Eguilly pour éviter qu’il ne s’écroule. Monsieur de Châtillon devait être reçu par Madame Karine Duquesnoy, directrice adjointe du cabinet de madame la ministre de la Culture le 29 novembre mais le rendez-vous a été annulé au dernier moment. Le protocole élaboré ne put donc pas être présenté de vive voix au cabinet de la ministre ; il a été envoyé par la poste.
Ainsi, et contrairement au souhait du Président de la République, rien n’est encore fait pour éviter une catastrophe qui détruira de manière certaine des éléments majeurs du patrimoine d’Autun : l’hôtel d’Eguilly et une partie du rempart romain.
Renaud de Châtillon, qui se bat sans relâche depuis 2008 pour alerter, et qui a pris toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour préserver l’hôtel d’Eguilly, est arrivé au bout de ses possibilités pour sauver ce monument inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. C’est pourquoi Sites & Monuments se mobilise afin d’attirer l’attention du public sur le péril imminent et éviter que telle catastrophe se produise.
Il faut agir promptement mais il est encore temps !