La protection des arbres et du patrimoine au cœur du recours en annulation déposé le 12 octobre 2022.
Le 12 octobre 2022 deux grandes associations de défense de l’environnement, Sépanso 64 et Sites & Monuments ont déposé un recours en annulation du PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur) de la ville de Pau, auprès du préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Ce recours vise à stopper les nouveaux projets d’aménagement du maire de Pau, après huit années de travaux qui ont amené à abattre plus de 1500 arbres, chiffre que conteste le maire, qui affirme n’en abattre que 30 par an.
Choqués par tant de transformations non concertées, tant d’abattage d’arbres adultes, et tant de mépris des habitants par les élus, les Palois se sont organisés en diverses associations et collectifs pour freiner cette « métamorphose » de la ville, unilatéralement décidée par le maire, M. François Bayrou. Trois grandes associations nationales viennent désormais soutenir les organisations locales qui peinent à se faire entendre d’un maire aux ambitions climaticides (GNSA, A.R.B.R.E.S., Sites & Monuments).
Diverses irrégularités dans ce PSMV, concernant le code de l’Environnement, le code de l’Urbanisme ou les règles de concertation du public sont mises en avant dans ce recours gracieux auprès du préfet des Pyrénées-Atlantiques.
On s’interroge sur la nécessité d’un tel PSMV dans cette cité historique, dont les parcs et édifices remarquables étaient déjà protégés depuis le début du XXe siècle : s’agit-il d’ententes avec des investisseurs (défiscalisation), ou bien d’échapper aux règles du PLUi pour abattre sans autorisation, ou encore de supprimer 30% des rues commerçantes pour faire baisser la vacance commerciale ?
L’association Sepanso64 ne désarme pas. C’est son quatrième recours contre les projets d’aménagements du maire de Pau, projets destructeurs de l’environnement urbain, de sa biodiversité et de la tranquillité des habitants, projets méprisant les règles démocratiques et légales de la concertation.
La réponse du préfet déterminera si les associations poursuivent le recours, mais cette fois, ce recours sera contentieux.
Nos deux associations historiquement reconnues, l’une depuis 50 ans – Sepanso – et l’autre depuis plus de 120 ans - Sites & Monuments, sont également soutenues par divers collectifs citoyens à Pau, dont APDA (Au Pied Des Arbres) ; PPM (Place de la Monnaie) ; GNSA 64 (Groupement national de surveillance des arbres) et d’autres associations nationales comme A.R.B.R.E.S. et le GNSA national.
Depuis 2017, la population assiste à de très nombreux abattages d’arbres sans concertation locale ni participation du public. Or cette participation, si elle est requise par le législateur, reste dans les faits peu appliquée (loi sur le débat public (Ordonnance du 3 août 2016), le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme). Dès lors, une seule issue demeure pour faire modifier les projets : les recours gracieux ou contentieux. C’est là l’histoire d’une mésentente qui dure depuis presque huit ans à Pau.
Le PSMV de la ville de Pau comporte non seulement des changements jugés inacceptables par les citoyens mais aussi des erreurs mensongères sur l’état de l’existant. C’est ce qui a motivé en partie ce recours en annulation : des dizaines d’arbres disparaissent des décomptes ; des alignements d’arbres entiers ont carrément disparus des plans ; des jardins remarquables sont déclassés ; le périmètre choisi reste inexplicable ; la concertation a été totalement tronquée et l’enquête publique détournée… voilà le décor de ce PSMV palois.
Place Royale, 18 Tilleuls sur la place (mais 14 seulement mentionnés sur le PSMV) seront abattus si le PSMV est applicable, abattus pour … dégager la vue du bureau du maire sur les Pyrénées au loin.
Ici les services de la ville annoncent dans la presse locale qu’Ils « n’ont pas attendu les canicules pour agir ». Pourtant la municipalité a abattu (ou donné des autorisations) d’abattre plus de 1500 arbres selon les comptages des associations, dont beaucoup d’arbres protégés au PLUi (comptages en cours de réalisation qui augmentent chaque jour) . Le maire de Pau affirme dans les médias n’abattre qu’une trentaine d’arbres ne moyenne par an...Est-ce qu’il manque un zéro à ses comptes ?
Pourquoi un PSMV a-t-il été initié à Pau ? Un peu d’histoire.
La ZPPAU de Pau (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) de Pau fut remplacée par une AVAP (Aire de Valorisation de l’architecture et du patrimoine) qui devint par la loi LCAP de 2016 un SPR (Site Patrimonial Remarquable). Dans le SPR, le règlement de l’AVAP s’applique. L’AVAP et son SPR avaient été approuvés en novembre 2018 et modifiés en janvier 2020. Ce règlement qui préexistait rendait facultatif la création d’un PSMV.
Nul ne sait ce qui décida le maire de Pau et son premier adjoint de l’époque, M. JP Brin, à lancer ce projet. Un peu d’histoire nous renseignera peut-être.
Dès son élection en 2014, la nouvelle équipe municipale annonça que Pau allait changer, redevenir une capitale régionale grâce à son passé prestigieux et un maire ambitieux, innover et même devenir leader mondial (grâce au bus à hydrogène [1]) ! Cette vision très glorieuse, dénommée « métamorphose », fut conçue par le nouveau maire aidé de divers architectes et bureaux d’urbanismes lointains n’ayant aucune connaissance de la cité paloise et de ses usages par les habitants (Cabinets parisiens, bordelais ou nîmois, agence de l’environnement montpelliéraine…)
Dès 2015, un PSMV fut mis à l’étude et le maire en fit rapidement approuver le périmètre par arrêté préfectoral en mai 2016, afin de lancer officiellement l’étude et les règlements. Ce périmètre PSMV (en rouge) représente 85 hectares sur les 3147 hectares de la commune, et fut validé par la DRAC Aquitaine, le ministère de la Culture étant partenaire de Pau dans ce PSMV.
En mars 2020, une dispense d’évaluation environnementale du PSMV tomba du ciel d’Aquitaine (Décision de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale, MRAe, du 20 mars 2020). Ainsi, le centre historique de Pau ne fut plus soumis à évaluation environnementale : arbres et biodiversité ne constituent plus, désormais, des entraves aux projets d’urbanisme.
Ce point sera cependant contredit plus tard par une autre décision de la même MRAe – une autre représentante est alors signataire, mutée depuis – qui exigera cette fois une évaluation environnementale pour la modification N°2 du PLUi Pau-Agglo sur le même territoire, du fait de nombreux risques environnementaux… Que comprendre de ces revirements ?
Quid du périmètre de 85 ha du PSMV : sont-ils toujours dispensés d’évaluation alors qu’elles touchent deux zones Natura 2000 dont le Gave de Pau (loi sur l’Eau) et le Parc du Château, classé Monument historiqueen 1840 et 2004 ?
L’ensemble du dispositif PSMV fut un véritable rouleau compresseur administratif impliquant l’État (Préfecture, ABF et DRAC), les services de l’Agglomération et ceux de la Ville, soutenus par divers cabinets de conseils extérieurs chargés de rédiger le PSMV de leur client et de le présenter aux Palois. Palois curieusement absents, qui ne déposèrent aucun avis, ne sachant pas, à ce moment-là, être sollicités en consultation publique.
L’enquête publique fut pliée en quelques semaines durant les vacances de fin d’année des Palois (du 13 décembre 2021 au 14 janvier 2022), permettant ainsi de faire approuver ce PSMV d’abord le 30 juin 2022, (six ans après le lancement) par le Conseil communautaire de Pau (les élus de l’agglomération recevant 1000 pages incompréhensibles trois jours avant le vote, à relire …) puis en août 2022 par le préfet du 64, cette dernière approbation faisant l’objet du recours en annulation de nos associations.
Autre anomalie : tous les sites importants à Pau étaient depuis très longtemps soit classés/inscrits Monument historiques, soit classés/inscrits au titre des sites et protégés comme tels (1924/1944 ...1964, etc). Ces protections sont particulièrement encadrées par la loi. Mais le PSMV les respectent-il ? Ces inscriptions vont-elles disparaître automatiquement du fait de leur classement en zone SPR/AVAP ?
Alors pourquoi ce PSMV ? Est-ce que les incitations fiscales (Loi Malraux) auraient motivé la création de ce PSMV sous la pression d’investisseurs ?
Est-ce l’intention louable d’ouvrir la possibilité de sauvegarder l’intérieur des immeubles (ce que ne permet pas le PLUI ni l’AVAP) ?
Est-ce l’attrait d’échapper aux règles environnementales et à celles du PLUi sur un périmètre du centre-ville où le maire voulait abattre de nombreux arbres pour dégager la vue sur certaines places (projet des « cônes de vue ») ?
Pourquoi n’y a-t -il eu aucune contribution déposée par les habitants lors des concertations, mais une avalanche d’exaspérations lors de l’enquête publique ?
De leur propre aveu, les services de la ville écrivent dans le rapport de présentation du PSMV qu’aucune contribution ne fut déposée !
En revanche, informés in extrémis par le bouche à oreille, les Palois ont finalement déposé des dizaines de réclamations ou de plaintes au cours des quatre semaines d’enquête publique. Il est encore plus stupéfiant que des spécialistes de l’immobilier palois et un gros investisseur connu se manifestent publiquement et par écrit dans cette enquête (voir la contribution de Nephtys, annexes du rapport du commissaire enquêteur).
La discrétion des équipes fut parfaitement exemplaire durant les six années de l’élaboration du PSMV, si bien que les Palois ont eu la mauvaise surprise de découvrir le contenu de ce PSMV à l’occasion de l’étape finale, une fois tout le dossier bouclé, en pleine période de fêtes de fin d’année et de restrictions sanitaires.
Le réveil fut tardif mais vigoureux. Une pétition lancée par le collectif Au Pied Des Arbres atteint actuellement 35000 signatures en quelques semaines.
Droits de recours et d’ester en justice : un droit exercé à Pau avec détermination
Sépanso 64, association indépendante de tout financement public est animée par des bénévoles et œuvre depuis 50 ans pour la protection des arbres et forets, des gaves et rivières, du littoral aquitain ou de la montagne. Elle agit si nécessaire en justice et obtient souvent satisfaction pour faire respecter les lois et réglementations qui sont régulièrement contournées ou ignorées par les collectivités comme par certains services de l’État en matière d’environnement et d’urbanisme.
Le 12 octobre 2022, les associations Sepanso 64 et Sites & Monuments, agréées toutes deux au titre de la protection de l’environnement et du patrimoine, ont déposé un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté préfectoral du 4 août 2022 portant approbation du PSMV de la commune. Ce PSMV porte particulièrement mal son nom à Pau. Il recouvre un périmètre inexplicablement restreint à l’hyper centre-ville (sans les quartiers Halles, le Musée, le parc Beaumont…). Sur ce périmètre contestable, le PSMV édicte ses propres règles, se substitue au PLUi de l’agglomération de Pau et fait fi des règles, applicables à tous dans le PLUi, d’évaluation environnementale et aussi de toute concertation du public, s’il est approuvé.
Il s’agit d’un quatrième recours de Sepanso 64 avec Maitre Dorothée Mandile, avocate au barreau de Bayonne, vis-à-vis des projets d’urbanisme de la ville de Pau, suite à trois autres portant sur la Place de la Monnaie qui est située dans le PSMV (un recours gracieux du 8 février 2022 gagné, une requête en référé du 17 juin 2022 déboutée et le recours sur le fond restant à juger). La « métamorphose » de la ville, décidée unilatéralement par le maire de Pau, devient source de profonde discorde.
Les associations demandent au préfet de retirer l’approbation de ce plan d’urbanisme PSMV de la ville de Pau qu’ils considèrent entaché de nombreuses irrégularités ou illégalités et porteur de destructions irréversibles pour le centre-ville (abattage d’arbres par dizaines, disparition de jardins, condamnation d’immeubles anciens, retrait d’autorisation de commerces pour une dizaine de rues en hyper-centre, concertation dévoyée et tronquée et enquête publique expéditive et non exploitée …)
Ainsi par exemple, ce PSMV méconnaît les dispositions de l’article 350-3 du Code de l’Environnement et ses évolutions récentes de février 2022 qui interdit non seulement d’abattre un arbre mais aussi de modifier radicalement son aspect (comme les tilleuls de la Place royale, de la basse plante ou du Boulevard d’Alsace taillés excessivement « au carré »). Or le PSMV de Pau a déclassé certains de ces arbres ou même les a fait disparaître des plans comme s’ils n’existaient pas (pour plus d’une centaine) !
Ce PSMV méconnaît aussi l’article L101-2 du Code de l’urbanisme en écartant de son périmètre des sites emblématiques et protégés par inscription (parc Beaumont, Golf de Billère, parc Lawrence, allées de Morlaas, Haras de Gelos …) Probablement nécessitaient-ils un blanc-seing pour que le maire de Pau y agisse à sa guise et au gré des fantaisies des architectes - non locaux - qu’il affectionne ?
De plus le préfet du 64 devra également considérer que cette Ville de Pau a capté des dizaines de millions d’euros du programme Action Cœur de Ville en vue de redynamiser son centre-ville sinistré (vacance commerciale record de 21% à peine redescendue à 16% après 8 ans de travaux et des centaines de millions d’euros d’investissements, centre repeuplé d’enseignes multinationales en remplacement d’enseignes locales originales ou artisanales).
Or il est toujours question de métamorphose malgré sept années de protestations. Cette métamorphose se fait au détriment de milliers de Palois attachés à leur environnement et d’environ 200 commerçants et artisans (supprimés des plans de linéaire commercial et artisanal du PSMV sans en être informés) et au détriment aussi des visiteurs comme des résidents, privés de leurs places et bancs ombragés.
Six places nouvelles sont promises à l’abattage par ce PSMV (Gramont, Verdun, Place Royale, Tissié et la Palmeraie, Saint Martin) et n’oublions pas les autres places, squares et quartiers déjà détruits et bétonnés depuis six ans : Place M.Laborde, Foirail, Place de la Monnaie, Square du XIV Juillet, Ecole d’Art/Musée, Clos Mazoyer, quartier Saragosse et tracé du Bus FEBUS.
Place de la Monnaie. Actuellement l’alignement de marronniers d’inde survivants dépérit suite à son exposition subite, plein Sud, aux canicules de juillet, août et septembre et à la privation de leurs voisins abattus, dont on sait que diverses communications aériennes et sous-terraines entre eux participent à leur équilibre et leur santé).
Arbres et haies ont de tout temps occupé la Place Gramont.
Et ici les alignements d’arbres de la Caserne Bernadotte, Place de Verdun, ont totalement disparus du plan du PSMV.
Les deux associations espèrent l’annulation prochaine de ce PSMV et l’instauration d’un dialogue. Elles sont déterminées à poursuivre cette action si le recours gracieux échouait.
Alain Arraou, président de l’association Sépanso64.
Marianne Ducamp, référente Groupe Arbres Forêts.