Le dernier pan de mur de la mairie-poste de Pluméliau (voir notre précédent article), bientôt labellisée Patrimoine du XXe siècle, est tombé fort à propos le 7 mai à 11 h 30.
A 14 heures, l’avocate de la commune pouvait ainsi présenter au juge des référés du tribunal administratif de Rennes la photo du bâtiment détruit. Dès lors, quelle urgence y avait-il à suspendre les délibérations du conseil municipal du 30 mars 2015 contestées par l’association des Amis du patrimoine de Bieuzy (APB), membre de la SPPEF ? Ces délibérations approuvaient la désaffectation, le déclassement et le budget de démolition de la mairie-poste ainsi que la vente de la fonte à un ferrailleur.
De la même manière, le 29 avril, le conseil municipal, réuni à 20 h 30, approuvait le choix de l’entreprise de démolition. Quand commenceraient les travaux ? Tout dépendrait des disponibilités de l’entreprise, répondit-on. Le lendemain, jeudi 30 avril, à 7 h, l’entreprise installait son chantier. A 9 heures, la démolition commençait.
Pourquoi et comment en était-on arrivé là ?
Pluméliau est une commune rurale du Morbihan de 3600 habitants. Son patrimoine bâti, très riche, particulièrement dans les hameaux, a été inventorié par la Région. Maisons de prêtres, manoirs, croix de chemin, ponts et même « logis à deux pièces symétriques à ouvertures en ciment à bossages » du XXe siècle : l’inventaire est copieux. Il ne manque que la mairie-poste…
Pourtant, la mairie néo-bretonne inaugurée en 1957 avait du caractère. En 1952, quand Léon Bellec, architecte, signa la notice descriptive du permis de construire, le mouvement Seiz Breur était éteint. Mais son influence survivait. Il s’en inspira et reprit les lignes, matériaux et les motifs d’ornementation néo-celtique.
En 2011 et 2012, lors de l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU), l’association demanda d’annexer l’inventaire de la Région au nouveau document d’urbanisme. Cela fut ignoré.
Lors de l’enquête publique pour ce même PLU, l’association demanda aussi que les démolitions soient soumises à permis de démolir. « L’article R. 421-28 du code de l’urbanisme fixe de manière exhaustive les cas qui doivent être précédés d’un permis de démolir » répondit le commissaire-enquêteur. Ainsi, le centre de l’agglomération resta sans protection. Seuls quelques hameaux, monuments, arbres, talus et haies furent protégés en application du 7° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme.
Et quand le nouveau conseil municipal conçut son projet de "réaménagement" du centre bourg, dont le préalable était la démolition de la mairie-poste, le permis de démolir obligatoire fit cruellement défaut aux défenseurs du patrimoine.
Néanmoins, il fallait que la décision de démolir soit actée.
En haussant le ton, la juge des référés l’a rappelé au maire. Où est la décision ? Par qui a-t-elle été prise ? Quand ? L’avocate répondit qu’elle était implicite et qu’elle avait été prise le 30 avril au premier coup de pioche. De son côté, le maire reconnut le caractère implicite de la décision mais prétendit qu’elle avait été prise avant la consultation publique de septembre 2014.
Dans La Gazette du 8 mai, le maire déclare : « dès le départ, le choix de ne pas conserver le bâtiment existant a été clairement évoqué ». « Évoqué », mais pas acté.
Anne-Marie Robic, présidente des Amis du patrimoine de Bieuzy, déléguée de la SPPEF pour le Morbihan