Construit entre cour et jardin dans le centre de La Flèche, à quelques mètres du monumental ensemble du Prytanée classé à l’ISMH, sur la place de l’ancien hôtel de ville du début du XIXe siècle, l’hôtel Salmon, 5 rue de La Dauversière, se meurt doucement sur fond de blocage de la succession d’Emile Salmon-Martel, décédé en 1978, descendant en droite ligne d’un des deux commanditaires, René Salmon (1686-1775).
Construit entre 1711 et 1715, comme l’atteste une inscription sur un élément de charpente, par un maître d’œuvre inconnu, l’hôtel est édifié à l’initiative des deux fils de Jean Salmon (1650-1710), agent de la compagnie des Indes Occidentales, dont on trouve des descendants à Saint-Domingue. La demeure est implantée entre une cour et un jardin fermé par des communs construits sur le mur d’enceinte de la ville et donnant sur le Parc aux Dames, avant que celui-ci ne soit loti au XIXe siècle.
Le logis est double en profondeur et l’élévation comprend un premier étage rectangulaire surplombé par un haut étage de comble à longs pans brisés, dit en croupe brisée. Des modifications et remaniements aux XVIIIe et XIXe siècles ont créé des ouvertures sur les différentes façades, dont les chaînes d’angle sont en pierres de taille traitées en bossages, au sein d’une construction en moellons de calcaire, grès et silex.
Sur la façade principale, à l’étage, des balustres de pierre servent de garde-corps. La structure interne de l’hôtel a elle aussi été modifiée aux siècles suivants et on ne sait rien de l’escalier, des cheminées et d’éventuelles boiseries intérieures, mais on peut supposer que beaucoup d’éléments des décors d’origine sont encore présents.
Les communs, boulevard d’Alger, consistent en un bâtiment flanqué de deux pavillons, qui ont été reliés par la suite par une galerie haute, couverte, en arcades. Cette façade sur rue, marquée par la grande porte cochère, présente un effort ornemental soigné (balustrade et encadrements des ouvertures).
La succession n’ayant pas été close, malgré les tentatives de conciliation menées par le notaire familial, la propriété n’est pas entretenue depuis quarante-cinq ans : le toit laisse passer l’eau, la pierre des encadrements s’effrite, les façades sont dégradées, de nombreux carreaux sont cassés et l’hôtel est donc devenu le domaine des pigeons. Cela laisse imaginer l’état de l’intérieur, inaccessible à la vue. On ne peut que déplorer qu’un bâtiment de si belle qualité et de si prestigieuse origine ne soit pas protégé, ni par le ministère, ni par la Ville. Donnant à la fois sur la place du Marché au Blé et sur le boulevard d’Alger, ce bel ensemble monumental historique est un élément essentiel de la qualité urbaine du centre ville de La Flèche, qui n’est que peu protégée au titre des Monuments historiques. En cela son devenir est donc l’affaire de tous, et en particulier des responsables politiques locaux, comme de l’administration locale de la Culture. (Sur les sept monuments historiques que compte cette commune de 15 000 habitants, un seul hôtel particulier est protégé, malgré un recensement important par l’Inventaire Général. Notons que la halle au blé toute proche, néo-classique, est classée, l’hôtel Salmon est donc dans son périmètre de co-visibilité.)
C’est pourquoi Sites & Monuments a envoyé cette semaine une demande de protection de ce monument à la Direction régionale des affaires culturelles. Une inscription ou un classement MH permettrait d’éviter que l’édifice ne menace définitivement ruine. Souhaitons que cet abandon par ses propriétaires et par les responsables publics ne soient pas la conséquence cynique d’une volonté de démolition ou de rénovation destructrice.
Marguerite Décard