Depuis quatre ans, la Communauté de Communes Loches Sud Touraine et l’association APELTA (Association pour la protection de l’environnement du Lochois et des territoires avoisinants) sont mobilisées contre l’implantation d’un parc éolien sur la commune de Bridoré, au lieu-dit « Les Terres de Pèle Joue ».
Un premier projet, porté par la Société « Soleil du Midi » consistait en l’installation de cinq éoliennes de 137 mètres de hauteur et de 23 mètres de garde au sol (espace laissé entre l’extrémité des pâles et le sol). Jugé trop menaçant pour l’avifaune et le chiroptère, la préfecture d’Indre-et-Loire a retoqué le dossier le 29 octobre 2021, enjoignant au promoteur de revoir son étude avec des éoliennes plus hautes (ce qui déprécie d’autant plus les paysages).
Le futur parc éolien serait situé dans le sud du périmètre des châteaux de la Loire, à 9 kilomètres et en surplomb de la cité médiévale de Loches et de son exceptionnel patrimoine médiéval et Renaissance, et à seulement 800 mètres du site naturel remarquable de la Vallée de l’Indre (classée Natura 2000), le principal réservoir de biodiversité de la Région.
Le secteur concerné entre Bridoré et Verneuil-sur-Indre est une campagne ondulante, constituée de collines et vallons alternant cultures et massifs forestiers, et abritant pas moins de dix zones humides. Le territoire descend en douceur vers la vallée de l’Indre, au Nord-Est, où son horizon est structuré par la forêt domaniale de Loches, un massif exceptionnel de 3 500 ha d’un seul tenant.
Le site d’implantation des éoliennes serait parallèle à une ligne de crête, orientée Sud-Ouest / Nord-Est, en frontière de la commune de Verneuil-sur-Indre, en surplomb au nord-Ouest de celle de Bridoré. Celui-ci est agrémenté d’un habitat rural de caractère, souvent réhabilité. De belles demeures, des manoirs, des châteaux et des églises classées viennent compléter l’identité de ce terroir et mettent en valeur sa richesse patrimoniale et sa diversité.
Sur ce territoire la base Monumentum recense :
- 6 monuments historiques classés ou inscrits dans un rayon de 5 km du projet de parc éolien ;
- 50 monuments historiques classés ou inscrits dans un rayon de 10 km avec de très fortes co-visibilités ;
- 82 monuments historiques classés ou inscrits dans un rayon de 15 km.
Voir la liste de ces Monuments historiques dont la plupart sont ouverts à la visite et/ou sont des lieux de manifestations culturelles.
Ainsi, après examen des nouvelles propositions de la Société « Soleil du Midi », consistant en l’installation de cinq éoliennes d’une hauteur de 150 mètres avec 35 mètres de garde au sol, la Communauté de Communes Loches Sud Touraine a manifesté à nouveau son opposition début mars 2022, avec une écrasante majorité de 82 voix défavorables sur un total de 92 (7 abstentions et 3 voix favorables).
L’examen des richesses patrimoniales compromises par le projet laisse en effet songeur :
Le Monument historique le plus proche est le château de Bridoré
Situé à seulement deux kilomètres du projet éolien et directement en contrebas de ce dernier, ce château du XVe siècle, vaste ensemble de constructions militaires avec donjon flanqué de tourelles, classé Monument historique en 1911, serait totalement écrasé par ces machines industrielles.
L’ensemble de Monuments historiques le plus prestigieux de ce territoire est la cité de Loches, située à neuf kilomètres est Inscrit au titre des sites (la citadelle et le parc des Montains compris) sur une surface de 45 hectares depuis 1944.
Loches, l’une des forteresses médiévales les mieux conservées d’Europe
La ville de Loches, classée Secteur Patrimonial Remarquable (ancien Secteur Sauvegardé) au terme de la loi LCAP de 2016, conserve une très grande partie de son héritage médiéval et Renaissance avec 26 monuments historiques classés ou inscrits donnant à lire 1 000 ans d’histoire et d’architecture.
Le parc éolien étant en surplomb et à seulement neuf kilomètres, la ligne des cinq éoliennes démesurées serait très visible depuis la terrasse du Logis Royal comme du haut du donjon ou même du parvis de l’église Saint Ours.
La forteresse, chef d’œuvre d’architecture militaire du XIe siècle, a été construite sur un éperon rocheux dominant toute la vallée de l’Indre, à l’emplacement d’un ancien castrum gallo-romain.
De Foulques Nerra à Richard Cœur de Lion, en passant par Henri II Plantagenêt, les comtes d’Anjou ont été les bâtisseurs d’un ensemble fortifié exceptionnel encore en très bon état de conservation : une tour maîtresse (le donjon), un logis royal, une collégiale (actuelle église Saint-Ours) au profil unique, une double ceinture de remparts protégeant l’ensemble du promontoire rocheux, munie de plusieurs portes fortifiées et de trois tours en amande monumentales.
Au XIIIe siècle, une ville s’installe au pied de la forteresse protégée à son tour d’une enceinte dont deux portes subsistent. Au XVIe siècle, la ville se dote de nombreuses constructions publiques et privées de style Renaissance, dont certaines constituent des exemples d’innovation architecturale exceptionnels pour l’époque comme l’Hôtel de ville, la Tour Saint-Antoine et la Chancellerie.
Beaulieu-les-Loches
A l’est au pied de la Citadelle de Loches, en bordure d’une exceptionnelle zone humide (prairies du Roy) classée Espace Naturel Sensible se trouve le village de Beaulieu-lès-Loches, labellisée « Petite Cité de Caractère » riche de ses quatorze monuments historiques classés ou inscrits : l’abbatiale Saint Pierre–Saint Paul fondée vers 1007 et dotée d’un clocher de 64 mètres récemment restauré, une Maison des Templiers, plusieurs maisons des XVe et XVIe siècle, un réseau de canaux de dérivation de l’Indre et quatre moulins dont le Moulin des Mécaniciens créé en 1500 qui abrite encore son mécanisme complet d’utilisation de la force motrice de l’eau, etc.
Verneuil-sur-Indre
A deux kilomètres au nord-ouest du projet éolien se trouve en co-visibilité directe le centre historique de Verneuil-sur-Indre avec son église Saint-Bauld construite au XIIe siècle sur l’emplacement d’une chapelle du Ve siècle et son étonnant château, comprenant une place-forte construite au XVe siècle, et un nouveau château inscrit Monument historique en 1975 construit par Jean Mansart de Jouy au XVIIIe.
Par ailleurs, Verneuil-sur-Indre héberge le seul parcours de golf du pays Lochois et le château, qui en est éloigné de quelques centaines de mètres, fait l’objet d’un projet de transformation en un hébergement hôtelier. Il va sans dire que le Golf et le projet hôtelier du château de Verneuil-sur-Indre seraient tous deux réduits à néant si le parc éolien se construit.
Le photomontage ci-après montre ce que deviendrait la vue au départ du Golf de Verneuil sur Indre, ce qui laisse perplexe sur sa fréquentation future.
La Seigneurie de Châtillon-sur-Indre.
A six kilomètres au sud-est de Bridoré se trouve la cité médiévale de Châtillon-sur-Indre, ancienne seigneurie bâtie sur un éperon calcaire qui marquait la frontière entre la Touraine et le Berry et qui a été âprement disputée entre Philippe Auguste et Henri II Plantagenêt. Elle conserve son logis-donjon du XIIe siècle et une église romane remarquable du XIe siècle.
Le Moyen Age a laissé une forte empreinte dans cette zone située en limite de la France et l’Anjou. Tout le sud Touraine renferme de petites églises romanes pleines de charme dans leur modestie. Quelques-unes ont subi des ajouts ultérieurs, d’autres ont conservé tout leur caractère d’origine.
La plupart des communes de ce territoire ont sur leur domaine un ou deux châteaux ou manoirs non classés Monument historique construits entre le XVe et le XIXe siècle. Ainsi, de Loches à Châtillon sur Indre : Le Pressoir à Beaulieu-les-Loches ; le château de St Jean-St Germain inscrit Monument historique est à 2,5 km ; le château de Saint-Senoch à Varennes ; le château de Verneuil-sur-Indre à 2,5 km, Château de la Gauterie à 900 mètres.
Sites classés et inscrits protégés au titre de la loi du 2 mai 1930
Dans un périmètre de quinze kilomètres du projet éolien de Bridoré se trouvent trois sites classés et trois sites inscrits, représentant en cumul plus de 500 ha de territoires protégés au titre de la loi du 2 mai 1930 :
- Chanceaux-près-Loches (243 ha classés depuis 1964 : château – parc – village – vallon de la Chantereine) où se déroule le célèbre évènement littéraire estival annuel « La Forêt des Livres », devenu « Les écrivains chez Gonzague Saint Bris ») ;
- Chemillé sur Indrois (55 ha classés depuis 1947 : Chartreuse du Liget, La Corroirie) ;
- Beaulieu les Loches : façade logis du XVe siècle (classé) et ses abords le long du canal de l’Indre (inscrits) ;
- Esves le Moutiers – Saint Senoch – Varennes (178 ha inscrits depuis 1980 : Château de Saint Senoch et ses abords) ;
- Loches : Citadelle et parc des Montains (23 ha inscrits depuis 1944) ;
- Montrésor : village de Montrésor (22 ha inscrits depuis 1944)
Un petit patrimoine d’une richesse exceptionnelle
De nombreuses maisons fortes et fiefs édifiés depuis le Moyen Âge sont conservés, des pigeonniers ont été restaurés. Le petit patrimoine est omniprésent : fontaines, lavoirs, moulins, loges de vignes, fours à chaux …
Enfin, il ne faut pas négliger l’impact sur le paysage rural aux constructions traditionnelles de tuffeau comme La Chaise ou Peljoue, à proximité immédiate (moins d’un kilomètre), lesquelles seraient tout simplement écrasées par ces imposantes machines de 150 mètres de haut.
N’oublions pas que l’Indre-et-Loire est l’un des départements ayant le plus riche patrimoine bâti avec 867 références dans la base des Monuments historiques.
Un territoire doté d’une biodiversité exceptionnelle
La vallée de l’Indre est une zone Natura 2000 qui s’étend de manière ininterrompue sur une distance de 100 km de la source de cette rivière, à proximité de Châteauroux, jusqu’à Loches, en passant à 800 mètres seulement du projet de parc éolien !
Ces territoires, au voisinage de Loches, sont caractérisés par d’importants massifs forestiers tant domaniaux que privés comportant in situ, ou en lisière, d’importantes zones humides avec de nombreux étangs et, au sud, la principale d’entre elle : les étangs de Brenne. Dans ces biotopes paisibles, les animaux trouvent une alimentation abondante et ne sont pas dérangés.
On y trouve donc une biodiversité d’une richesse exceptionnelle avec plusieurs espèces d’oiseaux inscrites sur la liste rouge de l’UICN France qui s’y reproduisent, comme la Cigogne Noire, le Milan Noir ou le Circaète Jean-le-Blanc, mais aussi quatorze des vingt-quatre espèces de chiroptères répertoriées en Centre Val de Loire et enfin une grande variété d’insectes.
Un projet destructeur, bâti contre les populations et leurs élus
Le conseil communautaire de Loches Sud Touraine a, depuis longtemps, engagé des efforts importants de développement du tourisme qui constitue désormais la seconde filière économique sur le territoire avec :
- 270 000 entrées dans ses sites et monuments, le premier desquels étant la citadelle de Loches ;
- 360 000 nuitées facturées par des hébergements marchands représentant 8 900 lits ;
- 6,7 M€ investis par le Conseil Départemental pour développer le tourisme dans les cinq dernières années (source : Office de Tourisme Touraine).
Ce projet destructeur viendrait à l’encontre de la valorisation du patrimoine de cette région, de la sérénité de ses habitants et de l’accueil touristique mis en place depuis de nombreuses années. Ce dossier a été adressé, assorti de l’avis défavorable de la Communauté de Communes Loches Sud Touraine, à la Préfecture d’Indre-et-Loire courant mai 2022.
Thibaut de Chassey, association APELTA