Des éoliennes au pied de l’abbaye ISMH Saint-André-aux-bois ?

Dépendances de l’abbaye Saint-André-aux-Bois. © Jérome Vitse

L’ancienne abbaye Saint-André-aux-Bois, inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques dans son ensemble (murs et toitures), fondée par les Prémontrés au XIIe siècle, est implantée sur le territoire de Gouy Saint André dans le Pas-de-Calais, au cœur du Montreuillois. Le plateau surplombe la plaine de la Canche, qui méandre et s’étale en marais et zones humides jusqu’à son estuaire à Etaples.

C’est dans ce décor qu’a vu le jour un nouveau projet éolien, autorisé par le préfet le 2 Aout 2023.
Le parc éolien "Maresqu’éol", prévoyant cinq éoliennes de 150m de hauteur totale, est situé à 800m de l’Abbaye. Ce n’est pas une méprise, nous sommes bien à moins d’un kilomètre d’un Monument Historique protégé…

Dans son étude d’impact, des effets de covisibilité sont évalués à « très fort » par le promoteur JPEE (JP énergie environnement) : « ... le futur projet créera une concurrence visuelle direct avec l’abbaye » (p.113), ce qui a poussé le préfet à demander un renforcement de la corolle végétale par des plantations autour l’Abbaye. À ce stade, pourtant, aucune convention pour ces plantations n’existe. Un cône de vue existe aussi depuis la cour intérieure.

L’UDAP (Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine) du Pas-de-Calais, en dates des 9 septembre 2020 et 19 octobre 2021, avait donné un avis défavorable.

Un paysage remarquable mité par l’industrie éolienne
Ce parc est situé dans le Grand Paysage du Montreuillois constitué de deux entités paysagères : la vallée de la Canche et les Ondulations montreuilloises décrites par l’Atlas des Paysages.

Le SRE (Schéma Régional Eolien) des Hauts-de-France, et le dossier de la Cartographie éolienne du préfet de 2022 confirment que le projet se situe dans une zone où « le développement éolien est impossible ou à éviter ». Bien qu’annulés en 2012, les SRE restent un document de référence ; le SRE des Hauts-de-France est d’ailleurs plusieurs fois cité par le promoteur dans son étude d’impact. C’est à la lumière des critères de « Paysages de belvédères  » et de « Cônes de protection des sites et monuments » du SRE que JPEE reconnait que son projet est situé en « zone défavorable ». Que n’en tirent-ils les conséquences ? !

Contrairement aux parcs existants des environs, situés en retrait des vallées principales, le projet Maresqu’éol est localisé en bordure de plateau, créant un effet de surplomb dans la vallée (Maresquel-Ecquemicourt), et un effet d’écrasement et de saturation pour les communes avoisinantes (Gouy St André, Campagne les Hesdin). On compte en effet à ce jour 21 éoliennes à l’Est, 13 à l’Ouest et les 5 acceptées au Nord de Gouy.

Face à cette industrialisation du paysage, le SRE parle de lui-même :
« Plateau du Montreuillois : une seule éolienne suffirait à écraser ces paysages intimes, leurs silhouettes géantes bouleverseraient durablement l’échelle de perception du paysage  » (page 22)…

Notons en outre que ce parc s’intercale au milieu d’une des dernières respirations paysagères entre les 21 éoliennes de Mouriez-Tortefontaine et le parc de Buire le Sec.

Très impactant pour les habitants, ce parc éolien l’est aussi sur le plan de la biodiversité. Situé dans une ZNIEFF type 2 (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique), le projet menace plusieurs espèces de chiroptères protégées. Un gîte à chiroptères (la cavité du Flayel) est situé à 750m au sud-est du parc avec axe de migration au sein du parc. Il est un des principaux sites d’hibernation en Nord-Pas-de-Calais, le site le plus riche en diversité.

Maresqu’éol ne fait pas l’unanimité
Seules deux communes ont délibéré "pour" le projet, Maresquel et Gouy St André. (Il se trouve que JPEE veut aussi créer un projet sur Gouy). Treize autres sur les vingt-quatre communes concernées sont quant à elles défavorables. Quant à la Communauté des Communes, les sept Vallées ont voté largement "contre" ce projet. À Gouy-Saint-André, aucune réunion publique n’a été organisée, seule l’Enquête publique, obligatoire, a été menée.

Sites & Monuments, grâce à l’active participation de son délégué du Pas-de-Calais Yves Grioche, vient au soutien des différents propriétaires de parcelles de l’abbaye et lance avec eux un recours contentieux contre ce projet qui porte atteinte au patrimoine, au paysage et la biodiversité de la vallée de la Canche.

Voir l’avis délibéré de la MRAe des Hauts-de-France
Voir le carnet de photomontage du projet
Voir la requête adressée à la cour Administrative de Douai