L’incendie de l’Hôtel Lambert (construit entre 1639-1644) nous plonge dans la tristesse et souligne un paradoxe : peu de bâtiments sont si importants pour l’histoire de l’art et pourtant si peu accessibles, de moins en moins accessible pourrait-on ajouter... La perte pour le patrimoine - qui reste à évaluer précisément - n’en est pas moins immense.
L’hôtel Lambert de Thorigny, nom de son propriétaire, commis du surintendant Bullion, est l’un des jalons essentiels de l’histoire de l’architecture et des décors français. C’est à maints égards un prototype. Son architecte, le jeune Louis Le Vau, y inaugure un baroque français annonçant le style Louis XIV. Des solutions nouvelles, inspirées par l’Italie, sont mises en place : on y substitue notamment aux traditionnel plafonds « à la française » des plafonds enduits supports de décors peints. On y réalise aussi une galerie des glaces (occultées par la suite), celle d’Hercule (1650-1660), où le jeune peintre Charles Le Brun élabora ses premières œuvres plafonnantes.
Autant de solutions qui seront par la suite appliquées par le même architecte et le même décorateur aux châteaux de Vaux, pour le surintendant Fouquet, et enfin à Versailles, pour le roi. On le comprend, l’hôtel Lambert est un prototype, qui s’enrichira cependant aux XVIIIe et XIXe siècles de nouvelles créations harmonieusement imbriquées.
Des inquiétudes s’étaient fait jour après son rachat en 2007 par la famille de l’émir du Qatar et les travaux inappropriés que l’on se promettait d’y réaliser (ascenseurs divers, notamment à voitures, parking souterrain, passages pour des conduites notamment « d’air refroidi », salles de bain pléthoriques et mal situées) qui occasionnaient des cloisonnements, la suppression de plafonds et de décors, notamment du XIXe siècle, de fenêtre anciennes… Le ministère de la culture, comme la ville de Paris, ont alors fait peu pour s’opposer à des installations incompatibles avec un bâtiment de cette importance patrimoniale et qui pouvaient se réaliser ailleurs dans Paris. Le combat des associations (commission du vieux-Paris puis Paris-historique) fut, là encore, décisif, d’abord devant les tribunaux, puis par le biais d’un compromis avec les propriétaires.
Ce programme de travaux, fruit d’une négociation âprement menée, a-t-il toujours un sens malgré la perte, notamment, du Cabinet des bains d’Eustache Le Sueur ? Nous le souhaitons. Au-delà des responsabilités qui seront établies, aucun nouvel élément de « confort » ne devrait être introduit dans un bâtiment que notre époque - parée de bonnes intentions - aura plus traumatisé que trois siècles et demi d’histoire.
Julien Lacaze, Vice-président de la SPPEF
Pour voir le cabinet des bains détruit par l’incendie