Nous avons expliqué pourquoi ériger 22 éoliennes en covisibilité avec la montage Sainte-Victoire était absurde (voir ici), puis la lassitude des associations et des donateurs locaux (voir ici). Une bonne surprise nous attendait pourtant. A la demande des associations DECAVI et Sites & Monuments (SPPEF), le tribunal administratif de Toulon a en effet annulé "les récépissés de déclaration d’antériorité" du projet par un jugement en date du 10 février 2020. Ces documents permettaient au parc éolien projeté de bénéficier d’un régime plus souple, antérieur à celui des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), applicable depuis 2011. La procédure d’autorisation doit ainsi être reprise. A moins, bien évidemment, que le promoteur ne fasse appel du jugement (les associations devront alors financer ce combat)…
Affirmer, comme le fait le promoteur sur son site internet (voir ici), que le projet est "libre de tout recours" n’est pas exact.
Loin d’être suspendus par le promoteur, les travaux allaient conduire à un drame puisqu’un ouvrier du chantier a trouvé la mort le 11 mars 2020, écrasé par un touret (voir ici et ici).
Afin de trouver une solution politique à ce dossier, qui n’aurait jamais dû voir le jour, nous nous adressons au Président de la République (voir courrier ci-dessous).
« Monsieur le Président de la République,
Vous avez déclaré, le 14 janvier 2020, que « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir », votre ministre de la Transition écologique et solidaire dénonçant devant le Sénat, le 18 février 2020, des situations de co-visibilité « incompréhensibles » avec des éléments de notre patrimoine. Cette parole forte, rejoignant le constat que nous faisons sur le terrain du rejet de ces machines, doit aujourd’hui s’incarner. La crise sanitaire et économique mondiale inédite que nous traversons renforce ce besoin d’un monde plus apaisé, plus soucieux des paysages comme de la biodiversité et du sens de la dépense publique.
La montagne Sainte-Victoire - indissociable de Cézanne et d’autres admirateurs (de Jacqueline de Romilly à Georges Duby, d’André Masson à Tal Coat, de Maurice Blondel à Teilhard de Chardin) - est l’un des symboles universels de notre pays, dont vous êtes le garant naturel. Ce site unique est, depuis maintenant 15 ans, menacé par un projet de centrale de 22 éoliennes de 125 mètres de haut, situé sur des reliefs prolongeant sa ligne de crête, à seulement 10 km de son sommet du Pic des Mouches.
Ce projet cumule trois défauts majeurs :
- Il détruirait un paysage emblématique, en bordure du site classé dont la limite a été fixée à la frontière administrative du département des Bouches-du-Rhône, sans réelle justification paysagère. Cet ensemble naturel et géologique, préservé de toute atteinte industrielle, est aussi visible depuis la remarquable basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, qui serait également victime du projet.
- Du fait de son ampleur et de son positionnement à l’intérieur de la zone Natura 2000, pour sa partie nord, et en bordure, pour son alignement sud, les 22 éoliennes qu’il comporte porteraient atteinte à la biodiversité d’un espace naturel exceptionnel en termes de flore (orchis singe notamment) et surtout de faune protégée (aigle de Bonelli, aigle royal, alouette lulu, divers chiroptères et insectes etc.).
- Il constituerait un précédent justifiant d’autres projets éoliens aux abords de la montagne Sainte-Victoire et dans le Var.
Ce projet a été élaboré à partir d’un régime obsolète, celui antérieur au classement, en 2011, des éoliennes parmi les installations susceptibles de porter atteinte à l’environnement (ICPE). Ce régime n’offre ainsi aucune des garanties attendues en un lieu si sensible (aucune simulation visuelle de l’insertion paysagère des éoliennes n’a notamment été réalisée). Le tribunal administratif de Toulon a heureusement reconnu, le 10 février 2020, que le projet relevait en réalité du régime des ICPE, faute d’avoir respecté les conditions légales du rattachement au régime antérieur. Mais, souhaitant prendre les défenseurs du patrimoine de vitesse en rendant ses travaux irréversibles, le promoteur poursuit son chantier, sur lequel un ouvrier a trouvé la mort le 11 mars 2020.
Dans ce contexte, nous vous demandons de bien vouloir susciter toute solution mettant un terme à ce projet qui n’aurait jamais dû être envisagé et qui compromettrait définitivement les paysages et la biodiversité de Sainte-Victoire.
Dans l’espoir de votre intervention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.
Julien LACAZE
Président de Sites & Monuments - SPPEF »
Consulter le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 février 2020