Le Nouvel Observateur du 11 septembre 2024 : "Hidalgo, Dati, l’Etat… Qui décide vraiment du sort des anneaux olympiques sur la tour Eiffel ?"

Le Nouvel Obs, n° 94431 du 11 septembre 2024

 

Les anneaux olympiques, représentant les cinq continents, sont installés depuis juin 2024 sur la tour Eiffel. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Anne Hidalgo répète à l’envi vouloir garder les anneaux olympiques sur l’emblématique site parisien. Si elle assure avoir eu l’accord du CIO, la maire de la capitale ne peut pas, pour autant, tout décider à propos de la dame de fer, inscrite à l’inventaire des monuments historiques.

« Je veux que cet esprit de fête demeure ! » a lancé Anne Hidalgo le 31 août dans le quotidien régional « Ouest-France ». Pour prolonger l’atmosphère légère qui a envahi Paris cet été, la maire socialiste de la capitale bataille désormais pour garder le symbole des Jeux olympiques, les anneaux, sur l’emblème de la ville : la tour Eiffel. « En tant que maire de Paris, la décision me revient et j’ai l’accord du CIO [Comité international olympique, propriétaire du logo olympique]. Donc oui, ils vont rester », a assuré l’édile dans la même interview. Au moins jusqu’aux Jeux de Los Angeles en 2028, a-t-elle précisé quelques jours plus tard.

Mais les descendants de Gustave Eiffel ne l’entendent pas de cette oreille. « Il ne nous paraît pas opportun  » et «  il n’y a pas de raison » de les conserver, ont-ils déclaré, avant d’affirmer qu’ils «  peuvent être conduits à s’opposer à toute altération portant atteinte au respect de l’œuvre de leur ancêtre » et de préciser, dans une menace à peine voilée, qu’ils ont consulté un cabinet d’avocats.

Rachida Dati, opposante notoire d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris est, elle aussi, venue apporter son grain de sel. Dans une déclaration publiée sur le réseau social X (ex-Twitter), la ministre de la Culture démissionnaire a en effet vanté le respect des « procédures » et des « consultations » avant « toute modification substantielle » de ce « monument protégé ». Le début d’un bras de fer, donc… Mais, à la fin, qui décide vraiment ?

Une dérogation temporaire

Dans les faits, la Ville de Paris est bien propriétaire du monument. C’est l’argument principal avancé par Anne Hidalgo pour justifier sa compétence dans la pérennisation des anneaux. Contactée par « le Nouvel Obs », la mairie élude ainsi le débat et renvoie vers la conférence de presse d’Anne Hidalgo du 6 septembre où elle réitère ses envies.

La dame de fer, construite à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, est pourtant inscrite à l’inventaire des monuments historiques depuis 1964. Selon le Code du Patrimoine, il faudrait alors « l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques  » pour pérenniser les anneaux olympiques. Autrement dit, les services déconcentrés du ministère de la Culture, à travers la Direction régionale des Affaires culturelles (Drac), ont leur mot à dire. Et Anne Hidalgo a bien besoin de leur aval, assure au « Nouvel Obs » Julien Lacaze, président de l’association Sites & Monuments et spécialiste du droit des bâtiments historiques.
D’autant plus que la mairie de Paris n’a pas convaincu l’Association des Descendants de Gustave Eiffel. Elle compte bien faire « valoir sa position au nom du devoir moral  », d’après son communiqué. Comme la volonté de garder les anneaux olympiques n’est pas justifiée par des impératifs techniques et fonctionnels, « ils ont de bonnes chances de l’emporter  », explique Julien Lacaze.

Enième obstacle pour Anne Hidalgo : le Code de l’Environnement. Il interdit en effet toute publicité sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques. Et les anneaux, si olympiques soient-ils, peuvent être considérés comme tel. Une loi, prise spécialement pour les Jeux, a bien instauré une dérogation temporaire. Mais elle deviendra caduque quinze jours après la cérémonie de clôture des Paralympiques, soit d’ici la fin du mois de septembre. Or, vu le contexte politique actuel – la formation d’un nouveau gouvernement et une Assemblée pas encore convoquée –, ce sujet ne devrait pas être prioritaire.

Julien Lacaze rappelle que la mairie de Paris pourrait subir une condamnation, comme celle dont son association fut à l’origine durant l’Euro 2016 en raison de publicités sur le Champ-de-Mars et les Champs-Elysées. Le président de Sites & Monuments qualifie ainsi les récentes déclarations d’Anne Hidalgo de « stupéfiantes  », « aberrantes  » et « à rebours de l’histoire de la législation des monuments historiques ». Les débats devraient également se poursuivre pour les « agitos », les symboles des Jeux paralympiques installés sur l’Arc de Triomphe, que la mairie veut pérenniser au nom de l’égalité quelque part « sur les Champs-Elysées ». Reste à savoir où…

Par Benjamin Moisset

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