Par un arrêté du 24/12/2020, le préfet du Pas-de-Calais a autorisé l’installation de cinq aérogénérateurs de 150 m de hauteur (sur les huit demandés par la société SAS Parc du Moulinet) sur la commune de Ligny-lès-Aire.
Le projet du Moulinet (point rouge sur la carte) se situe dans un secteur en lien direct avec les paysages du pays d’Aire à l’est, ceux des hauts plateaux artésiens à l’ouest et enfin ceux du Ternois, du bassin minier et des belvédères artésiens au Sud.
Le pétitionnaire note dans son étude (Partie 1 - Renseignements administratifs) « Le patrimoine paysager et naturel du secteur est de grande qualité comme l’atteste la présence de nombreux circuits de randonnée et de découverte ». Les projets éoliens doivent par conséquent être composés avec une grande attention.
Situé sur la première marche de la Cuesta dans le secteur Haut-Artois-Ternois, à près de 120 m d’altitude, dans une zone de piémont pourtant défavorable à l’implantation d’éoliennes, le projet toucherait fortement le paysage environnant et les villages voisins (Fléchin, Febvin-Palfart, Westrehem).
Bien que le parc voisin de la Carnoye ait été refusé dans un premier temps, car élevé en zone de piémont et proche des terrils classés UNESCO, il est aujourd’hui autorisé et construit (6 éoliennes en 2017) sur les trois communes limitrophes de Febvin, Fléchin et Enquin-lez-Guinegatte. Le projet du Moulinet, contigü à ce parc existant, créerait un effet barrière d’environ 3 km qui aurait un impact désastreux sur l’horizon et les paysages. Ses éoliennes seraient visibles de très loin, à plus de 20 km.
La DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) a donné par deux fois un avis défavorable en raison des incidences notables sur le paysage mais aussi sur le patrimoine historique.
Le patrimoine historique
En effet, dans un rayon de 5 km, on dénombre cinq édifices protégés au titre des monuments historiques :
– À 1 km, se trouve l’église Sainte-Berthe, inscrite monument historique (voir ici) qui serait très affectée par l’éolienne E5 (photomontage 3.1).
– Également à 1 km, l’église Saint-Martin-de-Fléchin, dont vingt-six éléments sont protégés au titre des monuments historiques (voir ici). Elle n’a pas fait l’objet d’une étude spécifique de la part du pétitionnaire.
– Plus loin, à 4,5 km, le parc se trouverait dans le cône de vue du château de Liettres, château voisin de celui de Créminil.
– À 10,5 km, à Aire-sur-la-Lys on peut admirer deux monuments remarquables :
Le beffroi de l’Hôtel de Ville a été classé monument historique en 1947 (voir ici) et inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO en 2005 (voir ici)
Les terrils du bassin minier
Enfin, le projet du Moulinet se situe à proximité immédiate des terrils qui marquent l’extrémité occidentale du bassin minier classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012 (voir ici).
Les terrils de Fléchinelle (hameau de Enquin-Lez-Guinegatte), ceux du Transvaal à La Tiremande (hameau de Ligny-lès-Aire) et celui d’Auchy-au-Bois sont tous inscrits au patrimoine mondial. Ceux de Fléchinelle correspondent en outre à une ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) de type 1.
Sur le terril d’Auchy-au-Bois, à 2 km du projet, est aménagé un belvédère avec vue à 360°.
On distingue bien trois des six éoliennes du parc de la Carnoye et à l’arrière-plan les nombreuses éoliennes des parcs environnants (Delettes...).
Les terrils de Fléchinelle sont les plus occidentaux du bassin minier.
Les terrils sont déjà très affectés par la présence des nombreux parcs éoliens existants, une nouvelle implantation serait catastrophique.
La mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) dénonçait en 2019 une saturation visuelle avec, dans un rayon de 20 km (surtout au sud et à l’ouest), 191 éoliennes en fonctionnement ou accordées et 79 en cours d’instruction.
De même, lors de l’enquête publique, la Mission Bassin Minier était intervenue pour souligner la prégnance du projet sur le paysage et notamment sur les terrils inscrits à l’UNESCO.
Monsieur Philippe Queste, attaché de conservation du patrimoine, vice-président de l’Association Nationale des Animateurs de l’Architecture et du Patrimoine et membre du comité d’Histoire du Haut-Pays, avait souligné l’impact désastreux de ce projet sur le patrimoine historique et le paysage. Ses observations n’ont eu que peu de poids. L’UDAP (unité départementale de l’architecture et du patrimoine) n’a de son côté pas émis d’avis.
Les terrils inscrits peuvent justifier un refus d’installation, tel celui du préfet (arrêté du 9 mars 2020) concernant le projet éolien SEPE Gentiane à Blessy, commune voisine de Ligny, pourtant plus éloignée de ces mêmes terrils que Ligny-lès-Aire.
On peut d’ailleurs lire dans l’arrêté préfectoral concernant le projet du Moulinet des considérations sur ce sujet (p. 3 et 4/16) mais même si seules cinq éoliennes ont été acceptées sur les huit demandées, le projet conserve une incidence très forte sur son environnement paysager et patrimonial.
Biodiversité
La barrière d’éoliennes, constituée des deux parcs du Moulinet et de la Carnoye, disposée perpendiculairement aux voies migratoires, aura des conséquences sur l’avifaune mais aussi les chiroptères dont la Noctule commune.
Depuis la mise en fonctionnement du parc de la Carnoye, les riverains observent d’ailleurs moins de chauve-souris lors de leurs périodes d’activité.
Sur ce sujet, dans une publication de juillet 2020, le Muséum national d’Histoire Naturelle de Paris mettait en évidence une perte de 88 % des effectifs entre 2006 et 2019 pour la Noctule commune (Nyctalus noctula), une espèce migratrice très sensible à l’éolien. La destruction de nouveaux individus pourrait conduire, à terme, à la disparition de l’espèce en France.
Nous remercions Sites & Monuments - SPPEF pour son soutien dans notre combat contre l’implantation de ce parc éolien du Moulinet.
Association Pour l’Avenir de Nos Campagnes