Le 17 juillet 1453, la bataille de Castillon marque la fin de la guerre de la guerre de Cent Ans et la soumission de la Guyenne au royaume de France. Elle voit s’affronter les troupes de Charles VII et celles d’Henri VI d’Angleterre emmenées par John Talbot. Ce dernier lance ses troupes à l’assaut du camp retranché français s’exposant à la puissante artillerie des frères Bureau. Ses troupes subissent une déroute et lui-même meurt sur le champ de bataille, victime de son impétuosité. Il est enterré sur place et un monument à Talbot surmonté d’une statue de la Vierge conserve le souvenir de la chapelle qui abritait sa sépulture jusqu’à la Révolution.
Le site de cette bataille, moment majeur de l’histoire de France, se trouve non loin de la Dordogne, entre Bergerac et Libourne sur la commune de Lamothe-Montravel. Constituée essentiellement de terres agricoles et inondable, la zone est naturellement préservée.
Une deuxième bataille de Castillon ayant pour enjeu la protection du site commence en août 2006 lorsque le maire de Lamothe-Montravel donne l’autorisation de lotir au lieu-dit « La Grande Maison ». Dix-sept maisons sont prévues sur des parcelles placées aux abords immédiats du champ de bataille, dont la visibilité depuis la route est de ce fait compromise. Un adhérent de Sites & Monuments, résidant dans la commune, engage une action judiciaire. Ce premier permis est annulé par le tribunal administratif en juin 2007 pour n’avoir pas respecté les règles du POS (plan d’occupation des sols).
En août 2008, sur les mêmes parcelles, une nouvelle autorisation d’aménager similaire est délivrée pour vingt pavillons. Sites & Monuments se joint alors aux requêtes de son adhérent pour demander l’annulation du permis. Le jugement intervient en novembre 2011. La mairie est condamnée pour non-respect de la règlementation du PLU (le plan local d’urbanisme, successeur du POS) et doit verser 1. 200 euros aux requérants.
La mairie malgré ces deux premiers échecs, toujours au même lieu-dit « La Grande Maison », délivre en février 2014 une nouvelle autorisation pour une maison dans un lotissement prévu cette fois pour quatre habitations seulement. Le permis est attaqué en annulation par notre adhérent. La requête fait ressortir en particulier la très mauvaise intégration de la construction à son environnement, le pavillon semblant « planté au milieu de nulle part », comme l’écrit l’avocat. L’article R. 111-21 du code de l’urbanisme dispose en effet que :
« Le projet peut être refusé […] si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».
La procédure se conclut défavorablement pour notre adhérent car le tribunal juge de façon étonnante qu’il n’a pas intérêt à agir ; lors des actions précédentes, ses requêtes avaient pourtant été jugées recevables.
La succession de ces actions juridiques montre la nécessité d’une solution pérenne. Une association locale présente alors en 2014 une demande de protection du site au titre de son intérêt historique (lire ici). D’autres champs de bataille comme Verdun ou le Valmy en bénéficient déjà.
En attendant son examen par l’administration - la demande est à ce jour encore en cours d’instruction (lire ici) – un quatrième permis de construire est accordé par la mairie en 2015, dans le même lotissement pour une deuxième maison. Notre adhérent et la SPPEF engagent conjointement un nouveau recours en annulation. Les bénéficiaires du permis de construire retirent leur demande de permis avant le jugement, peut-être échaudés par les trois procès précédents perdus par la mairie. Le tribunal administratif de Bordeaux prend acte du retrait en octobre 2016. Souhaitons que la décision administrative au sujet du classement du champ de bataille, paysage remarquable adossé à la Dordogne, soit favorable et offre enfin à ce site une protection digne de son importance historique.
François Béchade