Observation n°1141 (Web) par Julien Lacaze déposée le 15 janvier 2021 à 15 h24
« Paris, le 15 janvier 2021
Monsieur le Commissaire enquêteur,
La Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPPEF) - Sites & Monuments, association nationale fondée en 1901, reconnue d’utilité publique en 1936 et agréée pour la protection de l’environnement depuis 1978, émet un avis très défavorable sur le projet éolien de Bransat-Laféline (Allier).
Nous sommes tout d’abord surpris de ce que le dossier soumis à l’enquête publique n’informe pas les personnes concernées des dimensions sans équivalent en France des six machines envisagées (241 m). Leur hauteur représenterait en effet l’équivalent de la Tour Montparnasse (209 m), surmontée d’un immeuble de 10 étages. Ces machines seraient, de très loin, les plus hautes de France, l’actuel record de hauteur étant détenu par les six aérogénérateurs de 201m établis à Saint-Bonnet-de-Bellac (Haute-Vienne), inaugurés il y a un an. Source : https://www.google.fr/amp/s/www.connaissancedesenergies.org/un-nouveau-parc-eolien-culminant-en-france-191015%3famp
Cette lacune importante du dossier fausse, de notre point de vue, la bonne information délivrée en amont de la consultation.
L’étude d’impact est en revanche claire sur les conséquences paysagères de l’implantation de ces gigantesques machines dans un rayon de 18 km autour du projet : "D’après cette carte, des éléments de 250 m de haut seraient perceptibles depuis la majeure partie du territoire [dans un rayon de 18 km]. En effet, la topographie au vallonnement assez marqué offre de nombreuses situations de belvédère, avec des vues qui peuvent alors être très lointaines, notamment depuis l’ouest, où le relief est plus élevé." (Pièce 4, Etude d’impact sur l’environnement, p. 102.)
Or, la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), reprenant à son compte l’un des éléments de l’Étude d’impact, atteste de l’intérêt du paysage de cette zone, présenté comme un facteur d’attractivité : « Ce paysage de bocage relativement ouvert et vallonné, associant haies basses soulignant la topographie et le parcellaire, arbres de haute-tige aux silhouettes majestueuses, fermes traditionnelles et animaux pâturant dans les prés offre l’image d’une campagne tranquille et préservée. La diversité des motifs crée un paysage attractif » (Pièce 9, Avis de la MRAE, p. 12)
Circonstance aggravante, pas moins de cent monuments historiques sont recensés dans cette même zone par l’Étude d’impact (Pièce 4, Étude d’impact sur l’environnement, p. 105). Ils pâtiront tous d’une façon ou d’une autre, comme l’ensemble du territoire concerné, de la proximité du projet.
S’agissant des mesures de compensation « relatives à l’immobilier », l’affirmation de l’Étude d’impact selon laquelle « Le ressenti par rapport à un parc éolien étant subjectif, aucun impact ne peut être clairement identifié. Aucune mesure n’est donc proposée" (Pièce 4, Etude d’impact sur l’environnement, p. 291) est pour le moins étonnante, sachant que 22 habitations sont à moins de 1000 m du projet, les plus proches étant situées à seulement 610 m de ces structure de 241 m de haut (Pièce 2, Note de présentation non technique, p. 18) Le préjudice pour les habitants est pourtant ici, à l’évidence, certain et majeur.
Nous considérons d’ailleurs, qu’en présence de machines de cette dimension, le triptyque « éviter, réduire, compenser » de notre droit de l’environnement, visant à équilibrer les nuisances industrielles, peut difficilement fonctionner.
En définitive, on peut se demander pourquoi édifier un tel parc, tant il comporte d’inconvénients. C’est la question que se pose la MRAE, qui identifie un avantage l’emportant sur l’ensemble des nuisances identifiées pour la biodiversité, les paysages et les riverains : « la limitation des émissions de gaz à effet de serre par la production d’énergie renouvelable » (Pièce 9, Avis de la MRAE, p. 6). Or, nous savons que l’énergie éolienne n’apporte rien dans ce domaine par rapport aux énergies électriques pilotables françaises (nucléaire et hydraulique). Ce point fait désormais consensus comme l’a démontré le Rapport Aubert-Millefert sur les énergies renouvelables (voir extraits ci-dessous). Ce fait doit être pris en compte dans la balance à établir entre les avantages et les inconvénients du projet de Bransat-Laféline. En outre, si les énergies pilotables décarbonées françaises reculent, il faudra, faute de solution de stockage réaliste dans l’immédiat, coupler les éoliennes à des centrales à gaz, comme en Allemagne, dont le bilan carbone est désastreux par rapport au nôtre (Voir extrait du rapport Rapport Aubert-Millefert ci-dessous).
Au vu de ses nuisances majeures pour l’environnement et de ses avantages pour le moins réduits, votre avis sur ce projet sera, nous le souhaitons, négatif.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le commissaire enquêteur, l’expression de ma parfaite considération.
Julien Lacaze
Président de Sites & Monuments – SPPEF
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ANNEXE relative à l’absence d’apport des éoliennes à la lutte contre le réchauffement climatique
N° 2195 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUINZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juillet 2019. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, ET PRÉSENTÉ PAR M. JULIEN AUBERT, Président, ET MME MARJOLAINE MEYNIER-MILLEFERT, Rapporteure, Députés.
AVANT PROPOS DE M. JULIEN AUBERT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
[p. 9]
« La transition du nucléaire vers les énergies électriques intermittentes n’a aucun impact sur le CO2 et ne permet donc pas de lutter contre le réchauffement climatique.
Quelle transition énergétique est-elle en réalité à l’œuvre en France aujourd’hui ? Il s’agit de la première question à laquelle la commission d’enquête a répondu, et sur laquelle la réponse est consensuelle, rappelée en introduction du rapport. »
[p. 11]
« Si l’on se fixe pour objectif de diminuer les émissions de CO2 aucune ambiguïté ne demeure quant aux cibles des actions prioritaires à mener : il s’agit du transport et du bâtiment.
Or, si l’on met la répartition par filière de l’aide publique à la transition énergétique en regard d’un tel constat, la conclusion apparaît tout autant dépourvue d’ambiguïté : les choix de soutien public tendent avant tout à mettre en œuvre une nouvelle transition électrique, visant à substituer au nucléaire des énergies alternatives électriques. Compte tenu des caractéristiques de notre bouquet électrique, de tels choix visent donc essentiellement à substituer une énergie décarbonée à une énergie déjà décarbonée.
Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Jean François Carenco, le président de la CRE, ne s’en est d’ailleurs pas caché et a expressément convenu du fait que la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables électriques ne sont pas réalisés dans le but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre : « Il ne faut pas s’y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d’hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO2 et d’un prix de l’électricité maîtrisé. Nous émettons six fois moins de CO2 que nos voisins allemands et le prix de l’électricité pour un consommateur résidentiel moyen est de l’ordre de 180 euros par mégawattheure contre 300 euros en Allemagne. Le développement des énergies renouvelables électriques ne sert donc pas à réduire les émissions de CO2. Il faut le rappeler, car on dit beaucoup de mensonges à ce sujet. Cela n’a aucun sens et procède d’une forme de populisme idéologique. » (Audition du 4 avril 2019) »
INTRODUCTION DE MME MARJOLAINE MEYNIER-MILLEFERT, RAPPORTEURE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
[p. 32-33]
« La production française d’électricité est déjà faiblement émettrice de gaz carbonique par rapport à d’autres pays européens (Selon la cartographie electicitymap de l’association danoise Tomorow, le lundi 11 novembre 2019, le mix électrique comportait une intensité carbone de l’électricité produite (en gCO2 eq.kWh) de 46 g en Suède, 24 g en Norvège, 74 g en France, 199 g au Danemark, 200 g en Belgique, 231 g en Espagne, 233 g au Royaume Uni, 235 g au Portugal, 380 g en Italie du Nord et 386 g en Allemagne.) […]
« On comprend aisément l’impact de remplacer une énergie fossile émettrice de CO2 (gaz naturel, fioul, pétrole, charbon…) par une énergie décarbonée (énergie renouvelable ou nucléaire). Mais n’existe-t-il pas un risque de laisser croire aux Français que la diversification du mix électrique relève du même objectif ? Peut-on laisser croire aux 69 % de Français interrogés par BVA (Enquête BVA réalisée du 4 avril au 27 avril auprès d’un échantillon de 3 008 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population française) que le nucléaire participe à la production de gaz à effet de serre ? Factuellement, ces 69 % de Français ont raison : le nucléaire rejette du CO2, tout comme l’ensemble des énergies sans exception. Mais ces émissions sont minimes : 12 grammes par kWh produit selon le consensus scientifique, soit l’équivalent de ce que rejettent dans l’atmosphère les éoliennes (11 grammes). Que dire des 10 % des sondés qui pensent que le pétrole et le gaz contribuent moins que le nucléaire à l’effet de serre, et des 11 % d’entre eux qui croient que le charbon est plus propre que l’atome ? Peut-on, avec une telle base, considérer qu’ils ont donné un consentement éclairé à nos politiques de transition énergétique ? »
Source : http://www.sppef.fr/wp-content/uploads/2019/12/sppef_rapport-aubert-r2195-t1.pdf »
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