À Sceaux, la rénovation du pavillon de Hanovre avec une façade ultramoderne n’est pas du goût de tous. Classé Monument historique, le bâtiment dégradé sera restauré et repensé. La façade principale de l’édifice du XVIIIe siècle sera restaurée. L’autre côté sera agrémenté d’une nouvelle façade, très contemporaine. Un choix « raté et prétentieux » selon l’association Sites & Monuments.
Par Marjorie Lenhardt
Le 17 août 2024 à 08h17
Une touche de modernité va faire son entrée dans le domaine départemental du parc de Sceaux (Hauts-de-Seine). Le pavillon de Hanovre, bien connu des promeneurs et joggeurs, construit entre 1758 et 1760, a entamé sa mue depuis quelques semaines. Des palissades de chantier avec petites fenêtres pour les curieux ont été installées tout autour. Il présentera d’ici à l’été 2026 une double façade ancienne et contemporaine qui ne pourront être vues simultanément.
D’un côté, tournée vers le domaine, la face classée « Monument historique » est restaurée et conserve ses traits architecturaux d’origine. De l’autre, orientée vers une des entrées du parc et du nouvel écoquartier La Vallée, une face très moderne au revêtement métallique va venir encadrer une large baie vitrée. Ainsi, l’intérieur de la façade Louis XV sera mis en scène, comme un élément de décor dans un petit théâtre, grâce à l’ouverture créée en façade ouest. Un parti pris osé qui suscite déjà quelques critiques.
« On va avoir un bâtiment à deux visages »
« C’est raté et prétentieux, tacle Julien Lacaze, président de l’association de défense du patrimoine Sites & Monuments. On en fait beaucoup trop, on se plaint souvent qu’il n’y a pas assez d’argent pour le patrimoine, là, il y en a trop, on aurait préféré quelque chose de plus sobre. On va avoir un bâtiment à deux visages, dont l’un va occulter l’autre avec une esthétique urbaine au grand portique qui ressemble à un loft. C’est totalement déplacé et de nature à lui faire perdre sa qualité de monument historique », argumente-t-il.
Le pavillon de Hanovre réalisé par l’architecte Chevotet a déjà été maintes fois modifié, et ce dès la fin du XVIII e siècle. Au départ, il ornait le jardin de l’hôtel particulier du maréchal de Richelieu, situé à Paris, sur le boulevard des Italiens, avant que sa façade d’origine ne soit démontée puis remontée en lisière sud-ouest du parc de Sceaux dans les années 1930. La collectivité des Hauts-de-Seine, propriétaire du bâtiment qui servait jusqu’à présent de lieu de stockage pour les reliquats d’expositions organisées au musée du château, a souhaité la réhabilitation de ce bâtiment fissuré et dégradé afin d’y accueillir un restaurant. « Au vu de la faible qualité des fondations, il est nécessaire de procéder à une reprise en sous-œuvre pour assurer la pérennité de l’ouvrage », précise le département. La partie moderne ajoutée côté ouest d’une résille contemporaine est censée « évoquer les treillages de l’époque, avec les moyens techniques actuels comme la découpe laser ».
Face aux critiques qui enflent, surtout sur les réseaux sociaux, la collectivité rappelle qu’en 2019, ce projet lauréat à 10,2 millions d’euros a fait consensus lors du jury de concours. « Il est passé en commission départementale de la Nature, des Paysages et des Sites en mars 2021. Les permis de construire nécessaires ont ensuite été obtenus la même année, sans qu’aucun recours ne soit déposé. Les entreprises qui mèneront le travail très technique et complexe sur la façade sont qualifiées Monuments historiques », se défend le département des Hauts- de-Seine.
« Les gens qui rouspètent, après coup ils sont conquis »
Dans le parc de Sceaux, les promeneurs et joggeurs habitués ne se montrent pas aussi réticents à l’ajout moderne. « Il faut faire confiance aux architectes des Bâtiments de France, estime Catherine, une enquête de Nicolas Le Floch à la main. Je lisais ce livre qui évoque ce pavillon, je voulais le voir. C’est vrai qu’il est très beau, c’est bien qu’il soit réhabilité car il fait peine à voir. » Cette professionnelle du tourisme ne comprend pas la polémique. « Il y a toujours des gens qui rouspètent, c’est comme pour les JO. Après coup, ils sont conquis. Les colonnes de Buren au Palais-Royal avaient suscité la même levée de boucliers. Là, je suis sûre que les mêmes personnes qui critiquent seront les premières à apprécier le restaurant à l’intérieur. »
Même constat pour deux retraités au guidon de leurs vélos électriques arrêtés devant la palissade. « C’est vrai que le moderne va trancher mais ça ne nous choque pas », abondent Annie et Thierry. Puis ils rappellent : « Quand on voit ce qui a été fait avec la pyramide du Louvre, elle aussi a été décriée au départ et finalement elle est devenue un lieu très apprécié qui attire du monde. »
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