Le 7 mai 2021, la préfète de la Vienne a pris un arrêté portant autorisation d’installer et d’exploiter le projet de parc éolien du Mirebalais sur la commune de Thurageau dans la Vienne.
Le parc éolien projeté porté par Nordex comporte sept éoliennes et quatre postes de livraison sur la commune de Thurageau. Chaque éolienne, d’une puissance de 4,5 MW, aura une hauteur de 180 mètres en bout de pâle (hauteur de mât = 105 mètres, diamètre du rotor = 149 mètres). L’implantation est prévue en Zone de Développement éolien (ZDE) du Schéma régional de l’éolien (SRE) du Poitou-Charentes de 2012, annulé en Cour administrative de Bordeaux en 2017, mais annexé au Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) du Poitou-Charentes.
Ce projet s’inscrit dans un paysage doucement vallonné ponctué de champs, prairies, bois et de nombreux hameaux et villages. On y découvre de larges points de vue, jusqu’à plus d’une dizaine de kilomètres. Un sous-affluent de la Loire, l’Envigne, prend sa source près du hameau de Seuilly, entre les communes de Mirebeau et de Chouppes. La rivière coule d’ouest en est sur 32 km et se jette à Châtellerault dans la Vienne après avoir traversé treize communes.
L’Envigne marque une frontière naturelle entre les anciennes provinces d’Anjou et de Touraine. Au début de son cours, la vallée est plantée de vignes bénéficiant de l’AOC Haut-Poitou, un vignoble qui connaît un regain depuis quinze ans, au détriment de cultures céréalières.
Cette vallée a été très anciennement habitée, comme en témoignent le Polissoir néolithique de Beauregard, classé en 1932, et l’importante agglomération gallo-romaine dégagée à Saint-Martin-la-Pallu dite des « Tours Mirandes » qui se trouve à dix kilomètres au sud de la rivière.
Cette situation géographique à la lisière de deux provinces, autant que la richesse liée à la culture de la vigne, ont fait de cette vallée un territoire disputé, riche de nombreux monuments.
La vallée de l’Envigne compte en effet plus de vingt-cinq monuments historiques classés ou inscrits, sans mentionner ceux de Châtellerault et l’important patrimoine rural non protégé qui rythme le paysage : pigeonniers, fermes, lavoirs.
L’ensemble du secteur de Mirebeau est classé SPR (Site Patrimonial Remarquable).
Le projet est situé à proximité immédiate de la ville, du château de Rochefort et du hameau de la Fouleresse.
Ce secteur compte de très nombreux châteaux et églises monuments historiques, dont le château de Coussay, résidence familiale du cardinal de Richelieu, classé Monument historique. Ce château, accessible au public n’est qu’à 2,5 km de l’éolienne la plus proche.
– Par courrier en date du 27 juillet 2018, la DRAC a confirmé qu’une portion de l’aire d’étude immédiate [1] se situe dans un périmètre situé en site patrimonial remarquable et dans la proximité immédiate de plusieurs monuments historiques, et exclut la possibilité de réaliser tout projet éolien dans ce secteur.
– 7 octobre 2019, la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) a de son côté, écrit : « L’analyse de l’état initial de l’environnement permet de faire ressortir les principaux enjeux environnementaux du site d’implantation, portant notamment sur le patrimoine, le cadre de vie des habitants et le milieu naturel. Elle recommande au porteur de projet de se réinterroger sur le choix d’implantation de son projet, en recherchant un meilleur évitement de ses impacts sur l’environnement. »
Concernant plus particulièrement le milieu naturel, les enquêtes ont notamment mis en évidence la présence d’enjeux faunistiques forts pour les chiroptères et les oiseaux.
– En septembre 2020, le Commissaire enquêteur a donné un avis défavorable sur le projet. Il a souligné que « les impacts sur le patrimoine situé dans l’aire d’étude immédiate restent très importants et ne permettent pas d’implanter ces éoliennes de grande taille dans le secteur ».
– La Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites de la Vienne a voté contre le projet éolien en mai 2021.
– Dans son avis défavorable, l’UDAP de la Vienne a estimé que : « [...] les impacts sur le patrimoine situé dans l’aire d’étude immédiate reste très important et ne permet pas d’implanter ces éoliennes de grande taille dans le secteur...".
Par ailleurs, le projet se situe dans une zone sensible au sein de réservoirs de biodiversité et de corridors écologiques :
– À moins d’un kilomètre de la zone Natura 2000 de la plaine du Mirebalais et du Neuvillois.
– À deux kilomètres de la ZNIEFF de la « Carrière de la Boule d’or » qui constitue un site d’hibernation important pour plusieurs espèces de chauves-souris et abrite de nombreuses espèces d’oiseaux menacées.
Monuments protégés et potentiellement impactés par le projet éolien de Thurageau
– Vingt Monuments historiques se situent dans un rayon de treize kilomètres autour du projet. L’étude d’impact montre des co-visibilités/visibilités entre le parc éolien et plusieurs monuments classés.
– Douze Monuments historiques sur les vingt recensés dans le périmètre d’étude rapproché n’ont pas fait l’objet de photomontages, soit volontairement, soit par oubli, soit parce que considérés en état de ruine.
Le château de Rochefort, inscrit Monument historique en 1925, et ses chambres d’hôte est situé à 1,5 km du parc éolien.
L’impact n’est pas documenté sur l’ensemble du Site Patrimonial Remarquable (SPR) de la ville de Mirebeau, qui comme son nom l’indique, domine l’ensemble du paysage avec de larges vues dégagées. Le clocher de son église est un repère visible à plus de 20 kilomètres à la ronde. Il risque d’être concurrencé par le parc éolien qui se situe à peine à cinq kilomètres du centre-ville et à moins d’un kilomètre de ses hameaux orientaux.
Mirebeau compte sept Monuments historiques dont le château de Rochefort déjà cité et les monuments suivants :
– L’ancien couvent des Clarisses situé à 5 kilomètres du parc éolien,
– L’ancien prieuré Saint André, inscrit Monument historique en 1926 et 2003,
– Le logis du musicien du XVe siècle, inscrit Monument historique en 1927, en cours de restauration par la Fondation du Patrimoine, se trouve à 6 kilomètres des éoliennes.
Dans la commune de Coussay, les éoliennes situées à 2,5 kilomètres seraient en co-visibilité avec le château de la Tour de Ry, emblème de la Vienne. Entièrement restauré depuis vingt ans ce château est un « bijou de la première Renaissance » selon les termes de son classement Monument historique de 1933.
– Le projet de parc éolien se trouve à cinq kilomètres du château de Coussay, déjà impacté par le projet du parc de Doussay.
– Le château de Marçay (commune de Chouppes) à moins d’un kilomètre du parc éolien, est en partie ruiné mais ses abords sont accessibles au public. Malgré son inscriptionMonument historiqueen 1925, le promoteur a refusé de faire des photomontages le concernant, alors même qu’une partie des communs, eux-aussi protégés, sont habités. Un photomontage réalisé par l’association montre l’impact éventuel du projet.
– La chapelle et le prieuré de Marçay (commune de Chouppes) inscrits Monument historique en 1925. Ce monument n’est pas pris en compte dans l’étude. Situé à environ 1,5 km du projet éolien, il a bénéficié d’une restauration importante dans les années 2000 avec le soutien de la Fondation pour la sauvegarde de l’art français. La chapelle est ouverte à la visite. Le prieuré attenant, lui aussi inscrit, bénéficie actuellement de travaux complémentaires à des fins d’habitation.
Depuis les châteaux de Clairvaux et Labarom, "les éoliennes peuvent parfois être visibles, mais elles sont éloignées selon le promoteur qui justifie ainsi l’absence d’étude d’impact. Cependant, le château de Labarom (commune de Cheneché), ouvert en chambres d’hôte, partiellement inscrit Monument historique, se situe à 6 km environ du parc éolien.
Le château de Clairvaux (commune de Scorbé Clairvaux), en partie construit par le frère de Nicolas Fouquet, est intégralement inscrit Monument historique. Situé à environ 9 km du parc éolien, des visibilités sont probables depuis la façade ouest, ouverte à la visite.
Le château de la Tour d’Abain sur la commune de Thurageau est inscrit Monument historique depuis 1925. Il n’a pas été pris en compte dans l’étude d’impact alors qu’il est situé à environ trois kilomètres du parc éolien.
– Le château d’Habin sur la commune de Lencloître, inscrit Monument historique, n’a pas non plus été pris en compte dans l’étude d’impact du promoteur bien que situé à environ six kilomètres du parc.
D’autres monuments et paysages non protégés sont impactés par le projet :
– La chapelle de Seuilly à trois kilomètres du projet éolien de Thurageau.
– Le domaine viticole de Villemont sur les hauteurs de Mirebeau au début de la vallée de l’Envigne, aurait le parc de Thurageau en visibilité. (En haut à droite du cliché ci-dessous).
– Le lavoir de « la fontaine aux Femmes » à Mirebeau est à trois kilomètres à l’ouest du projet de Thurageau.
– Le gîte de la Maison Forte au lieu-dit Fouleresse à Mirebeau se trouverait face au projet de Thurageau implanté à deux kilomètres,
– Le pigeonnier de Chouppes serait voisin à six kilomètres des projets de Doussay et de Thurageau,
– Le fief (XIVe siècle) du Verger Gazeau sur la commune de Chouppes, aujourd’hui un gîte, se trouverait à 2,5 kilomètres du projet de Doussay et à trois kilomètres de celui de Thurageau,
– La tour de Mondon (XIIème siècle) sur la commune de Doussay est à 2,5 km du projet de Doussay et à trois kilomètres de celui de Thurageau.
La vallée de l’Envigne, outre sa richesse patrimoniale attire également de nombreux randonneurs et pêcheurs comme l’illustre la multiplicité des chemins et parcours proposés dans la vallée.
– La ballade de l’Envigne à la découverte de son avifaune,
– La boucle cyclo - Lencloitre, Nantilly, Doussay, Cernay - Autour de l’Envigne
– le parcours de pêche,
– le sentier de l’Envigne,
– le chemin de randonnée pédestre et culturel de Saint Martin en Poitou,
– la randonnée Coussay/Tour de Ry,
– circuit du Val d’Envigne.
21 parcs de 105 éoliennes sont aujourd’hui en fonctionnement dans le département de la Vienne, 76 projets de 408 éoliennes sont autorisés ou en instruction, et un parc est à l’étude à Chouppes.
Autour du projet du Mirebalais, dans un rayon de moins de 10 kilomètres, trois implantations de parcs éoliens sont actuellement à différents stade d’avancement dans la vallée de l’Envigne :
- Un parc de six éoliennes est autorisé. Un recours est en Cour d’appel à Bordeaux pour le projet de Doussay, après refus initial du préfet d’accorder un permis de construire.
- Un parc de 6 éoliennes est en instruction à Cernay (mât de mesure depuis août 2019).
- Le projet de Thurageau (7 éoliennes) objet de cet article.
Considérant que ces paysages et leurs nombreux édifices remarquables méritent d’être préservés, l’association Vent du Lencloîtrais conteste l’arrêté d’autorisation de la préfecture de la Vienne pour le projet de Thurageau et fait appel de sa décision.
Frédéric Gauthey Président- Éric Martinet Secrétaire Général
Association Vent du Lencloîtrais adhérente de Sites & Monuments.
Pour faire un don
Dossier Préfecture de la Vienne
Arrêté d’autorisation de la Préfecture de la Vienne du 7 mai 2021