Le marché couvert de Saint-Dizier (Haute-Marne), édifié en 1923 sur les plans de l’architecte municipal Gilio, parfaitement documenté, intégré à son environnement et donnant toute satisfaction aux commerçants, risque de disparaître très prochainement dans le cadre de la politique « Action cœur de ville ». Les travaux de démolition doivent en effet débuter le 13 janvier 2019.
Il s’agit de substituer à la halle existante, dont le sous-sol comprend des caves médiévales (accueillant de nombreux chiroptères protégés) et les vestiges d’un rempart partiellement inscrit au titre des monuments historiques, un nouveau marché couvert pour un coût initialement chiffré de 2,7 millions d’euros, dépassant désormais les 5 millions d’euros.
Il convient de s’interroger, y compris du point de vue de l’écologie, sur la nécessité de détruire ce bâtiment fédérateur de Saint-Dizier, donnant satisfaction depuis près de 100 ans, et pouvant au besoin être réhabilité ou transformé.
Ainsi, le projet dit avoir « recourt (sic) à des matériaux locaux, nobles et bio-sourcés, appartenant à notre culture régionale » et utiliser à cette fin des « épicéas provenant des forêts voisines » comme « la pierre de Bourgogne et la pierre de l’Oise » (voir ici). N’était-il pas plus écologique de conserver le bâtiment existant ?
De même, plutôt que l’avoir recours à « 30 pieux de fondations, évitant toute descente de charges sur les caves [et] préserverant les chiroptères (chauves-souris), protégées, propriétaires (sic) des caves situées en sous-sol [...] en minimisant les nuisances acoustiques » n’était-il pas plus efficace de maintenir la structure existante ?
Ce projet nous semble résulter d’un malentendu et être susceptible de créer un précédent néfaste, l’un des 5 piliers des « Actions cœur de ville » étant précisément « la mise en valeur de l’espace public et du patrimoine » (voir ici) !
Il est d’ailleurs frappant de constater que le communiqué de presse du 8 juin 2018 lançant l’opération à Saint-Dizier, en présence de toutes les instances étatiques, annoncait bien « la réhabilitation du marché couvert » et non sa démolition.
Paradoxe supplémentaire, Saint-Dizier a été identifiée parmi les villes bénéficiaires du plan "action cœur de ville" autorisant, dans le même temps, l’ouverture de grandes surfaces (voir ici et carte ci-dessous).
Faisant ce constat, le Président de Sites & Monuments a bien voulu demander au ministre de la Culture d’utiliser les dispositions de l’article L. 621-7 du code du patrimoine afin d’ouvrir une période de réflexion d’un an sur le devenir de notre marché couvert. Il s’agit d’aboutir à une action concertée avec Madame la ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités, à qui l’association s’est également adressée.
En complément de contacts pris avec Monsieur les Sous-Préfet, l’ABF et Madame Brigitte Macron, un dossier de demande d’inscription au titre des monuments historiques du marché couvert a été déposé, dès le 14 septembre 2019, auprès de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Grand Est.
Le plan "action cœur de ville" ne doit pas aboutir à la destruction de notre patrimoine !
Martine Roussel, déléguée de Sites & Monuments pour la Haute-Marne