Vieux d’un millénaire, ce site patrimonial n’est cependant pas à l’abri des phénomènes géologiques. Le coteau, constitué d’argile à meulière et de sable de Fontainebleau, est propice aux mouvements de terrain. En effet, dès le XVe siècle le château fort nécessita divers travaux de consolidation, de renforcement ou de reconstruction du fait des glissements de sol causant des effondrements. Depuis 20 ans, le phénomène s’est accentué et les causes naturelles ne semblent pas être les seules coupables : un déboisement très sévère et un important problème de gestion des eaux pluviales ont précipité les dégradations. L’APESC (Association pour la Protection de l’Environnement et du site de Chevreuse ) tire la sonnette d’alarme.
Le château de La Madeleine domine la vallée de Chevreuse, en haut d’un coteau abrupt qui surplombe de 85 mètres la rivière de l’Yvette et le village de Chevreuse.
Construit principalement entre le XIème et le XVème siècle, il s’agit d’un des rares châteaux médiévaux encore bien complet en Ile-de-France. Il a traversé l’histoire de France et se trouve dans un relatif bon état général. Il présente de surcroît un intérêt historique sur le plan national, puisqu’en 1693, le duché de Chevreuse et son château ont été cédés par la volonté de Louis XIV aux dames de Saint-Cyr. On peut également citer la présence à La Madeleine de l’illustre tragédien qui donne son nom actuel au chemin Jean Racine, qui traverse plusieurs communes. Il part de l’abbaye de Port Royal des Champs, haut lieu du jansénisme où séjourna Blaise Pascal ; puis il va vers Saint-Lambert-des-Bois jusqu’à Chevreuse en longeant le château de La Madeleine.
Jean Racine l’empruntait fréquemment pour se rendre à Chevreuse lorsqu’il s’était vu confier par les dames de Saint-Cyr la gestion et la supervision de la restauration du château.
Le château de la Madeleine fut inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1940, puis classé en 1948. Il devient propriété du conseil départemental des Yvelines en 1981 et d’importants travaux de restauration sont réalisés afin de rétablir la cohérence historique du lieu qui tombait en ruine. Depuis 1989, la haute-cour abrite la Maison du Parc Naturel de la Haute Vallée de Chevreuse
Cependant depuis quelques années, des projets de vente se succèdent mais ne semblent pas aboutir, ce qui empêche peut-être la programmation des travaux de sauvegarde urgents et nécessaires.
Les derniers importants travaux ont été entrepris en 1986 jusqu’au début des années 2000, mais n’ont jamais été terminés.
Plus grave, depuis le début des années 2000, le château et le chemin Jean Racine se dégradent dangereusement. En effet plusieurs glissements de terrain sont survenus au cours des dernières années sur ce coteau sableux.
Les causes sont bien identifiées. D’une part, elles sont liées à un déboisement très sévère mené autour des années 2012-2017 pour y installer un éco-pâturage. Ce projet irréfléchi s’est révélé être une catastrophe géologique et écologique sur ces terrains sableux qui étaient retenus grâce à un important couvert végétal à base d’arbres dont le système racinaire cramponnait bien les sols. L’éco-pâturage a été depuis abandonné : pour finir, Il reste un coteau fragilisé, défiguré. Le coteau n’a pas été reboisé à ce jour.
Sévère déboisement en contrebas des murailles du château laissant plusieurs souches encore apparentes (ci-dessus à gauche). La photo de droite montre un chêne centenaire qui a été décapité dans le haut. Le tronc n’a pas été retiré. Il a été abattu simplement pour « dégager la vision du château depuis les alentours ». Le déboisement sauvage de ce coteau, sur un domaine public, n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact préalable.
D’autre part, il y a un grave problème lié au réseau communal de collecte des eaux pluviales de la plaine agricole. Les éléments qui le composent sont soit à l’abandon depuis des décennies, soit défaillants, soit supprimés (comme la mare près du château), soit totalement absents au plus près de la muraille du château. Il en résulte une accélération sévère des phénomènes de ravinements, aggravés par les épisodes orageux de plus en plus fréquents depuis deux décennies. La ligne de faille / d’éboulement n’est plus aujourd’hui qu’à six mètres de la muraille du château sur une partie du tracé, après un spectaculaire glissement de terrain survenu à la suite d’un important orage en juin 2018 (photos ci-dessus).
Quant au chemin historique piétonnier Jean Racine, sur l’autre versant du coteau, il est aujourd’hui au bord d’un ravin qui menace de s’effondrer et de l’emporter avec le mur des remparts qui le prolonge, le retient et domine le village de Chevreuse. Plusieurs signes et stigmates avant-coureurs d’un effondrement à terme ont été constatés par des experts en études géotechniques des sols. Rappelons que ce chemin est la seule voie permettant d’accéder depuis la route au pont levis de l’entrée du château.
Les arbres se couchent en masse dans le lit du torrent / ravin sur le versant Sud-Ouest du coteau. Les terrains, composées essentiellement de sables schisteux très fins dits « sables de Fontainebleau » s’effondrent (loupes de fluage). Les arbres situés au-dessus voient leurs racines se découvrir et tombent à leur tour dans un effet domino ascendant remontant jusqu’au sommet du coteau.
Ce coteau au Sud-Ouest a subi des effondrements de terrain ; de nombreux arbres sont tombés à la suite du ravinement qui a mis à nu leurs racines. Il est très fragilisé et la ligne de fracture ou précipice est aujourd’hui au bord même du chemin Jean Racine. Les murs, des lampadaires, une barrière en bois… se couchent progressivement vers le ravin.
La situation est extrêmement préoccupante, il y a lieu aujourd’hui de craindre un effondrement majeur du chemin Jean Racine vers le ravin, qui condamnerait l’accès au château. Et peut-être un nouveau glissement sous la muraille du château, près de celui de 2018, dans la mesure où le chemin s’incline et se fissure à nouveau en son milieu.
Plusieurs études géotechniques des sols ont abouti à des rapports officiels, les autorités locales sont donc pleinement alertées sur les périls imminents. Il est écrit dans le dernier rapport d’avril 2021 rédigé par le cabinet d’expertise SEMOFI :
« En conclusion, le site se trouve en état de stabilité précaire vis-à-vis d’une rupture globale de la pente. Dans tous les cas, les terrains de couvertures ne possèdent pas les propriétés suffisantes pour garantir la stabilité
À ce titre nous conseillons la mise en place d’un système de collecte et de drainage des eaux pluviales et de ruissèlements afin de canaliser et de limiter la circulation d’eau et le ravinement au sein des couches superficielles. Nous recommandons la réalisation de caniveaux et de dispositifs d’infiltration, … puisards... tranchées drainantes…. »
Les études se succèdent. Cependant les autorités locales ne travaillent toujours pas sur un plan d’action ou calendrier. La mairie de Chevreuse a juste tenté de déboucher quelques buses, en vain, et balayé quelques caniveaux, ce qui est dérisoire au regard de l’importance du problème et de l’urgence de la situation, tandis que l’exploitation du château par le PNR continue de générer un trafic routier pourtant interdit sur ce chemin piétonnier, inscrit, et qui devrait être protégé dans les faits !
Depuis quatre années, un nombre croissant des citoyens de la Vallée de Chevreuse se mobilisent pour la sauvegarde de ce site remarquable. Devant cette situation qui ne fait qu’empirer, les associations locales, telles que l’Union des Amis du Parc (UAP), L’Association des Amis de la Vallée du Rhodon et des Environs (AAVRE) et l’Association Protection et Environnement du Site de Chevreuse (APESC) cherchent à mobiliser les pouvoirs publics, et notamment la mairie de Chevreuse et le Parc Naturel Régional de la Haute Vallée de Chevreuse, ainsi que le Conseil Départemental et la Région mais ne sont toujours pas entendus malgré l’accumulation de sinistres et les menaces importantes sur ce site et ce monument. Monument de notre passé, il est une terre d’histoire mais aussi d’avenir dont il faut assurer la sauvegarde et la transmission.
Gilles Dervaux, président de l’APESC,
avec le concours de Yaëlle Desmartin