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Les « Echos » prennent leurs quartiers d’été aux pied des tours Aillaud à Nanterre. Témoins de l’architecture des grands ensembles des années 1970, les tours Aillaud doivent être préservées, pour les défenseurs de l’architecture urbaine. Ils craignent de voir ce patrimoine disparaître avec le projet de rénovation des tours mené par la mairie et les bailleurs.
Vieillissantes et laides pour les uns, patrimoine architectural remarquable pour d’autres. À Nanterre, les 18 « Tours-Nuages » de la cité Pablo Picasso ne laissent personne indifférent. Imaginées par l’architecte Emile Aillaud dans les années 1970, elles sont devenues un emblème de la ville. Alors qu’elles s’apprêtent à subir des travaux de rénovation, les défenseurs du patrimoine craignent de voir disparaître ce témoin de l’architecture urbaine du 20e siècle.
Construites entre 1973 et 1981, elles doivent leur surnom, « Tours-Nuages », à leur forme : chacune est constituée d’un assemblage de cylindres, lui donnant l’apparence d’un nuage ou d’un trèfle. Hautes de 7 à 38 étages, elles sont recouvertes de mosaïques colorées, représentant l’horizon, imaginées par le peintre spécialiste du trompe l’œil, Fabio Rieti. À leur pied serpente une longue dalle piétonne parsemée de sculptures et plantée de centaines d’arbres. « À l’origine, il y en avait un par appartement », retrace Bernard Toulier, conservateur général honoraire du patrimoine et membre de l’association de défense du patrimoine Sites et Monuments.
Un patrimoine remarquable en décrépitude
Dernier grand ensemble réalisé par Emile Aillaud, la cité Pablo Picasso reflète le combat de sa vie : lutter contre l’uniformisation de l’habitat collectif, casser la monotonie des barres d’immeubles tout en lignes et angles droits. « Pour moi, c’est son œuvre la plus aboutie », affirme Bernard Toulier. Elles ont d’ailleurs reçu en 2008 le label « Patrimoine du XXe siècle » (devenu en 2016 « Architecture contemporaine remarquable »), créé par le ministère de la Culture.
Mais 50 ans après leur construction, les tours ont vieilli. Les mosaïques se décollent, les fenêtres, en forme de gouttes, sont très coûteuses à remplacer. Surtout, l’isolation est catastrophique. Alors en 2017, la société Hauts-de-Seine Habitat et l’Office municipal HLM de Nanterre, propriétaires des « Tours-Nuages », ont lancé un concours pour « la réhabilitation thermique et la réinterprétation artistique des façades des tours ». Le groupement de l’agence RVA (avec le graphiste Pierre di Sciullo et Franck Boutté Consultants) a été désigné lauréat.
Une peau d’inox.
Leur projet prévoit la rénovation thermique par l’extérieur de 11 tours, en les recouvrant d’une enveloppe d’inox. Ce qui scandalise Bernard Toulier : « le vieillissement des tours est incontestable. Mais on aurait pu faire une isolation de l’intérieur et ainsi conserver les mosaïques de Fabio Rieti », affirme cet amoureux des Tours-Nuages. « Impossible sans évacuer les habitants », rétorque Elsa Touaty, en charge du projet à la mairie de Nanterre.
Les autres immeubles, qui vont changer d’usage, seront bien rénovés de l’intérieur, puisque les habitants auront déjà été relogés. Enfin, une tour va être détruite et une dernière, la plus grande, sera rénovée à l’identique en vue de la classer monument historique.
Mais Bernard Toulier ne parvient pas à y voir une victoire. « La cité Picasso a été conçue comme un tout. Si on modifie l’apparence de certains éléments, qu’on en détruit un autre, l’harmonie de l’ensemble sera rompue ».
Adelaide Tenaglia, Les Échos
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