LA VÉRIFICATION - Anne Hidalgo a réitéré sa volonté de conserver le symbole des JO sur le monument parisien. Mais le projet de la maire de Paris fait face à plusieurs obstacles.
« En tant que maire de Paris, la décision me revient et j’ai l’accord du Comité international olympique. Donc oui, ils vont rester sur la tour Eiffel. » Samedi 31 août, Anne Hidalgo semblait bien assertive dans les colonnes du quotidien Ouest France, assurant que les anneaux olympiques resteraient sur la dame de fer une fois la période olympique achevée. Ce projet de la maire socialiste de Paris a cependant éveillé colère et désapprobation. Olivier Berthelot-Eiffel, l’arrière-arrière-petit-fils de l’ingénieur créateur de la tour, qui est aussi président de l’Association des descendants de Gustave Eiffel (ADGE) s’est fermement opposé à un tel ajout. Cette dernière ne possède plus de droit moral sur l’œuvre de Gustave Eiffel, mais elle est souvent consultée lors de décisions majeures.
De son côté, Rachida Dati a également tempéré l’enthousiasme de son opposante au sein du Conseil de Paris. « La tour Eiffel est un monument protégé, œuvre d’un immense ingénieur et créateur. Le respect de son geste architectural et de son œuvre nécessite, avant d’y apporter toute modification substantielle, une autorisation de travaux et une évaluation de l’impact, conformément au code du patrimoine », a assuré la ministre démissionnaire de la Culture sur le réseau social X. Elle ajoute : « Avant toute prise de décision et toute annonce en la matière, il est important que toutes les procédures et consultations visant à la protection du patrimoine soient respectées. » Anne Hidalgo peut-elle donc, seule, décider d’un tel apport sur la façade de la tour Eiffel ?
Inscrite aux monuments historiques
Depuis 1964, l’emblématique tour parisienne est inscrite aux monuments historiques. Même si elle n’offre pas le même niveau de protection qu’un classement, l’inscription aux monuments historiques impose un cadre législatif strict aux interventions postérieures sur l’édifice. « Une telle décision est soumise à une autorisation », détaille Julien Lacaze, président de Sites et Monuments, une association nationale de défense du patrimoine. « Il faut une déclaration préalable pour entamer des travaux ayant pour but de modifier l’aspect extérieur d’un monument historique », précise-t-il.
Le code du patrimoine (article L. 621-27) dispose que « l’immeuble inscrit au titre des monuments historiques ne peut faire l’objet d’aucune modification sans que le préfet de région en ait été avisé quatre mois auparavant ». Cet article précise que « la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques », ici la direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Île-de-France. Or la maire de Paris n’a pas encore évoqué de concertation avec le préfet de la région à ce sujet, à qui revient pourtant la décision. Formellement, les anneaux olympiques sont autorisés à rester accrochés sur la façade jusqu’au 24 septembre : la maire a donc un peu de temps devant elle pour déposer une demande en bonne et due forme.
Interdiction des publicités
Julien Lacaze rappelle en outre que les anneaux olympiques sont une publicité pour l’organisation du CIO. Or en application de l’article L581-4 du code de l’environnement, toute publicité est interdite sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Si la tour Eiffel a, en premier lieu, pu arborer les anneaux olympiques, ce fut en vertu de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018, relative à l’organisation des Jeux de Paris 2024. Le texte a créé une exception aux interdictions publicitaires prévues dans le code de l’environnement en vue de l’événement et ce, jusqu’à quinze jours après la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques.
« Montrer son bilan »
Philippe Khayat, secrétaire général de l’association de défense du patrimoine SOS Paris s’indigne tout autant que Julien Lacaze des propos d’Anne Hidalgo. « De notre point de vue, c’est pour faire de la communication politique, pour montrer son bilan sur le bâtiment le plus emblématique de Paris », se désole-t-il, ajoutant que la maire de Paris cherchait à « vampiriser un des plus grands monuments du monde ». « La tour Eiffel a 135 ans, son histoire est bien plus grande et plus riche que les JO. »
« Si elle veut vraiment faire des choses sur la tour Eiffel, elle peut faire quelque chose de plus vertueux », enjoint Julien Lacaze. Le président de Sites et Monuments rappelle que la dame de fer était, depuis sa construction et jusque dans les années1930, peinte en rouge et recouverte d’ornementations d’inspiration baroque au premier étage. Il incite donc Anne Hidalgo à restituer à la tour Eiffel sa vraie identité : « Pour cela, je vois mal la Drac refuser. »
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