Pour contrer le remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc à Notre-Dame par des vitraux contemporains, l’association Sites et monuments a déposé un premier recours auprès du tribunal administratif de Paris. Son président Julien Lacaze nous explique pourquoi.
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Selon vous l’établissement public chargé de l’opération n’est pas compétent pour enlever ces vitraux.
Non, l’« Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame », aux termes de la loi, est, comme son nom l’indique, compétent pour la « restauration et la conservation » de Notre Dame. Or en l’occurrence, il ne s’agit pas de restaurer les vitraux ni de les conserver, mais au contraire de les enlever, ce qui serait illégal. En outre, un donateur nous accompagne dans notre démarche judiciaire, qui souligne que l’utilisation de cet argent serait contraire à la promesse qu’on lui avait faite, à savoir, encore une fois, la restauration et la conservation.
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On sait à quoi ressembleront les nouveaux vitraux de Notre-Dame de Paris
Serait-ce constitutif d’un détournement de fonds publics ?
C’est une des questions que nous nous posons. Cela est à l’étude. Si l’Etat persistait, cela ferait l’objet un troisième recours (un deuxième recours est prévu, sur l’aspect patrimonial, Ndlr), au pénal celui-là.
Pourquoi ce recours ? La voie du dialogue était impossible ?
La voie du dialogue… Nous avons proposé que les vitraux contemporains soient installés dans les deux beffrois. D’abord parce qu’ils remplaceraient des verrières blanches qui n’ont pas d’intérêt patrimonial, et ensuite parce que ce sont des endroits symboliques : c’est là que s’est joué le destin de la cathédrale le soir de l’incendie. Bref, nous avons essayé d’être constructifs, et n’avons pas été entendus. Pas officiellement. Au ministère de la Culture, tout le monde est contre ce projet. La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture a donné un avis négatif à l’unanimité [le 11 juillet 2024, ndlr] ; l’opinion publique est contre également : regardez le succès de la pétition lancée par Didier Rykner (directeur de La Tribune de l’Art, ndlr), 280 000 signatures à ce jour. Et en ce qui concerne le financement de notre association, qui doit assumer les frais de ces recours, dès que nous avons lancé notre cagnotte, elle s’est remplie rapidement.
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Découvrez le nom de l’artiste qui réalisera les vitraux contemporains de Notre-Dame
Et la question de fond : pourquoi ne faut-il pas enlever les vitraux de Viollet-le-Duc, selon vous ?
Ces vitraux sont classés au titre des monuments historiques. Conçus par Viollet-le-Duc, ils font partie de notre histoire patrimoniale. Ce n’est pas parce qu’ils datent du XIXe siècle que l’on peut se permettre n’importe quoi ! Le temps n’est plus où on considérait Viollet-le-Duc comme un architecte mineur. Il a non seulement restauré Notre-Dame, mais il l’a réinterprété, faisant incontestablement œuvre de création ; voyez l’audace de la gamme chromatique qu’il utilise dans ses vitraux. Viollet-le-Duc fait partie de notre histoire du patrimoine ; en témoignent les nombreuses expositions qui lui sont consacrées, les travaux universitaires, de même que les thèses et ouvrages ayant son œuvre pour thème.
Ces vitraux, que l’on veut remplacer, sont en bon état, ils sont beaux, et ils forment un ensemble complet et cohérent. Notons en outre que si ce projet était mené à son terme, il couterait 3,1 millions d’euros au ministère de la Culture, alors que l’Etat manque d’argent. On pourrait faire beaucoup de choses fort utiles avec cet argent… D’après le ministère de la Culture, 5% des monuments historiques sont en péril, donc risquent de disparaitre, et 25 % sont dans un état préoccupant. Ce ne sont pas les occasions de dépenses qui manquent.
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Quelle est la position du diocèse de Paris dans cette affaire ?
Cette opération ne peut avoir lieu sans l’accord du propriétaire, l’Etat, et de l’affectataire, le diocèse de Paris. Mais d’après ce que l’on sait, c’est d’abord une volonté du président Macron, qui entend laisser une marque dans l’Histoire…
Propos recueillis par Charles-Henri d’Andigné
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