Carrière antique de Marseille : l’intérêt patrimonial s’arrête où débute la promotion !

Coïncidence parfaite des vestiges à classer au titre des monuments historiques (rectangle vert) avec la limite des constructions prévues

Une carrière du début du VIe siècle av. J.-C., soit à peine 50 ans après la fondation de la cité Phocéenne, prolongée par des aménagements hellénistiques, ont été mis au jour par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) sur les contreforts de Notre-Dame-de-la-Garde, au pied d’un rempart classé édifié sous Louis XIV, dans les abords de l’abbaye de Saint-Victor.

A gauche des piquets : vestiges à détruire - A droite : vestiges à classer !

Ce site particulièrement sensible, repéré par des sondages dès 2002, a été vendu par la municipalité au groupe Vinci. Situé dans un quartier populaire de la ville, il doit accueillir un immeuble de huit étages assorti de trois niveaux de parkings souterrains. La ministre, qui avait annoncé cet été le classement de 635 m2 de ces vestiges uniques, a été saisie d’une demande d’extension de la protection.

L’emprise du classement proposé, de forme parfaitement rectangulaire, était en effet limitée aux zones ne devant pas être construites, permettant au promoteur de ne rien changer à son projet...

Coïncidence parfaite des vestiges à classer au titre des monuments historiques (rectangle vert) avec la limite des constructions prévues

Mais la mobilisation exemplaire des habitants - au nombre desquels figure Sandrine Rolengo - souhaitant préserver cette respiration historique et urbaine ne sera pas entendue par la ministre. Les motifs de ce refus, exposés dans un communiqué du ministère du 4 septembre 2017 (voir ci-dessous), tentent de nier la triste réalité : les intérêts d’un promoteur dictent l’intérêt patrimonial du site.

A gauche des piquets : vestiges à détruire - A droite : vestiges à classer !

On peut ainsi lire dans le communiqué que "les archéologues des services de l’État ont pu précisément expliquer les raisons scientifiques qui les ont amenés, en toute indépendance, à délimiter 635 m2 de surface de carrière à protéger  », délimitation notamment contestée par le meilleur spécialiste des carrières antiques, Jean-Claude Bessac (voir ici). Le ministère invoque en outre la loi, dont l’application dépendra pourtant à l’évidence de l’emprise des constructions prévues : "La loi ne permet pas à l’État d’étendre l’espace protégé à des surfaces qui ne le justifient pas  ».

Cette délimitation minimaliste empêche également toute mise en valeur cohérente du site. Rudy Ricciotti, auteur du Mucem de Marseille, appelle d’ailleurs à "un concours d’architectes pour réinventer le projet immobilier de la Corderie  » (lire ici). Il est vrai que la "tente" créée par cet architecte pour couvrir le département des arts d’Islam du musée du Louvre pourrait inspirer un aménagement à la fois protecteur des vestiges et attractif...

Rudy Ricciotti, département des arts d’Islam, musée du Louvre (cour Visconti). Exemple de couverture pouvant être mise en oeuvre pour protéger et valoriser les vestiges.

Parce que l’archéologie ne doit pas se limiter à la documentation des vestiges découverts et afin que l’intérêt public s’émancipe des intérêts privés, Sites & Monuments soutient les Marseillais amoureux de leur cité !

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