Les promesses du parti de Marine Le Pen rejoignent les combats de collectifs et d’élus, vent debout contre la création de parcs sur leur territoire. Les industriels, eux, tirent la sonnette d’alarme.
S’il ne consacre pas une ligne à l’éolien dans son programme pour les législatives, le RN continue de se positionner en opposant acharné à cette énergie renouvelable. « Nous voulons faire cesser tous les projets naissants et les parcs déjà en place mourront de leur belle mort car le matériel, qui doit être renouvelé au bout de plusieurs années, ne sera pas remplacé », assure Jean-Philippe Tanguy, le président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale. Le parti a quand même fait marche arrière sur un point : il n’est plus question de démonter l’existant, un objectif qui semblait irréalisable. Sans même compter les éoliennes en mer, il aurait fallu faire table rase des 1900 sites déjà créés, et arracher les quelque 9000 mâts installés à travers le pays.
« Le monde rural s’est senti délaissé par ce gouvernement »
En s’opposant à l’implantation de nouveaux parcs éoliens, le RN rejoint quoi qu’il arrive le combat que mènent de nombreux collectifs et élus contre de tels projets sur leurs territoires. « Le parti de Marine Le Pen a bien compris qu’en se saisissant de ce sujet, il allait améliorer ses scores dans le monde rural. Et c’est ce qui s’est passé lors des européennes », analyse Julien Lacaze, président de Sites & Monuments. « Le monde rural s’est senti délaissé par ce gouvernement. Tous ces mâts qui ont été installés à marche forcée dans les campagnes, malgré l’opposition des habitants, ont cristallisé ce sentiment », ajoute Jean-Paul Bottier, conseiller municipal à Charnizay, commune du Sud Touraine où les projets d’énergie renouvelable ne se comptent plus. « Les gens d’ici ont voté à 50% pour le parti de Marine Le Pen. Le rejet de l’éolien n’explique pas tout, mais cela a forcément eu des répercussions dans les résultats aux européennes », estime ce dernier.
Combien de projets le RN pourrait enterrer ? « Difficile à dire, mais il y en a beaucoup qui ne pourront pas disparaître, sauf à rompre des contrats et à verser des sommes folles en guise d’indemnisations aux entreprises lésées », juge Alain Doré, coordinateur de défense de la mer (DLM), un collectif opposé à divers projets de parc éolien en mer. Pour éviter la casse financière, le RN compte s’en prendre aux projets à venir, ou qui ne sont pas arrivés au stade du contrat, comme l’explique Jean-Philippe Tanguy. Ce pourrait ainsi être le cas à Charnizay, où le projet d’installation de quelques mâts en est à l’étape de l’enquête publique.
En mer, des dizaines de projets pourraient aussi être concernés comme à Oléron, où l’appel d’offres n’a pas encore été lancé, ou encore à Dunkerque, où l’enquête publique vient de se terminer. « À l’horizon 2035, avec tous les projets dans les cartons, c’est toute la Manche qui sera couverte d’éoliennes », raille Dimitri Rogoff, le président du Comité régional des pêches de Normandie. « À chaque fois, ces futurs parcs entraînent des pétitions, des recours et de vives oppositions », assure Emmanuel Vrignaud, le président de Neny (Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu).
« Un développement massif du renouvelable »
Du côté des industriels, on s’affole déjà à l’idée que toute cette filière puisse connaître un coup d’arrêt. De nombreuses voix s’élèvent pour expliquer que l’arbitrage ne devrait pas se faire entre le développement de l’électricité nucléaire et celui des renouvelables, mais entre les énergies fossiles et l’électricité verte. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2022, la France a déboursé la somme record de 116 milliards d’euros pour acheter du pétrole et du gaz à des pays qui ne sont pas toujours ses plus proches alliés.
L’urgence est donc de sortir des fossiles, de réduire la dépendance nationale aux importations d’hydrocarbures et d’accélérer le développement des autres énergies : le nucléaire, mais aussi le solaire ou encore l’éolien. Le développement des énergies renouvelables « est une question de souveraineté énergétique », martèle ainsi Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables. « Les filières ont besoin d’un soutien continu des pouvoirs publics sur le long terme. C’est une nécessité pour la réindustrialisation et la décarbonation de notre mix énergétique », renchérit Valérie Faudon, directrice générale de la Société française d’énergie nucléaire.
Quant à Antoine Huard, cofondateur et directeur général de Verso Energy, il met en garde contre l’incertitude qui pèse désormais sur cette filière. « Ce n’est jamais bon pour les investissements. Notre pays ne pourra pas faire sans un développement massif du renouvelable, le nouveau nucléaire ne sera pas là avant 2035-2040. »
La France a en outre fait le pari de (re)développer une industrie souveraine capable de lui apporter les produits manufacturés dont elle a besoin pour développer les renouvelables. Au Havre (Seine-Maritime), l’usine de Siemens Gamesa produit des éoliennes en mer. À Montoir-de-Bretagne (Pays de la Loire), General Electric assemble les nacelles et génératrices d’éoliennes. Abandonner cette économie aurait pour conséquence de sacrifier aussi des milliers d’emplois.
Elsa Bembaron et Angélique Négroni pour lefigaro.fr
Voir l’article publié dans Le Figaro du 26 juin 2024 en version PDF