Les élections municipales à Paris sont un moment privilégié pour sensibiliser l’ensemble des candidats aux questions de patrimoine et d’urbanisme.
Sites & Monuments - SPPEF, association nationale reconnue d’utilité publique fondée en 1901, ayant pour objet la protection des patrimoines naturels et bâtis, forte de son expérience parisienne, adresse aux candidats des propositions concrètes.
Elle fait sienne l’injonction de son président d’honneur, Alexandre Gady, dans Le Figaro : « Paris - Mesdames, Messieurs les candidats à la mairie, parlez-nous du patrimoine ! »
Constat :
La capitale possède un patrimoine urbain, architectural et naturel exceptionnel, cadre de vie des Parisiens attirant chaque année des millions de touristes. Ce patrimoine fait aujourd’hui l’objet de protections trop parcellaires ("Sites patrimoniaux remarquables" à PSMV du Marais et du 7e arrondissement et classements ponctuels). Le Plan local d’urbanisme (PLU), par ailleurs en vigueur, est imprécis, insuffisamment protecteur et peu stable. On déplore ainsi trop souvent la disparition d’espaces naturels en pleine terre, du bâti pittoresque ou la réalisation d’opérations de façadisme privant la ville de sa substance. L’inadéquation du PLU aux enjeux patrimoniaux et urbains de la capitale contribue à sa densification comme à son artificialisation. Une interprétation contestable de son règlement a en outre permis de nombreuses constructions et surélévations conçues en rupture des quartiers, banalisant le modèle urbain parisien, malgré l’action des associations et de la Commission du Vieux Paris.
Propositions :
Sites & Monuments est tout d’abord signataire de documents élaborés avec un groupe d’associations réunies autour de France Nature Environnement (FNE) Paris (« Halte au Monopoly à Paris »). Elle affirme ainsi la nécessité de lutter contre l’hyperdensification de la capitale, de sanctuariser ses derniers espaces en pleine terre, ainsi que l’importance de favoriser les déplacements à pied et à vélo, les plus compatibles avec le respect de son patrimoine.
Elle propose en outre de :
– Étendre l’emprise des Sites patrimoniaux remarquables dotés d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) aux arrondissements de Paris Centre, notamment à l’île Saint-Louis, à certaines parties du 1er et du 6e arrondissement, à la Nouvelle Athènes (9e arrondissement), etc. Ces quartiers méritent en effet d’être dotés d’instruments d’urbanisme fins protégeant au besoin des parties intérieures d’immeubles. Le PSMV est en outre le seul outil d’urbanisme permettant d’imposer, à l’occasion d’opérations d’ensemble, le dégagement d’espaces en pleine terre (par curetage d’îlots, suppression de constructions parasites...) Les parties moins sensibles du Site patrimonial remarquable pourront être couvertes par un Plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) régissant le simple aspect extérieur des immeubles. L’élaboration de ces documents d’urbanisme avec l’Etat leur conférera une stabilité qu’un Plan local d’urbanisme (PLU) ne peut avoir ;
– Remettre à plat, concernant les quartiers maintenus dans le Plan local d’urbanisme, l’ensemble des règles, notamment de hauteur (tours aux portes de Paris) et d’aspect des constructions (article UG. 11 du règlement). Il s’agit, en particulier, d’articuler les possibilités de construire - qui doivent évidemment être maintenues - autour d’un double impératif : celui de l’interdiction du pastiche, comme de la rupture architecturale (sauf exceptions limitées à certains bâtiments publics ou d’intérêt collectif) ;
– Accorder une importance toute particulière à la préservation du second œuvre patrimonial (portes et croisées anciennes de qualité) et proscrire de façon générale les isolations thermiques par l’extérieur ;
– Refuser les dérogations à la règle commune à l’occasion d’événements particuliers (loi Olympique, loi Notre-Dame…) ;
– Mettre fin à la « végétalisation spectacle », tant dans l’espace public (celle des places ou lieux non conçus à cet effet, comme la place de l’Hôtel de Ville, celle de la Concorde, les abords de l’Opéra, etc), que dans l’espace privé (opérations de "greenwashing" immobilier par mise en scène de plantes, de « serres de production agricole », etc) pour privilégier la préservation et la reconquête des espaces en pleine terre de la métropole ;
– Mettre un terme à l’occupation croissante de l’espace public, notamment naturel et patrimonial, par des structures « provisoires » se succédant dans le temps (installations commerciales du jardin des Tuileries, de la place de la Concorde, de la place de l’Hôtel de Ville, du Champ de Mars, des abords du dôme des Invalides...) Paris doit pouvoir respirer ;
– Maintenir, par des rééditions de qualité et un entretien régulier, le mobilier urbain traditionnel de la ville (kiosques, colonnes Morris, fontaines Wallace, bancs, corsets et grilles d’arbres...) Ce mobilier contribue en effet à la singularité et à l’unité paysagère de Paris. Il peut être adapté ou complété par des modèles témoignant de nouveaux usages. Le choix de leur design est malheureusement à ce jour décevant : poubelles, récupérateurs de vêtements, sièges urbains (notamment place du Panthéon ou de la Madeleine) ;
– Réduire drastiquement la présence de la publicité de très grand format, de la publicité sauvage et des écrans numériques dans la ville comme dans les transports en commun. Il sera évidemment mis fin à la publicité illicite notamment en site classé, sur les monuments historiques et les installations d’éclairage public. Sites & Monuments s’associe dans ce domaine aux recommandations de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) ;
– Mettre en place un plan d’urgence pour la restauration et la mise en valeur des églises, des fontaines et des ponts parisiens dont l’état catastrophique a notamment été mis en lumière par le site d’information La Tribune de l’Art ;
– Réintégrer dans le budget général de la ville les opérations de restauration patrimoniales menées dans le cadre des « budgets participatifs ». Il s’agit en effet de dépenses fondamentales et pleinement légitimes, qui n’ont pas à dépendre des aléas d’un tel budget ;
– Retrouver la propreté des espaces publics, parcs, squares, jardinets, pieds d’arbre et lutter contre les dégradations en tous genres (tags, stickers, "cadenas d’amour"…) ;
– Développer l’éducation au patrimoine par des visites de musées, de monuments et de quartiers parisiens associées à une formation aux styles architecturaux ;
– Favoriser l’information et la participation démocratique en amont des décisions : création de commissions thématiques (culture, tourisme, environnement...) composées d’élus, de représentants d’associations et de la population ;
– Accroître l’indépendance, les pouvoirs et les missions de la Commission du Vieux Paris, institution centenaire ayant réalisé un travail remarquable d’analyse et de recommandation à la municipalité.
En conclusion, il est essentiel de développer une étroite coopération avec les communes périphériques de Paris dans l’objectif d’une bonne articulation des politiques territoriales menées dans le cadre du Grand Paris. Sites & Monuments est ainsi signataire du « Manifeste pour la préservation de la qualité des paysages de la Grande Couronne » et souligne les enjeux particuliers de la préservation des grands domaines et du patrimoine du XXe siècle en périphérie parisienne.
Julien Lacaze, Président de Sites & Monuments