Moselle : agression éolienne sur un lieu de mémoire international.

Le camp du Ban Saint-Jean à Denting

Les paysages de la Champagne et des étendues champenoises sont envahies d’éoliennes et il semblerait que la Lorraine, déjà saturée elle aussi, fasse l’objet d’agressions nouvelles et caractérisées avec la menace d’implantation de nouveaux parcs éoliens dans la plaine des Vosges.
Les paysages villageois de Gruey-les-Surance, du pays de Neufchâteau, de Darney, etc., sont les futures proies des promoteurs éoliens.
Les intérêts en jeu dans les communautés de communes ne font que relayer les pressions des promoteurs à la Commission des sites qui n’est plus considérée que comme une chambre d’enregistrement.

Parcs éoliens autour du camp du Ban Saint-Jean
Parc éolien de Halling-les-Boulay près de Denting.

Un projet scandaleux menace aujourd’hui la commune de Denting (Moselle), où un parc éolien doit voir le jour sur un lieu de mémoire. Un charnier et un camp de prisonniers slaves de la deuxième guerre mondiale risquent d’être profanés symboliquement par ces machines.

Monument commémoratif sur l’ancien charnier déposé par l’association franco-ukrainienne pour la réhabilitation du Ban Saint-Jean.
Le secteur compte déjà de très nombreuses éoliennes, mais encore aucune à proximité immédiate de l’ancien Stalag. © Emmanuel Bouard. France 3 Lorraine.

La construction du camp du Ban Saint-Jean [1] est décidée dans les années 1930 pour renforcer les cantonnements de la Ligne Maginot. Il s’agit d’un camp de sûreté, en retrait des fortifications de la Ligne, destiné à recueillir les blessés des fortifications en cas d’accrochages avec l’ennemi et à alimenter les équipages des forts en troupes fraîches.
Le camp est inauguré en 1937 par le président Albert Lebrun. Il héberge le 146ème R.I.F. (Régiment d’infanterie de Forteresse) dans des structures neuves, modernes et fonctionnelles.

Pavillon d’officier supérieur du camp. Carte postale ancienne

Les officiers sont logés dans des pavillons de belle facture, typiques des projets architecturaux des années 1930 en zone agraire. Ils sont fonctionnels, beaux et adaptés à leur environnement naturel. Pour rehausser la beauté paysagère du site, les autorités décident de le fleurir, c’est ainsi que fut créée la « rose à la Ligne Maginot ». Avant-guerre, 3 500 plants de la rose du général Vaulgrenant sont plantés. Le Ban Saint-Jean obtiendra le label de « cité jardin ».

En juin 1940, la Moselle est annexée au Reich et le Ban Saint-Jean est placé sous administration allemande. Il devient un camp pour les prisonniers français. A partir de l’automne 1941 et jusqu’en 1944, des prisonniers soviétiques y sont transférés. Le Ban Saint-Jean devient un camp de travail pour certains et d’extermination pour d’autres. Plus de 20 000 corps ont été retrouvés sur les lieux.

Les lieux ne sont pas uniquement porteurs de cette funeste mémoire. Le camp du Ban Saint-Jean se situe sur la commune de Denting, à cinq kilomètres de Boulay-Moselle qui est l’une des principales communes de la région naturelle du pays de Nied.

Le Nied entre Siersburg et Hemmersdorf. Photo Markus Kelkel. Wikipedia

Le projet d’installation d’un parc éolien à Denting est une atteinte au devoir de mémoire. La commune a donné son accord au parc éolien, alors que chaque année de nombreux Ukrainiens et Russes viennent se recueillir dans ce camp où périrent leurs compatriotes.
Les associations se mobilisent, mais là aussi les bulldozers vont sans doute avoir le dernier mot, couverts par les autorités pour qui le devoir de mémoire se limite aux discours de circonstance.

La délégation de Sites & Monuments Grand Est s’associe pleinement aux protestations nationales et à celles venues de l’ancienne URSS. Elle s’associe bien évidemment à la signature collective de la lettre au président de la République et suivra ce dossier.

Voir le courrier adressé au président de la République et la pétition
Voir les courriers des descendants de prisonniers sur Le Lorraine
Lire dans L’Express.
Et pour en savoir plus, voir le reportage de France2 "L’Œil du 20 heures"
Découvrir l’histoire du Ban Saint-Jean

Jean-François MICHEL – Délégué régional Grand Est de Sites & Monuments

Notes

[1Ban : désignait la proclamation d’un suzerain s’appliquant à un territoire et, par extension, le territoire dépendant d’une seigneurie