À 2594 m d’altitude, le refuge des Évettes a été construit en 1970, au cœur d’un site classé, sur la commune de Bonneval-sur-Arc. Son architecte, Guy Rey-Millet (1929-2017), de l’Atelier d’architecture en Montagne (AAM) de Chambéry, avait sollicité les conseils de Jean Prouvé (1901-1984). Le constructeur de génie lui avait recommandé l’emploi d’un procédé qu’il avait mis au point avec l’ingénieur Léon Pétroff (1925-2016).
Des caissons en barres triangulées assemblés forment une résille tridimensionnelle permettant de couvrir une surface dégagée de tout point porteur, fermée par des panneaux « Matra 2 » en plaques de fibrociment protégées par une résine et une peinture gel coat. « La simplicité constructive, liée à un système structurel performant et à des matériaux de faible poids, illustre les capacités des composants industriels à concevoir des réalisations d’altitude, pourtant soumises à de rudes aléas climatiques », explique Jean-François Lyon-Caen, architecte fondateur du master recherche architecture-paysage-montagne à l’école d’architecture de Grenoble.
Régulièrement entretenu par les équipes de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), le refuge de 225 m2 et 70 couchages est en bon état de fonctionnement. Cependant la FFCAM souhaite procéder à une démolition-reconstruction sans que le moindre diagnostic architectural et patrimonial ait été porté. Les associations Sites & Monuments et Docomomo France préconisent une inspection conjointe par des représentants des ministères concernés (Sports, Culture, Transition écologique) et la création d’un comité scientifique pour accompagner son classement au titre des Monuments historiques, dont la demande a été déposée en janvier 2022.
Jusqu’à présent aucune décision n’a été prise par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). Une pétition pour demander sa sauvegarde a été lancée par les associations à laquelle les ayants-droits Vincent Rey-Millet et Delphine Drouin-Prouvé ont apporté leur soutien. Restaurer le bâtiment pour le mettre aux normes de sécurité et l’adapter à la réglementation thermique, semble parfaitement réalisable, notamment en remplaçant les panneaux Matra 2 qui contiennent de l’amiante, par leurs équivalents actuels en fibres de bois ou de résine, comprenant un isolant thermique conforme aux exigences actuelles.
« Ce refuge est une parfaite illustration de la sobriété constructive tant par les matériaux et les composants employés que par la mise en œuvre exécutée par quatre ouvriers en quatre semaines sans engin de levage, il y a plus d’un demi-siècle. Cela mérite reconnaissance et non démolition ! En montagne, cette architecture nous protège, protégeons-là. » Sans parler du bilan carbone des rotations d’hélicoptères et de la noria de camions-toupies nécessaires à la construction d’un nouveau refuge… en béton armé !
Raphaëlle Saint-Pierre
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