Mise à jour : La Société des Amis du Vieux Saint-Antonin (SAVSA) annonce en octobre 2023 que "Les travaux ont commencé durant l’été" https://savsa.net/place-des-moines-les-travaux-ont-commence
En ce printemps, où tout semble figé, une nouvelle étonnante nous apprend qu’à Saint-Antonin-Noble-Val, en Rouergue, la modernisation est en marche... Du passé faisons table rase. Comme s’il n’était pas temps de réfléchir, d’abord, au sens de nos actions !
La commune de Saint-Antonin-Noble-Val fait partie du Tarn-et-Garonne depuis seulement 1808, mais c’est un accident de l’histoire. Saint-Antonin-Noble-Val était auparavant rattachée à celui de l’Aveyron.
Ses maisons à colombages, ses ruelles vieilles de plus de huit siècles et de nombreux bâtiments classés ou inscrits au titre des monuments historiques (voir ici) font de cette ville l’une des plus anciennes d’Occitanie. Elle s’inscrit par ailleurs dans les gorges de l’Aveyron, protégées au titre des sites.
A l’automne 2019, la Société des Amis du Vieux Saint-Antonin (SAVSA) et des habitants se mobilisent contre le projet d’aménagement de la place des Moines retenu par la municipalité. Une réunion publique organisée par la SAVSA, une exposition historique, un projet alternatif ainsi qu’une lettre ouverte à la mairie le 14 décembre 2019, remise lors d’un conseil municipal, aboutissent à faire reporter l’aménagement de la place au prochain mandat, courant 2020.
Dans les années 1920, cette magnifique cité médiévale bâtie autour d’une abbaye bénédictine se trouve propulsée dans le monde du thermalisme. Des travaux sont entrepris pour canaliser les eaux de la source de Saleth de l’amont vers la ville. Cette eau minéralisée riche en calcium, magnésium et pauvre en sodium est propice à soigner le diabète et la goutte. En 1924, des bains sont inaugurés place des Moines. Un double escalier à balustres, reliant la place à la rive de l’Aveyron, est alors édifié. C’est en son centre qu’est placée une fontaine en pierre noire, aujourd’hui disparue, la "source du prince noir". Les curistes se pressant pour gouter son eau sont visible sur les affiches et cartes postales de l’époque (voir ci-dessous).
Pour peu de temps, en réalité, puisque six ans plus tard, lors de l’inondation de mars 1930, le système d’adduction d’eau est emporté par l’Aveyron et le projet de cure thermale abandonné.Un coup dur pour la ville qui devra attendre 1990 pour exploiter à nouveau sa fameuse eau de source de Saleth, qui sera mise en bouteille sous le nom de Saint-Antonin.
Depuis l’aménagement initial, les arbres ont poussé. L’escalier a encore sa balustrade qui sera emportée par la crue de 1930 ce qui permet de dater la carte postale du courant des années vingt.
Le patrimoine que le maire de Saint-Antonin entend aujourd’hui « moderniser », outre les vestiges souterrains d’un cimetière médiéval, est un patrimoine cohérent représentatif de l’architecture thermalienne de l’entre-deux Guerres et d’un art de vivre. Le centre thermal est situé au bord de l’eau et englobe une place arborée et sablonneuse, des balustrades, un escalier monumental aux formes harmonieuses se mirant dans la rivière Aveyron.
Un mur de soutènement s’étant effondré, il était nécessaire de restaurer les lieux en veillant au cadre de vie et à l’image de cette cité de caractère. Était-il cependant nécessaire, sous couvert de modernité :
– De couper les érables de la place qui participaient à l’harmonie des lieux et la protégeaient des excès caniculaires de notre époque ?
– De créer de nouvelles places de parking à l’heure où tout nous prouve que la circulation automobile doit être maîtrisée et canalisée ?
– Porter atteinte aux éléments architecturaux de la place ?
Dans le projet de réaménagement, il a simplement été perdu de vue qu’une place est une invitation à la promenade, à la rencontre, à la convivialité.
La balustrade, typique de l’esthétique thermale de l’époque, créée un effet de belvédère - au sens premier de voir beau - comme on le voit dans les affiches du chemin de fer d’alors.
Détruire cette balustrade, c’est mettre à mal toute la cohérence esthétique et les fonctions urbaines de cette place qui fait le lien entre la rivière et la ville.
L’Architecte des Bâtiments de France souhaite que soit conservée l’architecture de l’escalier et on le comprend : c’est une œuvre de belle facture témoignant d’une page d’histoire de la ville et un enrichissement indéniable de son patrimoine !
Sites & Monuments et la SAVSA, demandent donc au maire de bien vouloir reconsidérer son projet et, plutôt que de dénaturer la promenade des Moines, lui rendre ses caractéristiques premières.
Konrad Burchardt, délégué de Sites & Monuments pour le Tarn-et-Garonne