Septembre 2017 : lancement de l’opération par le conseil départemental
Le Conseil départemental de la Corrèze a décidé unilatéralement de faire procéder par les riverains du réseau routier départemental aux élagages de tout les arbres empiétant sur la voie publique. Un courrier circulaire très autoritaire a été envoyé le 8 septembre 2017 à 28 000 riverains des routes départementales identifiés grâce aux matrices cadastrales. Ce courrier demande l’élagage des arbres privés et menace les récalcitrants de faire pratiquer ces élagages par une entreprise à leurs frais. Un croquis très explicite accompagnait ces injonctions : les arbres doivent être élagués "en drapeau" au mépris de toutes les règles professionnelle et esthétiques de l’élagage.
Les raisons invoquées pour cet élagage obligatoire sont : la sécurité, la longévité du réseau, le passage des réseaux aériens et, en particulier, de la fibre très haut débit. En ce qui concerne la longévité du réseau routier départemental, il est précisé : "Elaguer, c’est augmenter de 30% sa longévité [explique le président de l’exécutif Pascal Coste]. En effet, fini les gouttes d’eau qui tombent des feuilles et s’infiltrent sur le goudron. Ce qui a pour conséquence de dégrader la chaussée en période de gel et de favoriser l’émiettement des bords de route. Sans compter le pourrissement des feuilles sur la chaussée". Tout est dit dans cette phrase et l’ennemi de la route est clairement identifié : l’arbre riverain. Les riverains ayant reçu ce courrier ont alors commencé a se questionner, mais de façon dispersée.
Prise de conscience d’associations, début des réactions, engagement de la SFA
Petit à petit l’information a été diffusée. L’association ARBRES a été la première à s’inquiéter, suivie par l’ASPPAR et la Société Française d’Arboriculture (SFA). Cette injonction semblait disproportionnée, mal montée et techniquement inepte. Une lettre ouverte a été adressée le 29 novembre 2017 au président du conseil départemental, monsieur Pascal Coste, lui demandant de bien vouloir amender son projet en le menant de façon plus respectueuse du cadre de vie et de la richesse patrimoniale du département. S’en est suivi un échange dans lequel le président garantissait une approche plus correcte de son projet et la SFA s’engagerait à apporter un éclairage technique positif à l’opération. Des modalités techniques devaient garantir les bonnes pratiques en la matière. Une exposition itinérante sur les arbres (création d’un collectif du Puy de Dôme "ARBRES CITOYENS") et trois conférences sur le thème des arbres devaient accompagner cette nouvelle méthode. Ces échanges ont eu lieu courant décembre 2017.
Continuation des actions du département
Le Président s’est engagé à rédiger un deuxième courrier en décembre, en principe plus explicatif et respectueux des arbres. En fait, l’injonction d’élaguer en drapeau reste la même, mais les riverains ont la possibilité de se grouper pour élaguer et de bénéficier d’une aide du département (la carotte), mais le bâton n’a pas changé. Et toujours aucune invitation à travailler avec les services à l’amélioration du "modèle", comme cela avait été évoqué au départ.
Constatation de la catastrophe sur le terrain
L’hiver avançant, l’heure des élagages et des coupes est venue. Cela a démarré lentement, mais s’accélère aujourd’hui. Le Conseil départemental n’avait cependant pas prévu, qu’en zone rurale, les riverains ne souhaiteraient pas payer pour élaguer leurs arbres et qu’ils préfèreraient massivement les couper ! Le mouvement a été amplifié par les marchands de bois qui en ont fait un argument auprès des petits propriétaires pour rentabiliser les coupes des arbres bordant les voies avec des coupes et défrichages complémentaires. Certains secteurs ont été déshabillés, en particulier en Basse Corrèze qui est très bocagère.
Un déplacement test a été effectué en haute Corrèze fin janvier, suivi d’un rapport circonstancié au Président du Conseil départemental, attirant son attention sur l’impasse technique dans laquelle il s’était engouffré, sans susciter aucune réaction. Au vu des coupes et de leur impact fort sur le paysage, le mécontentement augmente, une pétition circule, des collectifs se montent (le collectif AGIRR d’élagueurs "responsables" a été créé pour promouvoir le "beau travail"). Les Maisons Paysannes de Corrèze sont entrées dans la contestation ainsi que Sites & Monuments, association reconnue d’utilité publique et agréée pour la pour la protection de l’environnement. Des maires s’affichent contre le projet, mais d’autres, allant au delà des directives, vont jusqu’à ordonner des élagages et coupes en bordure de GR ! Bref, la Corrèze est fortement agitée et divisée par le sujet.
La SFA a clairement posé la question au Président Coste dans un communiqué du 13 février 2018 (paru dans la presse le lendemain) : nous continuons à collaborer à travers l’exposition et les conférences sur l’arbre, uniquement si le Président instaure un moratoire sur les élagages et les abattages pour se donner le temps de réfléchir et d’agir raisonnablement. N’ayant pas eu satisfaction, nous nous sommes donc retirés du processus et sommes maintenant clairement du côté et aux cotés des opposants.
Un mouvement monte actuellement en puissance. Nous souhaitons produire un dossier photographique complet afin d’être présenté au préfet de Corrèze. Les élagueurs veulent créer un événement autour d’un chantier "exemplaire" et nous cherchons des mairie "amies", éventuellement pour y montrer notre exposition. Un collectif CRRAC (Collectif pour le Respect Raisonné des Arbres Corréziens) a été créé en février 2018. Il adressait immédiatement un courrier au Directeur général adjoint des services du Département de la Corrèze rassemblant ses doléances.
Lettre du CRRAC au Directeur général adjoint des services du département de la Corrèze
L’enjeu est très important : c’est la qualité paysagère d’un département entier qui est menacée, sachant que dans ce type de paysage à dominante rurale, les arbres "en bon état" sont des éléments essentiels : identité, cadrage des vues, caractère pittoresque... Les routes sont d’ailleurs le principal moyen pour découvrir la Corrèze, département rural, sans compter les bienfaits des arbres dans la lutte contre le réchauffement climatique et contre l’érosion de la biodiversité. On démontre aussi que l’arbre n’est pas l’ennemi de la route. Au contraire : les arbres coupés ont des racines sous le goudron qui vont pourrir et ruiner la chaussée, l’eau en excès par endroits dans le sol ne sera plus pompée avec comme conséquence une désorganisation des fondations (et des problèmes de gel), les talus ne seront plus fixés, le bitume va fondre en été plus facilement... Tout ceci doit être rapproché des incroyables (au sens propre) dégâts causés par les gouttes d’eau qui ruinent les enrobés en tombant des feuilles.
Louis Dubreuil, pour le collectif CRRAC (Collectif pour le Respect Raisonné des Arbres Corréziens)
Merci d’adresser messages et photos à cette adresse : collectif.crrac@gmail.com