Symbole de la grande hauteur à Paris depuis son inauguration en 1973, la tour Montparnasse, située au cœur de la capitale, défigure ses principales perspectives (depuis le Champ de Mars, le jardin du Luxembourg, la rue de Rennes etc...) tout en écrasant de ses 209 m l’urbanisme environnant (ill. 2).
Sites & Monuments s’était opposée, dès les années 60 (ill. 3), à cette déstructuration de l’urbanisme parisien par un objet solitaire. La hauteur de la tour ne cessait déjà alors d’augmenter passant dans les différents projets de 150 m en 1958, à 185 m en janvier 1967, à 200 m en juin 1967, pour atteindre finalement 210 m en 1972 (ill. 4) ! La tour, située au cœur d’un îlot tout aussi disfonctionnant, fait depuis le vide autour d’elle, régnant sur un centre commercial hermétique et un parvis désert...
Mal aimée, reflet de la tertiarisation de la capitale, difficilement désamiantable et objet d’une gestion difficile, la tour se vide aujourd’hui inexorablement entraînant l’effondrement du prix de ses bureaux.
La nécessité d’y réaliser des travaux considérables permettait d’envisager sa démolition en repensant l’intégralité de l’îlot pour mieux y répartir les volumes bâtis. Ce projet d’intérêt général, qui fut un temps soutenu politiquement, aurait évidemment justifié un investissement public d’appoint.
Non contente de manquer cette occasion unique, la mairie de Paris vient de délivrer un permis de construire autorisant la surélévation de la tour de 23 m - équivalent de 8 nouveaux étages - pour y loger une « serre de production agricole » éclairée (ill. 5, 7 et 8) et, à titre principal, les ascenseurs et escaliers permettant d’y accéder, coiffés de panneaux photovoltaïques. L’atteinte portée aux perspectives parisiennes par l’édifice, comme l’effet d’écrasement, seraient ainsi aggravés, de jour comme de nuit.
Cette installation pseudo écologique - 80 cm d’épaisseur de terre (ill. 6) sont prévus pour une « production » évidemment dérisoire - est révélatrice. On ne compte plus en effet les opérations de densification justifiées dans la capitale par une « végétalisation » toute décorative. La tour Montparnasse semble à ce jour l’aboutissement de ce "greenwashing" immobilier, gadgetisation de la nature également nuisible à la qualité architecturale.
Si l’élargissement d’un mètre de la tour - afin d’atténuer son caractère intrinsèquement énergivore - est admissible, sa surélévation de 23 m pour aménager une serre inutile ne l’est pas.
Sites & Monuments a par conséquent déposé, le 11 septembre 2019, de concert avec l’association Monts14 (voir ici), un recours gracieux demandant à la maire de Paris de retirer son permis de construire délivré le 12 juillet 2019 afin de réfléchir à une solution n’aggravant pas les nuisances déjà subies par les perspectives parisiennes.
Julien Lacaze, Président de Sites & Monuments