La ministre de la Culture Rachida Dati a enclenché vendredi 8 mars le processus de remplacement de six vitraux de Viollet-le-Duc, alors qu’une pétition rassemble près de 140 000 signataires contre le projet.
Par Rosalie Lucas et Camille Salcedo-Ruiz
Le 10 mars 2024 à 13h55
Le projet d’installation de six vitraux contemporains dans la cathédrale Notre-Dame de Paris est lancé. La ministre de la Culture, Rachida Dati, a annoncé vendredi 8 mars la mise en place d’un comité artistique chargé de piloter un appel à candidatures afin de désigner en novembre 2024 un « binôme lauréat », réunissant un artiste et un atelier verrier.
Le comité sera composé de 20 membres, parmi lesquels des conservateurs du patrimoine, des artistes, des membres du diocèse de Paris, de l’établissement public chargé du chantier de reconstruction et du ministère de la Culture.
Les opposants veulent « porter l’affaire devant la justice »
Souhaités par le président de la République Emmanuel Macron, qui en avait fait l’annonce le 8 décembre dernier lors de sa visite sur le chantier de Notre-Dame, ces vitraux seront « figuratifs » et installés dans six chapelles du bas-côté sud de la cathédrale. Les prototypes seront présentés lors de la réouverture de l’édifice, le 8 décembre 2024, et les vitraux seront installés courant 2026, confirme le cabinet de la ministre.
La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture devra toutefois se prononcer en mai afin de valider le projet, soutenu notamment par l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich. Mais déjà en décembre, l’annonce avait fait débat.
Une pétition lancée en fin d’année par La Tribune de l’Art rassemble aujourd’hui plus de 137 000 signataires. Alors, l’annonce du lancement du comité par la ministre de la Culture a du mal à passer.
« Je ne comprends même pas qu’on lance un tel projet alors que tout le monde s’y oppose. On a l’impression qu’ils font ça de leur côté, ils ne lancent même pas un concours, ils lancent un comité. J’appellerai les signataires de la pétition à aider les associations pour qu’elles puissent porter l’affaire devant la justice. Ce n’est pas fini, c’est clair » s’indigne Didier Rykner, directeur de publication de La Tribune de l’Art.
« La cathédrale a été suffisamment marquée par notre époque »
Les opposants au projet arguent notamment du fait que les vitraux d’origine n’ont pas été détériorés par l’incendie qui a touché la cathédrale en avril 2019, et sont classés monument historique au même titre que l’ensemble du monument.
Remplacer ces vitraux par de nouveaux reviendrait donc à dénaturer, selon eux, l’unité de Notre-Dame, comme en témoigne Julien Lacaze, président de Sites & Monuments, premier signataire de la pétition : « Il y a quelque chose de paradoxal à vouloir recréer la flèche à l’identique et à démonter des vitraux qui ont échappé à l’incendie. Ce sont des créations d’Eugène Viollet-le-Duc qui a donné son unité à la cathédrale, via les vitraux, le mobilier ou encore les structures du portail. »
« Donc on vient rompre avec cette unité, alors que ces nouveaux vitraux pourraient être installés dans des emplacements qui n’en sont pas dotés » s’indigne-t-il. Pour lui, « la cathédrale a été suffisamment marquée par notre époque, par l’incendie, la reconstruction de la charpente, de la flèche. Pas besoin d’en rajouter. »
De son côté, le cabinet de Rachida Dati justifie ainsi l’intérêt du projet : « Notre-Dame est un monument qui a évolué au fil des siècles. Ce projet vient donc faire rentrer le XXIe siècle dans la cathédrale, sur les vitraux, que d’ailleurs Viollet-le-Duc avait lui-même installés à l’époque de manière temporaire parce qu’il souhaitait des vitraux figuratifs sur une partie de la cathédrale. Donc on place cela dans la continuité de l’héritage de Viollet-Le Duc. »
Ce que contredit cependant Olivier Poisson, spécialiste d’Eugène Viollet-le-Duc : « Ces vitraux ne correspondent pas à ce qui se faisait à l’époque en termes de vitraux provisoires. Ils auraient été beaucoup plus simples. »
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