Sites & Monuments est favorable au rapprochement de certains patrimoines emblématiques de leur pays d’origine pour des raisons symboliques et contextuelles, sans pour autant nier leur histoire récente ni le principe d’inaliénabilité, fondateur des collections nationales françaises. Ce principe, d’abord loi fondamentale du royaume au XIVe siècle, a été codifié par l’édit de Moulin de 1566, puis transmis à la législation républicaine (sans valeur constitutionnelle), où il trouve une application particulière en matière muséale (voir ici). Il explique, à bien des égards, la richesse et l’ancienneté des collections des musées français. Sites & Monuments désapprouve par conséquent - en raison du transfert de propriété qu’il suppose - le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (voir ici).
Ce projet de loi prévoit en effet dans son article 1 la cession à la République du Bénin du trésor de Béhanzin, pris en 1892 par le général Dodds au palais royal d’Abomey, comportant certains des chefs-d’œuvre du musée du quai Branly (voir ici), ainsi que, dans sont article 2, la cession à la République du Sénégal du sabre dit d’El Hadj Omar Tall, saisi par le colonel Louis Archinard lors des combats de Bandiagara en 1893 et offert au musée de l’Armée en 1909 (voir ici).
Cette politique des dépôts de longue durée permet en outre, par sa souplesse et sa réversibilité, d’ouvrir la relocalisation à d’autres œuvres, bien au-delà des cas de spoliation et des faits de guerre. La recontextualisation d’objets légalement cédés, notamment à la faveur de difficultés économiques, peut en effet être tout aussi importante pour les patrimoines nationaux.
La liste des biens pouvant être réclamés est longue et ne se limite pas aux seuls Etats africains. La même logique pourrait notamment être appliquée au diamant « Bleu de France » de Louis XIV, plus gros diamant bleu découvert à ce jour, volé en 1792 au garde-meuble national. Il appartenait, avec "La côte de Bretagne" (spinelle conservée au Louvre), à l’insigne de la Toison d’Or créé pour Louis XV et est aujourd’hui exposé, légèrement modifié dans sa forme, à la Smithsonian Institution de Washington (voir ici). Au-delà des débats sur la prescription de ce vol, un dépôt serait le bienvenu...
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments