Le conseil municipal de Serre-les-Sapins a voté le 27 août dernier la démolition d’un calvaire érigé en 1856. Cette décision soulève plusieurs questions.
La première concerne la justification des travaux. La principale raison avancée par la municipalité est d’ordre sécuritaire ; le nouvel aménagement vise à réduire la vitesse des usagers et à faciliter la traversée du carrefour par les véhicules de taille importante. Ces arguments pourraient être entendus si l’on ignorait que ce dernier n’a connu aucun accident de la circulation depuis plusieurs dizaines d’années - et ce, de l’aveu même de la municipalité qui n’a pas produit de données ou de rapport prouvant la dangerosité de l’intersection. Le passage des bus et des engins agricoles n’a d’autre part jamais posé de problèmes requérant une modification de la voirie. Les exploitants agricoles du secteur s’inquiètent en revanche de l’aménagement prévu qui ne permettra pas selon eux une circulation aisée de leurs véhicules. L’argument de la sécurité routière finit de s’écrouler quand l’on apprend que le futur régime de priorité de l’intersection n’a pas encore été décidé et le sera seulement à la fin des travaux.
Le second -et principal- problème que pose cette décision est d’ordre esthétique. Le crucifix, son socle et sa volée de marche constituent un fond de perspective remarquable pour la rue de la Machotte, une voie rectiligne longue de 440 mètres qui marque l’entrée du village.
Le plan de la mairie consiste à démolir le socle et la volée de marche et à replacer le crucifix - dans la mesure du possible - sur la nouvelle placette qui sera aménagée près de l’intersection - voir figures ci-après. Or le socle en maçonnerie qui surélève le monument, en plus d’offrir à ce fond de perspective des proportions harmonieuses, constitue une originalité unique en Franche-Comté. Le déplacement du calvaire ne sera en outre effectué que "si l’état de ce dernier le permet", il est donc impossible d’assurer qu’il ne sera pas détruit. Enfin, s’il est effectivement replacé, le calvaire le sera dans une orientation différente, sans prise en compte de la perspective.
Cette décision d’aménagement est donc contestable d’un point de vue pratique et dommageable d’un point de vue esthétique. Selon les chiffres annoncés, elle devrait coûter au contribuable une centaine de milliers d’euros. À l’heure où les collectivités territoriales doivent composer avec des moyens financiers en diminution, une telle opération interroge et ne semble avoir d’autre justification pour la municipalité préparant les échéances électorales à venir que de prouver sa modernité, une modernité abstraite et impensée qui n’a au fond rien pour elle que d’ignorer l’histoire.
G. M.-A., adhérent de Sites & Monuments