Combien d’éoliennes supplémentaires à l’horizon 2030-2060 ?

La France totalisait, à la fin de l’année 2018, environ 8000 éoliennes, avec les inconvénients que l’on connait, pour une production d’électricité minime et intermittente. Aussi, la question de leur multiplication inquiète aujourd’hui...

Entre 2018 et 2030, 6500 nouvelles éoliennes avouées

Le 27 novembre 2018, dans un discours prononcé à l’Elysée sur la transition énergétique, le Président de la République déclarait : « Ce qui va marquer en profondeur l’évolution de notre "mix électrique" dans les années à venir, ce sera, évidemment, l’essor des énergies renouvelables. À l’horizon 2030, la production du parc éolien terrestre sera ainsi triplée et la quantité d’énergie produite à partir du photovoltaïque multipliée par cinq » (voir ici).

Discours sur la transition énergétique prononcé le 27 novembre 2018

Dévoilée le 25 janvier 2019 (voir ici), la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) relative à la période 2019-2028 expose, pour sa part, que « Le développement de l’éolien se fera en partie par des rénovations de parcs existants arrivant en fin de vie, ce qui permet d’augmenter l’énergie produite tout en conservant un nombre de mats identique ou inférieur. Au total, le passage de 15 GW en 2018 à 34,1 GW en 2028 conduira à 

faire passer le parc éolien de 8000 mâts fin 2018 à environ 14 500 en 2028, soit une augmentation de 6500 mâts

 », tandis qu’un tableau indique, de son côté, un objectif de « 34,1-35,6 GW » pour 2028 (voir ci-dessous). L’objectif de 34,1 GW signifie que les éoliennes, à l’issue du "repowering" du parc français en 2028, auront une puissance moyenne de 2,35 MW (la puissance unitaire moyenne issue des techniques actuelles est de 1,87 MW).

Programmation Pluriannuelle de l’Energie dévoilée le 25 janvier 2019

Ainsi, alors que la capacité installée éolienne progresserait entre 2018 et 2028 d’un facteur de 2,27 (34,1/15), le nombre des éoliennes ne progresserait, quant à lui, que d’un facteur de 1,81 (14500/8000). 

Même en se fiant à ces chiffres, trouver une place pour 6500 nouvelles éoliennes en France ne se fera évidemment pas sans dégâts pour le patrimoine et les paysages, les sites d’implantation les moins contestables et les plus ventés ayant déjà été épuisés... Et nous ne considérons qu’une première période de 9 ans. En outre, le "repowering" des éoliennes existantes n’est pas neutre de notre point de vue puisqu’une nouvelle éolienne, plus haute parfois du double et donc plus visible, sera implantée à proximité de l’emplacement d’une plus ancienne. Le nombre des éoliennes des parcs pourra être diminué à cette occasion, mais leur espacement devra être augmenté, ce qui ne modifie pas l’emprise au sol des parcs existants, au total visibles de plus loin. 

De même, rien ne vient garantir que l’augmentation de puissance ne sera pas associée à une augmentation des émissions sonores, notamment dans les basses fréquences, ce qui n’améliorera pas le cadre de vie dans les espaces ruraux. Il est enfin est à craindre, en raison de l’augmentation de la surface de balayage de pales plus longue, des destructions croissantes d’espèces vivantes (avifaune, chiroptères) qui, à l’évidence, participent à l’harmonie de nos paysages dans une vision extensive.

Malgré l’annonce du quasi doublement du nombre des éoliennes d’ici 10 ans, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) semble réservée quant au caractère durable et au coût du développement de cette énergie, soulignant notamment l’impossibilité d’obtenir une production électrique stable à base d’énergies intermittentes : « Après 2030 et pour l’horizon 2050, [...] plusieurs scénarios seront expertisés, allant d’un scénario 100% renouvelable à un scénario où le nucléaire reste durablement une source de production électrique intégrée dans le mix pour des raisons de pilotage de la production et de compétitivité. » (PPE, p. 25-26). 

Quid de la période 2030-2060 ?

Les annonces du Président de la République de novembre 2018 et la PPE de janvier 2019 s’inscrivent dans la logique d’une étude sur les Trajectoires d’évolution du mix énergétique 2020-2060 publiée par l’ADEME en octobre 2018. 

Deux scénarios principaux sont envisagés par l’ADEME : une « Trajectoire de référence » et une « Trajectoire ’faible acceptabilité des ENR terrestres’ », montrant que ce problème de l’acceptation a clairement été identifié, auquel on entend remédier très partiellement en faisant baisser la part de l’éolien terrestre au profit de l’éolien marin.

Trajectoires d’évolution du mix énergétique 2020-2060 publiées par l’ADEME en octobre 2018

On note tout d’abord que les objectifs présentés avec la PPE 2019-2028 (34,1 GW de puissance implantée en 2028)

 

sont parfaitement en accord avec les recommandations de l’ADEME prévoyant l’implantation de 36 GW en 2030 quelle que soit la Trajectoire, ce qui équivaudrait à un total de 15 300 éoliennes.

Le ministère de la Transition écologique expliquant que la puissance d’une éolienne est aujourd’hui comprise « entre 1,8 et 3 MW » (voir ici), chaque trajectoire peut être approximativement traduite par un nombre de machines.

L’ADEME, dans sa « Trajectoire de référence 2020-2060 », prévoit au total l’implantation de 86 GW d’éoliennes en 2060 :
- sur les bases techniques actuelles (puissance unitaire moyenne 1,87 MW) cela correspondrait à un total de 46 000 machines après repowering ;
- en admettant le succès du repowering et d’implantations plus puissantes (éoliennes de 3 MW), 28 000 machines seraient au total nécessaires.

L’ADEME, dans sa « Trajectoire ’faible acceptabilité des ENR terrestres’ », prévoit au total l’implantation de 63 GW d’éoliennes en 2060 :
- sur les bases techniques actuelles (puissance unitaire moyenne 1,87 MW) cela correspondrait à un total de 34 000 machines après repowering ;
- en admettant le succès du repowering et d’implantations plus puissantes (éoliennes de 3 MW), 21 000 machines seraient au total nécessaires.

En 2060, les différents scénarios de l’ADEME prévoient par conséquent la multiplication par 3 ou presque par 6 du nombre actuel des éoliennes, selon le succès du repowering et de l’augmentation de la puissance.

L’ADEME préconise ainsi la multiplication du nombre des éoliennes sans pour autant « intégrer  », comme elle l’admet en préambule, « 

de considérations ni d’indicateurs d’ordre social, environnemental ou industriel, comme les impacts [...] sur l’environnement (sols, paysages, biodiversité, consommation de matériaux, etc).  » (voir ci-dessous).
ADEME Mix énergétique 2020-2060 (limites et perspectives)

L’industrialisation à outrance de nos paysages ne se fera pourtant pas sans dommages collatéraux... et pour quel bénéfice environnemental, sachant que notre électricité est déjà décarbonée à plus de 90% ?

Julien Lacaze, vice-président de Sites & Monuments (avec Bruno Ladsous)

Consulter la synthèse de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie 2019-2028

Consulter la synthèse des trajectoires du mix électrique de l’ADEME 2020-2060