L’ancien Hôtel de la Gare et café Verlingue, témoin de l’architecture vernaculaire boulonnaise de la seconde moitié du XIXème siècle, est situé dans la commune d’Hesdigneul-lès-Boulogne [1], dans le département du Pas-de-Calais. Environné d’une végétation dense et de belles villas de la même époque, il marque l’entrée du centre-bourg et présente une façade principale remarquable avec ses carreaux de céramique bleu azur et ses éléments architecturaux typiques.
Sa position à proximité de la voie ferrée lui donne une belle visibilité renforcée par la linéarité de sa couverture [2] et par l’éclat de sa façade principale. Celle-ci, orientée sud-ouest, est exposée au soleil toute la journée et constitue l’unique exemplaire d’une façade intégralement couverte de carreaux dans le Boulonnais, et dont les frises et décors présentent des motifs rares.
Signée par un carreau « Fourmaintraux-Courquins » [3], elle témoigne de l’importance de la fabrication des carreaux émaillés de Desvres au XIXème siècle.
L’ancien hôtel-café incarne bien plus qu’une simple recherche esthétique. Au-delà de cette décoration, il témoigne d’une véritable ingéniosité architecturale et paysagère, conçue dans une vision à long terme. En effet, de multiples éléments finement travaillés , intégrés à sa structure n’ont pas uniquement un caractère esthétique, mais aussi fonctionnel car ils contribuent à la préservation et à la durabilité de l’édifice. C’est ainsi que l’on découvre sur ce bâtiment des éléments caractéristiques [4] de l’architecture traditionnelle boulonnaise, sublimés par une qualité esthétique exceptionnelle [5], attestant du mariage réussi entre l’aspect pratique et l’expression artistique.
Le café et les autres bâtiments (les villas, l’ancienne maison du garde-barrière et l’ancienne gare susmentionnées) n’ont pas connu de modifications majeures (destruction, percement, agrandissement, etc.) au long du XXème siècle et sont longtemps restés inchangés, constituant une sorte de musée à ciel ouvert [6].
L’état actuel de la façade principale ne permet plus d’apprécier son aspect originel. L’usure, le manque d’entretien et des restaurations inadaptées ont abouti à une dégradation avancée. Divers maux fragilisent petit à petit le bâtiment et causent la disparition lente mais visible de l’habillage en carreaux de céramique [7]. Les seuls travaux de réfection engagés ont consisté à remplir les cratères par du mortier de ciment, accélérant la dégradation [8]. Les pièces décollées n’ont pas été récupérées et les modifications nécessaires au découpage prévu en cinq lots vont encore détériorer la façade d’origine. D’autres changements regrettables opérés au fil du temps sont à noter : disparition des volets en bois ; remplacement d’une lucarne boulonnaise typique par une lucarne rampante ; disparition de deux conduits de cheminée ; remplacement des menuiseries traditionnelles en bois à deux vantaux et huit carreaux par des menuiseries standards de type PVC ; remplacement des pannes traditionnelles vernissées par des tuiles mécaniques aux deux extrémités de la couverture.
Appel à la préservation
Malgré l’état actuel des bâtiments, beaucoup d’éléments des décors d’origine sont encore présents. C’est pourquoi Sites & Monuments a récemment déposé une demande de classement au titre des monuments historiques auprès de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France. Un classement permettrait d’éviter que l’édifice ne soit ruiné, ou qu’une dégradation trop avancée de cette façade exceptionnelle n’aboutisse à une démolition-rénovation. Il est essentiel d’agir rapidement afin de préserver ce témoignage de la production de carreaux de faïence de Desvres ainsi que de sa qualité technique et esthétique. Cette protection espérée pourrait ouvrir la voie à celle d’autres édifices représentatifs de l’architecture traditionnelle du Boulonnais.
Yaëlle Desmartins , base documentaire de François Cadiou