Abattages, goudronnage : la Voie Verte saccagée dans l’Orne

Préambule
La gestion de la Voie Verte a été reprise par le département de l’Orne en 2020, notamment par le Pôle développement durable et véloroutes. L’idée a été d’engager un chantier important de rénovation sur 38 km et pour ce faire il a été fait appel à un expert forestier la société Selvans, chargé dans le cadre d’une expertise de procéder au repérage des arbres à risque et des arbres malades et de procéder à leur marquage.

  • Le communiqué de presse parle d’expérimentation très intéressante pour le département.
  • Le bois récolté représente une quantité de 3 000 tonnes de bois énergie.
  • Le département parle d’exploitation des taillis afin de mettre en valeur les haies remarquables et le patrimoine.
  • Le communiqué évoque deux techniques en particulier : le recepage et la conduite de certains arbres en trognes.
  • Il annonce des replantations avec des essences adaptées aux évolutions climatiques.
  • Enfin, il annonce aux beaux jours, la réfection de la couche de roulement.

Développement
Le chantier d’abattage a été réalisé sur la Voie Verte, une ancienne ligne de chemin de fer, dans un sanctuaire dense de verdure avec des arbres matures : un couloir de biodiversité unique entre Paris et le Mont Saint-Michel.

L’éradication de ces arbres est une erreur. Le maintien de vieux arbres est souhaitable en termes d’esthétique et de biodiversité, ainsi que du confort des usagers.

L’abattage d’au moins 5 000 arbres (3 000 tonnes de bois énergie) ne se justifie pas par une soi-disant mise en sécurité. Les arbres abattus était lune source de biodiversité dans des écosystèmes protégés par un couvert végétal procurant de l’ombre et de la fraicheur.
Les termes utilisés : coupe sanitaire, coupe sélective, coupe d’éclaircies sont des termes forestiers. Nous ne sommes pas ici en forêt mais dans une voie de loisir, un corridor écologique.

Le travail de sécurisation et d’abattage des arbres fragiles doit se faire par une étude phytosanitaire mise à jour régulièrement. Or il n’y a eu aucune étude phytosanitaire malgré ce qui a été annoncé, juste un marquage sur place des arbres à couper afin de sécuriser les lieux.

Un objectif de 3 000 tonnes de bois énergie est indiqué ce qui représente plus de 5 000 arbres abattus. L’aspect économique du prélèvement de 3 000 tonnes de bois énergie ressemble plus à un plan d’exploitation qu’à une gestion durable de la Voie Verte et au maintien de la biodiversité.

Des arbres protégés
En premier lieu les arbres qui accompagnent cette voie rentrent typiquement dans le champ de l’article L 350 -3 du code de l’environnement : « Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d’aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l’objet d’une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifique … »

Cette voie verte relevant des dispositions de cet article, il appartient à la préfecture d’effectuer le contrôle du défrichement réalisé, avec la structure chargée de son entretien, notamment par l’utilisation des meilleurs techniques disponibles pour minimiser les atteints à la biodiversité.

Fragilisation du milieu
Le département invoque la sécurisation de la Voie Verte, mais les abattages réalisés sont allés très au-delà de la sécurisation du lieu et sont disproportionnés par rapport à l’objet de ce site :

  • Prélèvement excessif d’arbres ;
  • Coupes d’éclaircies éparses ;
  • Prélèvement systématique des frênes, y compris des sujets sains, sous prétexte de la chalarose.

Ces coupes importantes ont eu comme conséquence une fragilisation irréversible du lieu et de son écosystème.

L’atteinte au maillage des haies par la suppression de la continuité des arbres provoque un affaiblissement des sujets en symbiose racinaire alors désolidarisés des autres dans le sol et par le houppier qui ne se retrouve plus en couvert continue. Ils s’en trouvent fragilisés et deviennent dangereux. La lumière excessive provoquera des échaudures sur les troncs et un assèchement rapide des sols.

Des trognes et des recepages mal réalisés
La conduite en marche forcée d’arbres sains et matures en trognes est une erreur car il est toujours préférable d’étêter des sujets plus jeunes : plus le diamètre est important et l’arbre est âgé, plus il sera sensible au dessèchement et aux coups de soleil, avec des rejets plus fragilisés à leur base.

Sur la Voie Verte, des chênes, érables, et acacias ont été conduits en trognes sur des sections de coupes importantes (40/50 cm de diamètres). Ainsi mutilés, ces sujets ont été fragilisés et rendus vulnérables à des stresses multifactoriels ou climatiques toujours prompts à détériorer les mécanismes naturels de défense de l’arbre. Ces sujets basculeront rapidement dans le système de détérioration du bois, alors même que l’objectif évoqué par le Département est la sécurisation de chutes d’arbre.

De plus, la hauteur de ces coupes (à 4 -5- 6 mètres) rend très difficile, voire impossible, l’entretien. Ainsi, du fait de cette coupe soi-disant sécuritaire, la plupart des arbres habitats risquent d’être éradiqués alors qu’il s’agit d’éléments clés pour les espèces vivantes sur ces continuités vertes.

Enfin, des nombreux arbres ont été coupés soi-disant pour faire un recepage mais la coupe n’a pas été faite au bon endroit, c’est-à-dire au ras du sol. De plus, dans certains cas, le bois a été techniquement mal coupé, avec des abatteuses hydrauliques laissant bien souvent des troncs déchiquetés. En tout état de cause, si un recepage sélectif aurait pu être acceptable, l’abattage massif et mal réalisé va à l’encontre de la vocation de la Voie Verte, que ce soit pour les utilisateurs, qui n’auront plus d’ombre que pour la biodiversité.

La chalarose du Frêne
La chalarose du frêne n’est pas une maladie de lutte obligatoire.
La coupe quasi systématique des frênes réalisée sur la Voie Verte n’est pas justifiée. L’extinction de la partie voyante (troncs, branches) ne suffira pas à éradiquer la maladie : il reste les racines et les souches qui redémarreront induisant une nouvelle présence de troncs et bois et donc, de chalarose.

Par ailleurs, la coupe de frênes communs, résistants du fait de leur patrimoine génétique très variés a eu comme conséquence la disparition des arbres potentiellement résistants.
Ces coupes à blanc sur des longueurs importante contribuent à la fragilisation du milieu.

Tassement des sols

Le tassement est un phénomène physique simple : lorsqu’une machine progresse sur le sol, celui-ci est soumis à une contrainte mécanique. Si elle est trop forte, le sol se réorganise, se « tasse », pour mieux y résister. Le tassement s’effectue au détriment des nombreuses cavités qui forment la porosité du sol. Or ces cavités sont les espaces d’échange et de vie qui rendent l’écosystème sol si important. Les conséquences de leur disparition peuvent vite se révéler dramatiques :

  • Pour la circulation des fluides -> L’eau et l’air circulent dans le sol et sont garants de sa bonne santé. Là où ils stagnent, les milieux deviennent asphyxiants et peu propices à la vie.
  • Pour la faune et la flore du sol -> Les lombrics, les mycorhizes… sont indispensables au bon fonctionnement de l’écosystème. Leur disparition déstabilise l’équilibre entre les arbres et le sol.
  • Pour les arbres -> En plus de blessures directes aux racines, le tassement des sols bouleverse les conditions du milieu : apparition d’engorgement et asphyxie des racines, réduction du volume de pénétration et instabilité face au vent, développement de nouveaux parasites, problèmes sanitaires, blocage de la régénération naturelle. Autant de problèmes qui peuvent compromettre durablement l’avenir des peuplements de continuité forestière.

Force est de constater que sur la Voie Verte l’utilisation d’engins lourds a complètement déstabilisé la bande de roulement existante (par la création d’ornières importantes) ainsi que, en sous-sol, le système racinaire. De ce fait, le stress engendré sur les arbres va provoquer une fragilisation de leurs système racinaire et des mortalités.

Sur le bien-fondé d’une bande de roulement en bitume

L’une des fonctions du sol est de servir de site d’échange de l’air entre la zone racinaire et l’atmosphère, sachant que les plantes ont des besoins en oxygène pour leur système racinaire.

Or, le département de l’Orne envisage de stabiliser la voie par une bande de roulement en bitume.
Cette bande de roulement va imperméabiliser le sol et assèchera le système racinaire et l’ensembles du mécanisme lié à la vie de l’arbre (la mycorhization) [1] sur des sujets déjà fragilisés par le chantier d’abattage.

Par ailleurs plus le bitume est sombre plus il absorbe la chaleur et plus l’effet est réchauffant, provoquant une surchauffe des sols et des racines des arbres. Ce phénomène sera aggravé en absence de végétation et d’arbres sur toutes les zones mises à blanc et les zones éclaircies.
De plus, l’augmentation de la température du sol induit une embolie foliaire entravant la circulation de la sève, pouvant conduire à une mort subite des arbres.
Également, la pose d’un revêtement bitumé créera des stockages d’eau et des situations de ravinements de tenue de sol sur des talus fragilisés par la coupe massives des arbres qu’ils portaient, induisant un risque de ruissèlement voire d’effondrement.

Louis Vallin, délégué « Sites & Monuments » de l’Orne, Vice-Président d’« Arbres Remarquables ».

Pour défendre la Voie Verte en justice, faites un don déductible des impôts :
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  par chèque, au nom de PERCHE AVENIR ENVIRONNEMENT Lieu-dit La Robichonnière (chez M. Jean-Paul DAVEAU) 85 route de la Chignonnière - 61110 Cour-Maugis-sur-Huisne

Notes

[1Modification des racines d’une plante qui se crée en associant celle-ci à un champignon mycorhizien ; cette association se fait naturellement dans des sols aérés, l’oxygénation et la respiration racinaire