Le 10 octobre dernier, Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, annonce une « réorientation » du nouveau Grand Palais. Le projet conçu par l’agence LAN (460 millions d’euros) est abandonné. Il concernait presque uniquement des aménagements intérieurs, jugés par certains « pharaoniques ». Non seulement l’aspect patrimonial n’était pas pris en compte, mais d’étranges destructions avaient été envisagées, côté square Jean-Perrin.
L’enveloppe budgétaire, au moins en principe, reste inchangée, mais le projet actuel intègre deux objectifs nouveaux. D’abord la restauration des façades et, notamment, des nombreuses et magnifiques sculptures qui réunissent une quarantaine des plus prestigieuses signatures de la Belle Époque. C’est une demande de Sites & Monuments (voir article du 7 avril 2020) et il faut se réjouir qu’elle ait été écoutée. Les amoureux de ce bâtiment, voyant la plupart des sculptures sous filets, peuvent donc reprendre espoir. Le second objectif, plus opérationnel, est une simplification et une accélération des travaux pour pouvoir tenir l’échéance des Jeux olympiques dans un contexte rendu plus difficile par l’épidémie.
Un problème important et en partie inédit reste cependant en suspens. De nombreuses statues ont, en effet, été déposées et dispersées tout au long du xxe siècle. En outre, certaines ont été cassées ou perdues de vue. En effet, dès l’entre-deux-guerres, un changement de goût radical intervient, disqualifiant cet art que l’on nomme aujourd’hui néobaroque. Nos aînés, qui ne comprenaient plus cet édifice, ont voulu le simplifier, le rendre par endroits presque néoclassique, bref, le dénaturer. C’est tout particulièrement le cas du grand portique Est (face au Petit Palais) qui était le cœur de la dynamique insufflée au bâtiment. Il est actuellement dépouillé de ses sept statues monumentales. Il faut souligner au passage que ces œuvres fin de siècle sont d’une étonnante qualité artistique. Par exemple, La Peinture de Camille Lefèvre témoigne d’une humanité rare dans le traitement du corps féminin. Pourtant, certaines de ces statues moisissent actuellement dans des squares et parkings de province. L’attique du Palais de la Découverte présente également un manque important.
À ce stade, la restauration doit consister au minimum à traiter toutes les statues en place de façon à pouvoir retirer les filets. Cependant, il serait dommage de se contenter d’une addition d’interventions ponctuelles sans avoir une approche d’ensemble de l’édifice. Restaurer ce bâtiment implique manifestement d’aller autant que faire se peut dans le sens du rétablissement de sa continuité néobaroque. Il serait donc très souhaitable de travailler à rapporter les sculptures déplacées encore localisées et d’examiner, le cas échéant, les choix envisageables pour ce qui concerne les manques trop criants.
Pierre Lamalattie, correspondant de Sites & Monuments pour le 8e arr. de Paris