Nous ne pouvons rester insensibles au sort de l’un de ses fleurons de cette région, en état de péril absolu, à l’abandon, qui disparaît dans l’indifférence générale : le Manoir des Mathurins, à Lisieux.
Cette ville a perdu dans les bombardements de 1944 le plus bel ensemble de maisons médiévales en bois sculpté. Il est incompréhensible que l’un de ses précieux témoins rescapé de ce désastre, soit menacé de disparition malgré son statut de Monument historique inscrit à l’Inventaire depuis 1928. (Voir ici)
Il s’agit d’une dépendance de l’Hôtel-Dieu de la Ville de Lisieux, édifiée en pans de bois à la fin du XVIe siècle, en lisière de la cité, pour permettre aux malades de reprendre quelques forces au bon air de la vallée de la Touques, de bénéficier des rayons du soleil à l’abri des 11 travées de sa galerie à deux niveaux, portée par des colonnes de bois à décor Renaissance, et de se retirer le soir venu dans les deux pavillons latéraux.
C’est aujourd’hui une propriété privée, sans autre usage - avant son abandon - que celui de bâtiment agricole, de remise pour le jardinier, en attente d’une réhabilitation intérieure.
En 2012 le manoir était en bon état, avec des toitures entretenues. Puis il connut deux propriétaires successifs, qui n’ont assuré aucun entretien sur les quelques parties de toitures endommagées par plusieurs tempêtes. Or, les édifices en pans de bois sont d’une extrême fragilité et ne résistent pas longtemps aux intempéries.
Déjà, en 2016, l’abandon est tel que l’enclos du manoir est devenu un taillis et un roncier impénétrable. Le lierre a envahi la galerie, en partie effondrée, les branches des arbres fouettent les toitures qui présentent désormais des trous importants.
Il a été la proie des vandales qui en ont arraché les précieux pavages et les vénérables huisseries du XVIIe siècle.
En 2017, l’association « Le Pays d’Auge », qui veille depuis 70 ans à la sauvegarde du patrimoine de cette région a permis, par son action directe, le sauvetage d’édifices emblématiques - aujourd’hui classés au titre des Monuments historiques – et consacré l’une de ses publications mensuelles au patrimoine en péril dans cette région, notamment au Manoir des Mathurins.
Il semble que le service régional des Monuments historiques, en charge de la protection de ce patrimoine, n’ait pas obtenu à ce jour de résultat tangible en faveur du sauvetage de l’édifice.
Le Bulletin Monumental, dans son édition de Juillet 2019, (voir ici) a publié un article très documenté sur le Manoir des Mathurins, soulignant l’état de péril dans lequel il se trouvait déjà. Depuis la situation n’a cessé de s’aggraver, sans émouvoir semble-t-il son propriétaire ou les responsables de sa protection.
Or, le ministère de la Culture dispose de moyens juridiques pour mettre fin à cette situation. En présence d’un propriétaire défaillant il est à même de réaliser d’office des travaux de sauvegarde, après avoir prononcé une instance de classement.
Il est incompréhensible s’agissant d’un monument aussi exceptionnel – de modestes dimensions et dont la restauration est financièrement accessible à un propriétaire privé ou public - reste dans cet état. Et si son environnement présente quelques nuisances (présence d’une voie rapide et d’une ligne de chemin de fer), on ne peut écarter l’hypothèse d’un transfert sur un site plus propice, selon une pratique en usage dès les origines de l’architecture de bois.
L’association Le Pays d’Auge