Déjà cernés par une ceinture d’éoliennes (97 en activité ou en projet dans la communauté de communes du Serein en octobre 2023), le Site Patrimonial Remarquable (SPR) de Noyers-sur-Serein et sa Zone Naturelle d’Interêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de la Côte d’Églard, se voient présentement exposés à un risque accru de défiguration par la multiplication de projets d’implantation photovoltaïque, une cinquantaine à date dans un rayon de 40 km autour de Noyers pour une surface cumulée de plus de 1.500 ha.
Le plus important et le plus menaçant d’entre eux, baptisé « Champs Solaires Nucériens », promu par GLHD, actuellement à l’instruction à la DDT de l’Yonne couvrirait une surface totale de 181 ha répartie en douze îlots, dont les plus proches viendraient lécher le périmètre du Site Patrimonial Remarquable de Noyers sur Serein.
Compte tenu de la configuration accidentée du terrain, Noyers étant situé au creux de la vallée du Serein, cette implantation industrielle couronnerait d’un manteau de silice le haut des coteaux environnants. Il serait parfaitement visible du bourg lui-même (quartier dit du Faubourg). Il serait également visible à l’ouest, des départementales 49 et 956, principales voies d’accès à Noyers pour les visiteurs en provenance de Paris ou Lyon, ou pour ceux qui, arrivant de Chablis ou Vézelay, des vallées de la Cure et de l’Yonne, voudraient prolonger leur séjour en Bourgogne par l’étape également très prisée de Noyers, répertorié parmi « Les plus beaux villages de France ».
À l’est, en provenance d’autres sites prestigieux comme le château d’Ancy-le-Franc ou l’abbaye de Fontenay, la descente vers Noyers s’amorcerait, toujours sur la D956, par une traversée de l’usine photovoltaïque. De même, les piétons, promeneurs ou randonneurs, ne pourraient plus évoluer sur les chemins bordant le village sans longer de hauts grillages (22 kilomètres), sous la surveillance de caméras, ni croiser à tout bout de champ un poste de transformation (38) ou une citerne d’eau flexible (12). Enfin, l’axe principal du projet, entre les ilôts 6 et 7 du projet ne serait autre que l’ancienne voie romaine, dûment répertoriée par les archéologues comme la « voie gauloise recalibrée » qui assurait la liaison la plus directe entre Auxerre (Autessidurum) et Alise (Alesia) et reste jusqu’à nouvel ordre un chemin de promenade très prisé des visiteurs.
Présenté comme agrivoltaïque, ce projet prévoit sur la surface agricole concernée, un taux de couverture en panneaux photovoltaïques de 38%, près de deux fois supérieur à la limite de 20% considérée par les scientifiques de l’INRAE comme maximale pour garantir le maintien à terme d’une production agricole signicative et rentable [1]. Il s’agit donc et avant tout d’un projet industriel de grande ampleur de plus dans une zone jusque là relativement préservée mais dont la configuration change à toute allure.
L’association de protection de l’environnement et du patrimoine Vivre à Noyers – Val du Serein fondée en 2018, lutte activement depuis sa création contre les dommages causés aux sites de son ressort par l’industrialisation anarchique des campagnes en cours avec le développement accéléré des énergies renouvelables intermittentes et non-pilotables.
Elle s’emploie en particulier à constituer un dossier juridique solide pour combattre jusqu’à son annulation le projet de « Champs Solaires Nucériens », dès la phase d’enquête publique à venir, et par la suite devant les juridictions habilitées s’il devait obtenir les permis de construire nécessaires.
De même Vivre à Noyers – Val du Serein se prépare, avec les associations locales, régionales ou nationales dont elle s’est rapprochée, à combattre tous les projets d’implantation d’Énergies Renouvelables Intermittentes (éoliens ou solaires) dès lors que par leur taille ou leur implantation, ils contribueraient à la défiguration des paysages et des sites.
Une vallée à haute sensibilité écologique et patrimoniale
La vallée du Serein est caractérisée par des paysages intimes que l’on découvre au gré des lacets de la rivière souvent longée par les routes et chemins au long desquels s’égrènent ses villages pour la plupart très anciens, blottis entre la rivière et les côteaux verdoyants menant aux plateaux voisins.
Cette vallée a été déclarée zone de haute sensibilité pour ses espaces répertoriés dans l’inventaire ZNIEFF. Décrit par le Schéma Départemental des Espaces Naturels Sensibles de l’Yonne comme « un grand ensemble naturel ou peu modifié qui possède un rôle fonctionnel ainsi qu’une cohérence écologique et paysagère », elle présente des potentialités biologiques importantes.
Le Schéma départemental des carrières de 2012 dont le constat paysager vaut pour toute implantation à caractère industriel, décrit ainsi cet espace sensible comme une « zone à éviter » en raison de son « paysage très singulier, à très forte typicité, une succession de micro-unités paysagères à l’échelle du méandre ». La vallée fait aussi l’objet d’un « contrat de milieu » dans le Schéma Départemental des Espaces Naturels (SDEN). Il s’agit de protéger « la continuité écologique » du Serein, comme de la Cure à l’ouest, et l’Armançon à l’est, entre le Morvan et la Champagne humide. Car cette zone jusque là préservée contraste avec d’autres secteurs de l’Yonne traversés par l’autoroute A6 et le TGV dans un paysage altéré par la suppression des bosquets et des haies pour l’aménagement des grandes parcelles nécessaires à l’agro-industrie.
Depuis le piémont du Morvan, la moyenne vallée du Serein prolonge en aval la haute vallée déjà déclarée « vallée-patrimoine ». De nombreux sites et monuments de ce territoire sont classés au patrimoine, les activités agricoles (œnologiques), artisanales, et culturelles y attirent un tourisme soucieux du respect de l’environnement. La cité de Noyers, lovée dans un méandre du Serein et la côte d’Eglard qui l’enserre et la protège à l’est, en sont des joyaux patrimoniaux et naturels.
Le Site Patrimonial Remarquable de Noyers sur Serein
Site de très ancienne occupation humaine, d’une grande richesse archéologique —du paléolithique à l’époque mérovingienne—, la cité de Noyers-sur-Serein doit l’architecture médiévale qui lui donne aujourd’hui encore son caractère exceptionnel à la dynastie des Miles de Noyers, laquelle fournit entre les douzième et quatorzième siècles à la Bourgogne et à la France quelques évêques, archevêques, grands bouteillers, et maréchaux.
Hugues de Noyers, évêque d’Auxerre de 1183 à sa mort en 1206, s’illustre comme le grand batisseur de la lignée. Il fait assécher le marais qui séparait le bourg d’alors du château familial érigé de longue date sur son piton rocheux, aménager les ponts, les remparts, les tours et les douves qui vont permettre au village de venir se nicher dans le méandre ainsi protégé du Serein, à l’ombre directe du château dont il fait tripler l’enceinte.
Noyers devient une citadelle imposante jusqu’à ce qu’Henri IV, presque quatre siècles plus tard, décide la destruction de cet imprenable et donc incontrôlable place forte.
Une association locale dynamique travaille depuis quelques décennies à remettre au jour et à restaurer ses vestiges.
Avec ou sans son « fier castel », Noyers reste lontemps une cité prospère, en particulier viticole, dont témoignent aujourd’hui encore sa rue des Vignerons et sa place de la Petite-Etape-aux-Vins, mais aussi artisanale et commerciale. Du travail séculaire de ses paysans, artisans, artistes reste le legs de nombreux édifices, églises, couvents, arcades, maisons à pans de bois aujourd’hui classés au titre des Monuments historiques. Outre l’ensemble de la cité intra-muros et de la Promenade du Pré de l’Echelle au bord du Serein, 70 d’entre eux sont protégés, classés ou inscrits dont les portes de la ville, l’église Notre Dame, l’Hôtel de ville, la maison dite des Corporations ou maison Brandin, , la maison de la Toison d’Or, ainsi qu’à proximité immédiate le prieuré de Cours sur la commune de Grimault et le château de Moutot à Annay.
Autant d’attraits font bien de Noyers-sur-Serein un site patrimonial remarquable, classé depuis la création du label parmi les plus beaux villages de France. Ils drainent vers Noyers une population urbaine en quête de nature et de tradition qui souvent s’installe et fait souche, contribuant à la rénovation et à la vitalité du village, ainsi qu’une fréquentation touristique régulière aussi importante qu’exigeante. Ces flux cumulés nourrissent une activité commerciale et de services extrêmement dynamique pour un village de moins de 600 habitants recensés, dont le succès pérenne tient essentiellement à la sauvegarde de l’attractivité de la cité et de son environnement naturel.
La Zone naturelle de la Côte d’Eglard, refuge de biodiversité
Noyers sur Serein doit en effet beaucoup de son charme à la colline verdoyante qui l’enserre au nord et à l’est par delà la rivière et où d’ailleurs les visiteurs et promeneurs trouvent la plupart des points de vue les plus pittoresques sur la cité et sa rivière.
La Côte d’Eglard constitue une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique, inscrite à ce titre à l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) après avis du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel. Elle est elle-même adossée à la Zone dite Natura 2000 de Chatel-Gérard.
Cette zone ainsi que « les cultures et jachères limitrophes » abritent des espèces végétales et animales déterminantes pour l’Inventaire du Patrimoine Naturel, en particulier parce que nombre d’entre elles sont aujourd’hui rares, menacées et règlementairement protégées.
Ainsi par exemple pour la flore, de la Gentiane Croisette (Gentiana cruciata), rarissime en Bourgogne, de sa cousine la Gentianelle ciliée (Gentianopsis ciliata), ou encore de l’orobanche du thym (Orobanche alba).
Ainsi encore, pour la faune, des papillons, du Thécla de l’Orme (Satyrium Walbum), ou du Zygène du Sainfoin (Zygaena carniolica), espèces rares et en régression.
Ainsi enfin, pour l’avifaune, de l’Alouette lulu (Lullula arborea), de la Piegrièche écorcheur (Lanius collurio), de l’Engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus), et du Faucon hobereau (Falco subetbuteo), oiseaux dits « d’intérêt européen » dont la note de l’INPN nous indique que la mosaïque de milieux naturels (pelouses, fruticées, boisements sur calcaires) de la Côte d’Eglard et de ses environs immédiats constitue pour eux une zone de nidification.
Il est impossible d’imaginer qu’un manteau de silice de près de 70ha, soit les 38% de couverture en panneaux photovoltaïques prévus pour cette usine solaire, ses transformateurs et postes de distribution, sa cablerie, ses 22 km de grillage n’auraient aucune incidence sur l’évolution de cette biodiversité, sans même parler des perturbations occasionnées par le chantier colossal à prévoir pour son installation.
D’une manière générale, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) vient d’ailleurs de rendre un avis extrêmement sévère pour le photovoltaïque. Le CNPN explique dans ce document en date du 19 juin 2024 [2] qu’en détruisant les écosystèmes préexistants, les centrales photovoltaïques ont pour effets :
- « une perte d’habitat de nidification et d’alimentation pour les oiseaux,
- la disparition d’arbres utilisés par les chauves-souris pour se reproduire, hiberner ou chasser,
- un appauvrissement de la flore ‒ tant en quantité qu’en diversité ‒ et des insectes pollinisateurs qui y sont associés,
- la mortalité de la petite faune qui s’y trouve lors des travaux, en particulier les reptiles et les amphibiens en phase terrestre,
- la constitution de « pièges pour les insectes polarotactiques (ce sont les espèces qui sont guidées par la polarisation horizontale de la lumière qui se réfléchit sur l’eau, et qui viennent y pondre ou s’y poser),
- des collisions avec les oiseaux et les chiroptères,
- des ruptures de continuités écologiques pour les mammifères, du fait des clôtures de protection »…
Le CNPN formule sur cette base 21 recommandations dont la première est de « mettre un terme à l’implantation de centrales photovoltaïques au sol dans les aires protégées et les espaces semi-naturels, naturels et forestiers »
On ne saurait mieux dire que la zone naturelle de la Côte d’Eglard qui contribue significativement au patrimoine naturel de Noyers-sur-Serein et de ses environs, doit, comme la cité elle-même être impérativement préservée de toute artificialisation ou industrialisation proches susceptibles de le dégrader.
Le Conseil d’administration de Vivre à Noyers-Val du Sereinen date du 16 novembre 2024