Il y a maintenant un siècle, en 1920, que cette cité-jardin a été conçue à Châtenay-Malabry comme une ville à la campagne. Composée de 3 695 logements implantés dans un écrin de verdure de 65 hectares, elle devait résorber la pénurie des logements en Région Parisienne.
Modèle historique d’urbanisme social humaniste, elle a été conçue pour les classes populaires sous l’impulsion d’Henri Sellier, administrateur-délégué de l’office des Habitations à Bon Marché, puis membre du gouvernement du Front Populaire. Imaginée par les architectes Joseph Bassompierre, Paul de Rutté, Paul Sirvin, André Arfvidson et le paysagiste André Riousse, sa construction s’est échelonnée en 7 tranches entre 1931 et 1965.
Inspirée des théories du mouvement moderne des « cités-jardins » initiée par E. Howard au début du XXe siècle, elle est un lieu de mémoire de 80 ans d’urbanisme et de construction en France. Contrairement aux cités-jardins de Suresnes et de Stains, elle n’est pas protégée contre les transformations intempestives de la promotion immobilière.
La Butte Rouge est connue dans le monde entier et elle est donnée comme un exemple à suivre. La diversité des formes des bâtiments et la rigueur de son plan d’urbanisme sont les qualités essentielles du projet. Des toitures terrasses, des jeux de volume une dissymétrie maîtrisée sont les marques typiques du « mouvement moderne » et fonctionnaliste de l’architecture après la première guerre mondiale. On peut les comparer aux bâtiments de l’architecte Robert Mallet-Stevens.
Les formes géométriques pures, un décor minimal, les formes rectangulaires des ouvertures ainsi que des parois enduites évoquent le style « Bauhaus ».
C’est un des Eco-quartiers historiques du « Grand Paris » car on y trouve de nombreuses cibles des référentiels labellisés : insertion dans le site, végétalisation, gestion des eaux de pluie et des déchets par la valorisation énergétique des ordures ménagères via une chaufferie qui alimentait la piscine. Le travail du paysagiste André Riousse a été particulièrement soigné. Il a su garder de nombreux arbres (il y a 155 arbres dont 16 classés à l’inventaire des arbres remarquables du département), et traiter les venelles et talus en harmonie avec la nature et les bâtiments. Des squares et parc s’ouvrent parfois sur de plus grands paysages. Sur les 65 ha de la Butte Rouge, il y a aussi de nombreux équipements collectifs : crèches, écoles, collège, gymnases, terrains de sport et commerces mais aussi un dispensaire, une bibliothèque, un cinéma, une salle de spectacle et une piscine. Certains équipements ont disparu d’autres ont été transformés comme la piscine en théâtre.
Les nouveaux propriétaires de la cité-jardin
Au 1er janvier 2018, Hauts-de-Seine Habitat, propriétaire de la cité, a transféré le patrimoine de la Butte Rouge à une coopérative HLM regroupant le parc de logements sociaux d’Antony et de Châtenay-Malabry. Par cette procédure, le maire d’Antony et celui de Châtenay-Malabry seront les seuls responsables de cette nouvelle société HLM.
Projet de démolition de 8 bâtiments
En 2018, nous apprenons par une exposition qui a lieu sur place, que des démolitions sont programmées avec l’accord du maire.
Trois secteurs de la cité-jardin sont touchés. Malheureusement il n’y a pas de vision d’ensemble de l’aménagement. Bien entendu des textes séduisants sur la modernisation de la cité sont mis en avant mais des nouvelles constructions sont prévues à la place des constructions existantes. Dans le même temps, les 300 familles concernées par les déménagements ont reçu des courriers.
Une mobilisation importante a eu lieu en 2017-2018 avec le soutien de l’association Environnement 92, de Jack Lang (voir ici) et de la députée Frédérique Dumas. Par un courrier daté du 28 août 2018, la Ministre de la Culture a écrit au maire de Châtenay-Malabry. Elle lui a précisé qu’un groupe d’experts est mandaté par elle, pour donner un avis sur les projets. Elle ajoute que la Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture se réunira le 7 février 2019 pour statuer sur les travaux de démolition proposés par le maire : « Plusieurs solutions peuvent être envisagées comme par exemple le classement en Site Patrimonial Remarquable proposé en début d’année par l’Architecte des Bâtiments de France ».
Ne laissons pas cette cité-jardin historique disparaître sous des bulldozers. Soutenez la demande faite pour son classement en Site Patrimonial Remarquable.
Barbara Gutglas, Association Châtenay Patrimoine Environnement (ACPE)
Les cités-jardins ont fait l’objet récemment d’un ouvrage de référence du service Patrimoine et inventaire de la Région et d’une exposition temporaire au Musée d’Histoire urbaine et sociale de Suresnes « Les cités-jardins d’Île-de-France, une certaine idée du bonheur. »
Jean-Louis Cohen, Professeur au Collège de France, donnera une conférence sur les cités jardins le 15 mars 2019 à 17h au Centre protestant de Robinson au 36 rue Jean-Longuet, 92290 Châtenay-Malabry.