Le 12 février 2024, Sites & Monuments a écrit à Mme la ministre de la Culture concernant les installations de la place de La Concorde, convertie en "Concorde Park" par la mairie de Paris.
Nous demandons à avoir communication de l’autorisation nécessairement délivrée par la DRAC Ile-de-France pour cette installation, dont l’emprise totale au sol est supérieure à 20 m2 et la durée supérieure à un mois (article R. 621-11 du code du patrimoine).
Nous préconisons, afin d’étendre le champ des autorisations, de réduire ce délai à 15 jours lorsque le terrain classé appartient au domaine public.
Rappelons, enfin, que la ministre de la Culture dispose d’un pouvoir "d’évocation" lui permettant de traiter directement de certains dossiers d’occupation emblématiques (voir article R. 621-13 du code du patrimoine).
A la dénaturation de la place de la Concorde s’ajoutent d’autres dégradations rendant ce site emblématique proprement repoussant. La perspective du jardin des Tuileries est, à nouveau, occultée par une immense structure provisoire (même régime juridique, ce jardin étant classé au titre des monuments historiques), des bâches publicitaires géantes sur monuments historiques enlaidissent la rue Royale (rappelons nos propositions en la matière), tandis qu’une bâche publicitaire, probablement liée aux Jeux Olympiques, porte atteinte à la perspective de la rue de Rivoli.
JL
Madame Rachida DATI
Ministre de la Culture
3 rue de Valois
75033 PARIS CEDEX 01
Paris, le 12 février 2024
Objet : Occupations de la place de la Concorde et demande d’évolution du régime des installations temporaires sur le domaine public classé au titre des monuments historiques
Madame la Ministre,
Bénéficiant depuis 1937 d’un classement au titre des monuments historiques dans sa totalité, et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, la place de la Concorde est unanimement considérée comme l’un des sites les plus prestigieux de la capitale.
Depuis le 27 décembre 2023 et jusqu’au 25 février 2024, une aire sportive urbaine occupe la partie orientale de la place. Il en résulte la présence d’une buvette et de nombreux équipements, notamment un « parkour », un « pump track », des « terrains de basket 3x3 » et autres « zones d’initiation aux sports urbains ». S’accompagnant de séparateurs en béton, ces divers éléments – volontairement couverts de tags à l’occasion d’une « master class de graffiti » – sont d’une esthétique totalement incompatible avec le prestige du lieu.
Nous souhaitions savoir si cette installation, dont l’emprise totale au sol est supérieure à 20 m2 et la durée supérieure à un mois, a été autorisée en vertu des articles L. 621-9 et R. 621-11 du code du patrimoine aux termes desquels : « Les travaux soumis à autorisation en application du premier alinéa de l’article L. 621-9 sont les constructions ou travaux, de quelque nature que ce soit, qui sont de nature [...] à affecter la consistance ou l’aspect de la partie classée de l’immeuble [...]. Constituent notamment de tels travaux : [...] 7° Les travaux de mise en place d’installations ou de constructions temporaires d’une surface supérieure à vingt mètres carrés et d’une durée supérieure à un mois sur un terrain classé. »
Si cette installation est temporaire, il y a cependant tout lieu de s’inquiéter du projet de la Ville de Paris de rendre piétonne la partie orientale de la place de la Concorde après les Jeux olympiques. Ce projet propose notamment d’offrir aux Parisiens « une nouvelle expérience et de nouveaux usages » en implantant sur le site des « installations légères » susceptibles d’accueillir des « grands événements » et des « manifestations culturelles et sportives ».
Les espaces publics classés au titre des monuments historiques sont peu nombreux en France et souvent emblématiques. La fréquence de l’organisation, en particulier à Paris, d’évènement temporaires dans ces lieux chargés d’histoire et de symboles nous amène à vous recommander d’adresser des instructions à vos directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Il s’agirait de s’assurer de ce que les demandes d’installation ne soient accordées qu’exceptionnellement et pour des évènements compatibles avec le caractère des lieux concernés.
Nous vous suggérons, par ailleurs, de compléter l’article R. 621-11 7° du code du patrimoine par une condition de temporalité réduite (par exemple à partir de quinze jours d’occupation au lieu d’un mois) - étendant ainsi le champ des autorisations - lorsque le terrain classé appartient au domaine public.
Restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.
Julien LACAZE
Président de Sites & Monuments
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