Les paysages sont indissociables de la biodiversité qu’ils abritent. Il faut ainsi sauver la faune et la flore des abords de la montagne Sainte-Victoire, rare site de cette envergure et de cet intérêt préservé dans le Var. Les promoteurs, notamment éoliens et photovoltaïques, doivent comprendre que nos espaces naturels ne sont pas destinés aux installations industrielles. Pourtant, 22 éoliennes de 125 m de haut en bout de pale (3 fois la hauteur de la basilique Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille) ont été érigées à 10 km à l’est du Pic des Mouches, dans les communes d’Artigues et d’Ollières.
- Un site protégé
La zone défrichée est d’autant plus sensible qu’elle est située à quelques dizaines de mètres du site classé du massif du Concors (entourant le site classé de la montagne Sainte-Victoire).
Huit des machines appartiennent en outre, à la fois, à une Zone spéciale de conservation des espèces et habitats naturels (ZSC) et à une Zone de protection spéciale pour les oiseaux (ZPS), dans le cadre du réseau Natura 2000 (voir sur Géoportail).
Les 22 machines sont également situées au sein de la trame verte et bleue (TVB) du Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE) au titre des "réservoirs de biodiversité surfaciques". Les éoliennes appartiennent ainsi à deux zones identifiées comme appartenant au "réservoir de l’arrière pays méditerranéen", l’une caractérisée par un "milieu boisé" (FR93RS1300), l’autre par un milieu "ouvert" (FR93RS663), décrites comme étant "à préserver" (voir site carto-géo de la DREAL PACA).
Le parc est également située à 1500 mètres de la zone naturelle d’Intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF type2) du massif de la Gardiole, une appellation attribuée aux « grands ensembles naturels riches, ou peu modifiés, qui offrent des potentialités biologiques importantes ».
- La flore
Pour l’établissement de cette centrale éolienne, 25 540 m2 ont été défrichés, le pied des machines devant être par la suite entretenu par « broyage mécanique » ou usage de « lances thermiques », ce que déplore le chef des travaux forestiers de l’État dans son procès-verbal (p. 2). La terre a été retirée et la roche brisée afin de couler 1500 tonnes de béton armé par éolienne, soit environ 33 000 tonnes de béton pour l’ensemble du parc. Des travaux lourds ont aussi été réalisés pour créer ou élargir les accès des machines, rectifier la courbure des chemins...
Le chantier a ainsi détruit des chênes pubescents, des chênes kermès ou verts âgés de plus de 30 ans, des érables de Montpellier, comme la garigue basse, composée de cistes, de genévriers oxycèdres, de filaires à feuilles étroites, de pistachiers térébinthe, de buis, pruneliers, de nerpruns alaterne, d’amélanchiers germandrée, d’aphylantes de Montpellier, de cistes cotonneux, d’euphorbes, de lavande, thym, sarriette et romarins, ainsi que des pelouses à brachypode rameux, accueillant des orchis singe et une faune précieuse.
- La faune
Les dangers que constituent les éoliennes pour la faune sont connus et l’ensemble du milieu environnant sera affecté par la présence des aérogénérateurs. Risques de collision, pollution lumineuse (clignotements nocturnes), champs électromagnétiques, bruits, effets stroboscopiques, infrasons et vibrations sont autant de nuisances pour des espèces endémique ou rares du piémont de la montagne Sainte-Victoire.
Et il n’est pas certain que les "1 090 500€ de retombées locales en lien avec le traitement des incidences du projet sur les écosystèmes" (voir ici) versés par le promoteur à différentes associations de protection de la faune sauvage soit de nature à compenser ces atteintes. Ainsi, un budget de 370 000 euros est alloué sur sept ans à l’étude et à l’achat de matériel destiné à la sauvegarde des chauves-souris, tandis que 712 500 euros sont alloués jusqu’à la fin de l’autorisation d’exploiter, en 2038, soit pendant 19 ans, pour des actions de protection des oiseaux, c’est-à-dire plus de 37 000 euros par an.
Les rapaces (aigle de Bonelli, aigle royal ou circaète Jean-le-Blanc) seront en effet touchés par la modification de leur environnement, tout comme les oiseaux et insectes établis dans les pelouses à caractère steppique du piémont de Sainte-Victoire.
On pense à l’alouette lulu, au traquet oreillard, à la linotte mélodieuse, au bruant ortolan, au pipit rousseline - inscrits au "Livre Rouge" des oiseaux menacés en Provence (DREAL et CR PACA) - aux chauves-souris, au damier de la succise, à la lucarne cerf-volant, au grand capricorne ou aux fameux criquets hérissons, endémiques de la région...
Le défrichement et le fonctionnement de la centrale de 22 éoliennes a notamment lieu « au sein du domaine vital de l’aigle de Bonelli » (procès-verbal, p. 3), l’un des rapaces les plus rares et menacés de France.
Le « Plan national d’actions pour l’aigle de Bonelli 2014-2023 » mentionne ainsi, parmi les « causes de mortalité », « l’impact des collisions d’aigles de Bonelli avec des pales d’éoliennes". Celui-ci est peu documenté [...], mais cette menace reste bien présente. Les études plus abondantes sur des espèces similaires, et/ou dans d’autres pays, indiquent qu’une mortalité paraissant peu élevée peut avoir des conséquences importantes sur des espèces longévives peu abondantes comme l’Aigle de Bonelli. »
Le plan précise également que « Les projets de parcs éoliens et photovoltaïques, à caractère industriel, sont gourmands en espaces naturels. Ils réduisent d’autant les habitats disponibles pour l’Aigle de Bonelli et peuvent donc avoir un fort impact sur la fécondité de l’espèce, par la réduction des ressources alimentaires qu’ils engendrent. » (p. 11).
Cette richesse, invisible à l’échelle d’un grand paysage comme celui de Sainte-Victoire, méritait d’être détaillée. Le vide de cette partie du Var, qui attire la convoitise des promoteurs de tout poil, doit aujourd’hui être considéré comme un trésor à préserver.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Pour signer la pétition
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Sources :
– Plan national d’actions pour l’aigle de Bonelli 2014-2023 / Ministère de l’Écologie